Le 12 mars, Jyrki Katainen, vice- président de la Commission européenne en charge des investissements, sera à Paris pour promouvoir le plan Juncker et son corollaire, le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS). Il est peu de dire que sa visite est attendue, tant le plan annoncé par Jean-Claude Juncker, le 15 juillet, avant même son élection au poste de président à la Commission, suscite le scepticisme. Les chiffres avancés par le Luxembourgeois ont, en effet, de quoi étonner : ce fonds, dont la création est prévue dès juin 2015, doit « générer 315 milliards d’euros d’investissement dans l’économie réelle » de l’Union européenne (UE) au cours des trois prochaines années en faisant appel au marché privé. Problème : l’Europe ne met sur la table que 21 milliards d’euros, dont à peine cinq d’argent frais apportés par la Banque européenne d’investissement. Les 16 milliards restants proviennent de fonds déjà inscrits au budget 2014-2020, dont 3,3 venant du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE), qui sert notamment à financer le Réseau transeuropéen de transports (RTE-T) ! Comment Jean-Claude Juncker parvient-il à ce chiffre quasi miraculeux de 315 milliards ? Les 21 milliards de l’UE permettraient un effet multiplicateur de 1 à 15. En clair, 1 euro de budget européen aboutirait à 15 euros injectés - sous forme de fonds propres, prêts ou emprunts obligataires - par des investisseurs privés de long terme (fonds d’investissement, de pensions, assureurs, mutuelles…). Pour inciter le « marché » à intervenir davantage dans des projets de l’UE, deux outils sont mis en place. Un mécanisme de garantie partielle permettrait d’abord aux investisseurs privés de ne pas perdre d’argent si l’opération échoue. Ainsi, des projets rentables sur une longue période, mais un peu trop risqués, deviendraient acceptables pour les investisseurs.
Une réserve de projets de qualité
Second outil : une « plate-forme » de préparation des projets mise en place par la Commission qui, ensuite, chargera un « comité d’experts indépendants » de les labelliser. Les projets visés devront être viables économiquement, se faire obligatoirement avec l’aide du FEIS et répondre aux objectifs de l’UE. A la demande de la Commission, chaque Etat membre a fourni une liste de projets provisoire, qui permet de commencer à constituer une « réserve » de 2 000 projets représentant 1 300 milliards d’euros. Les premiers financements du FEIS devraient arriver à l’automne.
Parmi les interlocuteurs que rencontrera Jyrki Katainen en mars, les représentants du BTP français devraient figurer en bonne place. En effet, les projets ciblés serviront « dans le domaine des infrastructures comme le haut débit, l’énergie et les transports », ainsi que « l’efficacité énergétique ».
« Cette idée de redonner au marché privé confiance dans les projets de l’UE est positive », estime la Fédération de l’industrie européenne de la construction (Fiec). « Mais une partie du plan reste encore floue. » La Fiec trouve également « dommage que des subventions pour des projets publics du RTE-T aient été affectées au FEIS, c’est-à-dire à des projets privés sur lesquels on manque encore de visibilité ». Xavier Huillard, le président de Vinci, se montre lui positif, évoquant par exemple le Charles-de-Gaulle Express : « C’est le type de projet dans lequel on pourrait injecter du capital patient , ayant une plus faible exigence de taux de retour sur investissement. »
