« Il faut aller au bout du plan France très haut débit et préparer les chantiers d’avenir », exhorte le président nouvellement élu d’InfraNum, Philippe Le Grand. Pour celui qui dirige également l’entreprise Nomotech, l’histoire du déploiement de la fibre « ne s’arrêtera pas lorsque 99 % des prises en France seront raccordées ».
Pourtant, en décembre dernier, l’Hexagone comptait déjà 70 % de prises raccordables et devrait atteindre 87 % d’ici la fin de l’année. Une projection bien supérieure à l’objectif fixé de 80 % pour la fin 2022.
Tout porte donc à croire que, comme prévu, 100 % du territoire pourra accéder au très haut débit en 2025. Ce qui ne signifie pas, cependant, 100 % de raccordement FTTH : en effet, la couverture totale du territoire sera permise en connectant entre 300 000 et 2 millions de foyers avec des technologies type radio ou satellite.
Une fin de déploiement cousu main
Après l’installation de quelque 42 millions de prises, ce recours à des solutions alternatives témoigne d’un changement de paradigme.
La réussite du plan ne tiendra plus à une logique de déploiement massif, mais aux contraintes techniques et financières liées à de multiples interventions complexes, voire sur-mesure.
Il s'agit désormais de parvenir à tirer la fibre sur de longues distances, à équiper un bâtiment même lorsque les infrastructures ne le permettent pas en l’état… « J’ai en tête un château dont le raccordement nécessitait d’investir 600 000 euros. Mais même sur certaines maisons, il peut atteindre entre 100 000 et 200 000 euros », détaille Philippe Le Grand.
Des relais de croissance à saisir
Preuve de la difficulté de l’équation économique, le financement qui permettra de parachever le plan n’a pas encore été trouvé. Les 150 millions d’euros apportés par l’Etat, même complétés par les investissements des opérateurs et des collectivités, ne suffiront pas selon Philippe Le Grand pour qui « il faudra plusieurs milliards pour aller le plus loin possible ». Dans tous les cas, un ralentissement d’activité inévitable se profile.
Un relais naturel est à chercher du côté de la maintenance et de la modernisation des réseaux. Assurer un service universel, sécuriser et entretenir les réseaux, mais aussi les faire évoluer avec, par exemple, l’arrêt du recours au cuivre sont autant de promesses d’activité. « C'est un véritable enjeu de filière. N’oublions pas que 40 000 salariés oeuvrent chaque jour pour le plan France très haut débit », rappelle Philippe Le Grand.
Mais l’exploitation du réseau ne peut suffire à compenser la fin d’une telle campagne d’installation, et le président d'InfraNum le sait. D’où sa volonté de favoriser l'export de l’expertise française acquise en FTTH. Des pays voisins comme le Royaume-Uni et l’Allemagne sont encore sous-équipés en la matière. « Là-bas, 25 % des prises installées le sont par des français. Et dans d’autres régions du monde, comme en Afrique notamment, nos entreprises multiplient les succès ».
Accompagner une tendance à l’export qui profiterait à toute la filière, tel est le souhait de Philippe Le Grand. « Nous voulons que lorsqu’un acteur français gagne un projet à l’international, il entraîne les autres avec lui. C’est à nous d’organiser cette vision collective à l’international, au travers d'un catalogue de filière qui recensera les expertises présentes dans l'Hexagone puis par la création d’une plateforme d’incitation à la coopération à l’export. »
Cap sur la smart city et la 5G
Un autre relais de croissance tient en deux mots : « smart city ». Ces fameux projets de territoires durables et connectés dont Dijon et Angers sont les deux vitrines. « Nous appelons de nos vœux la structuration de ce marché. Il y a des pionniers, mais il faut maintenant accompagner les collectivités. Nous leur proposerons des études pour structurer des schémas de développement sur le long terme. Commencer avec des petits projets est nécessaire, mais il faut les penser comme les briques de base d’une montée en puissance potentielle. »
S'ajoute enfin une dernière perspective, probablement la plus vertigineuse : l’arrivée de la 5G. « Une station de base 5G va pouvoir accueillir des milliers d’équipements connectés et ouvrir ainsi la porte à l’Internet des objets (IoT). A proximité des autoroutes, son temps de latence réduit fera de la voiture autonome une réalité », assure Philippe Le Grand avant de pointer l’écueil dans lequel il ne faudra pas tomber : celui, bien connu, de la fracture numérique.
Car la 5G ne pourra être présente immédiatement sur tous les territoires. « Une réflexion collective doit être menée pour donner les moyens aux collectivités de compléter leurs infrastructures quand le temps sera venu et ainsi amener la 5G au plus proche des territoires. Il faut éviter d’aboutir à la 5G des villes et la 5G des champs ».
Cette feuille de route bien remplie, InfraNum compte désormais la décliner opérationnellement et soumettre ce travail aux candidats à la présidence de la République. Une missive qui sera accompagnée d'une invitation afin que ces derniers présentent leur stratégie numérique pour la France. Rendez-vous est donné début mars à Paris dans un lieu qui reste encore à confirmer.