Que faudra-t-il prévoir pour renforcer la sécurité des centrales ?

Le parc nucléaire français composé de 19 centrales, équipées de 58 réacteurs de 900 à 1450 MW, va faire l'objet d'un audit complet. De cet audit, des mesures seront probablement prises pour renforcer la sécurité des sites. Mais quels types d'interventions sont envisageables ?

Le 15 mars à l'Assemblée Nationale, le Premier ministre François Fillon a répondu favorablement à une demande d'audit du parc nucléaire français formulée par le Parti socialiste : « Comme vous venez de le demander, les démonstrations de sûreté de chaque centrale en France seront contrôlées à la lumière des enseignements tirés de la catastrophe de Fukushima et les résultats de ces contrôles seront rendus intégralement publics ». « Cette revue, a expliqué plus tard le ministre de l'industrie, Eric Besson, lors d'une audition à l'Assemblée nationale, portera sur les quatre points suivants: le risque sismique, le risque d'inondation, le risque de rupture des moyens de refroidissement et les outils permettant de faire face aux situations extrêmes de fusion totale ou partielle du coeur d'un réacteur ». Et il a ajouté : « Les prescriptions de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) seront systématiquement prises en compte ». En attendant les conclusions dudit audit, on peut d'ores et déjà se demander s'il est possible d'intervenir sur des centrales existantes pour, par exemple, en renforcer la structure face au risque sismique.

Travaux de renforcement

De fait, l'évaluation de l'aléa sismique pour une centrale nucléaire est périodiquement revue, tous les dix ans, à l'occasion des études effectuées en préparation des visites décennales des réacteurs. Il s'agit par exemple de tester l'étanchéité et la résistance de la paroi en béton du bâtiment réacteur par une mise en pression à cinq fois la pression atmosphérique pour s'assurer que l'enceinte remplit complètement son rôle de confinement vis-à-vis de l'environnement et vérifier le bon comportement mécanique de la structure en béton armé. Ces études sont donc l'occasion d'examiner leur niveau de sûreté en prenant en compte les éléments nouveaux apparus depuis l'examen précédent, notamment les connaissances en matière de séismes. S'il y a lieu, une intervention peut être envisagée mais, dans ce cas, explique Philippe Bisch, directeur scientifique du groupe d'ingénierie Iosis : « Les techniques utilisées sont plus sophistiquées que dans le neuf. Les travaux de renforcement en eux-mêmes ne posent pas de problèmes majeurs. La difficulté, comme pour n'importe quel site industriel, provient de l'occupation des lieux et du manque de place en raison des équipements.». Ainsi il est plus simple d'intervenir sur les bâtiments périphériques que sur le réacteur en lui-même. Et on le sait maintenant, ces bâtiments sont tout aussi importants pour assurer la continuité de l'activité en cas de problème majeur. Travaux qui consistent le plus souvent à renforcer le contreventement mais aussi l'ancrage de certains matériels sensibles. A Fessenheim par exemple, des travaux décidés en 2000 à la suite d'une inspection de l'ASN ont été réalisés pour optimiser la résistance au séisme des réservoirs de secours de la centrale. Ce, après vingt ans de fonctionnement ! Que se serait-il passé s'il y avait eu un séisme ?

Le bâtiment combustible

En ce qui concerne le bâtiment combustible, constitué d'une piscine dans laquelle est placé ledit combustible, la problématique n'est pas la même dans les centrales françaises que dans les centrales japonaises. « A Fukushima, explique Philippe Bisch, la piscine était placée en hauteur, en toiture, dans un bâtiment à structure métallique pour la protéger d'un éventuel tsunami. En France, les piscines sont confinées dans un bâtiment en béton apte à résister à un séisme. D'ailleurs, le bâtiment de la centrale japonaise, bien que de conception ancienne, a résisté au séisme. Ce qui pose problème, c'est le process de refroidissement, pas le génie civil. Une idée toute bête consisterait peut être à prévoir un refroidissement gravitaire ». Néanmoins, le renforcement de ces bâtiments pourra être nécessaire après analyse des risques, risque terroriste par exemple, avec la nécessité de prévoir des coques avion résistant à une attaque. Et : « Sur une centrale dont la piscine ne serait pas protégée suffisamment, refaire une coque ne serait pas évident. Peut-être serait-il plus raisonnable de l'arrêter », explique Philippe Bisch.

Génie civil : un rôle primordial dans la sécurité des centrales

Dans tous les cas, le génie civil joue un rôle primordial et ce, depuis toujours dans la sécurité des centrales puisque c'est lui qui assure le confinement. Depuis quarante ans, les techniques, conception ou béton, se sont transformées et la centrale de Flamanville n'aura pas grand-chose à voir avec celles de Fessenheim ou du Bugey : « Les technologies de confinement ont profondément évolué. Les centrales de première génération sont dotées d'une enceinte béton précontraint doublée à l'intérieur par une coque métal pour assurer l'étanchéité. Plus puissantes, les centrales de seconde génération bénéficient d'une double paroi béton : une enceinte extérieure résistant aux agressions et une enceinte intérieure en béton précontraint pour l'étanchéité. Pour les EPR de dernière génération, nous avons une triple paroi : une enceinte en béton précontraint doublée d'une coque métallique et une coque extérieure, dite coque d'avion ». Enceinte extérieure qui est étendue aux bâtiments périphériques. C'est là une différence majeure en terme de sécurité par rapport à toutes les centrales qui ont été construites jusqu'à aujourd'hui. Un seul bâtiment carré de cent mètres de côté abritera, à Flamanville, le cœur du réacteur, les infrastructures auxiliaires de sécurité et le bâtiment combustible se trouvent ainsi complètement protégés. Autre changement de taille : sous le réacteur est prévue une aire d'étalement en cas de fusion du cœur (corium) en béton spécial sacrificiel. Des mesures de sécurité qui n'ont rien avoir avec le parc existant. Reste à attendre les conclusions de l'audit pour voir si les centrales de première génération, comme le demandent certains, ne devront pas tout simplement être fermées car d'une technologie dépassée par rapport aux risques.

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