Quatre pistes pour construire moins cher

Les prix flambent dans le logement. Et les professionnels traquent toutes les économies possibles.

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Baisser le prix du foncier… C’est sur ce thème que portent principalement les politiques publiques en matière de logement, tout comme les revendications des professionnels, promoteurs ou constructeurs de maisons individuelles. Pourquoi les économies ne se nicheraient-elles pas ailleurs, dans la multitude d’actions et d’interventions nécessaires à l’acte de construire ? Etudes, conception, choix d’un système constructif, matériaux, présence des différents corps d’état, conduite de chantier, contraintes urbanistiques ou réglementaires, performances environnementales sont autant de postes incontournables. Mais les curseurs sur ces tableaux de bord peuvent être placés plus ou moins haut.

Quelques architectes, ingénieurs et constructeurs, piqués par des appels à idées ou des projets de recherches du Plan urbanisme construction et architecture (Puca) notamment, se sont attelés à la tâche pour proposer, à qualité égale, des maisons ou des appartements dont le prix (hors foncier) pourrait diminuer. Mais leurs efforts ne compensent pas les hausses de coûts induites par l’augmentation du prix de l’énergie, les charges supplémentaires dues aux 35 heures et la hausse du prix de certains matériaux. « On n’a jamais construit aussi cher », constate Patrick Martin, directeur général des bureaux d’études Betrec et Terre Eco. Il compare l’économie du bâtiment à un tapis roulant sur lequel l’écart entre les économies réalisables et les hausses constatées est au mieux constant, au pire s’aggrave. Peut-on baisser ou maintenir le coût de la construction sans tomber dans la modélisation qui ferait se ressembler tous les logements de France ? Cette démarche implique-t-elle la suppression des postes dits superflus qui améliorent le confort ? Entre bon sens, pragmatisme, économies d’échelles et emploi de hautes technologies, il y a sans doute moyen d’avancer. Personne n’ose pourtant la moindre estimation et les constructeurs de maisons gardent jalousement leurs études sur la ventilation exacte des débours.

1 Le bon sens et l’intelligence

Le promoteur ING Real Estate Development France n’a pas la réputation de brader ses immeubles. De la qualité, au juste prix, serait plutôt sa devise. Et pour tenir dans le marché (même haut) avec des planchers en bois massif, des huisseries en aluminium ou des façades en pavé de verre, il faut chercher à baisser les coûts ailleurs. « Cela se joue dans un équilibre subtil entre économie et confort », explique Frédérique Monjanel, responsable de l’architecture chez ce promoteur. Elle évoque la rentabilité des accès et le nombre d’appartements desservis par une seule cage d’escalier ou l’idée d’utiliser au mieux les fondations d’un immeuble : l’îlot C dans le projet urbain de Lyon Confluences est, par exemple, un grand bâtiment monolithique dont la trame de 5,40 mètres est identique à celle du parking et évite les reports de charges. « Attention, poursuit-elle, il ne s’agit pas, au nom du coût, de sacrifier les espaces intérieurs ou de les commander exclusivement par les plans extérieurs. Nous cherchons toujours à dessiner des appartements traversants ou pluri-orientés, dont aucun mur n’est porteur, afin de rendre possible le décloisonnement. »

De son côté, Jacques Ferrier défend la qualité des espaces dans son projet de « Concept House » dessiné pour Maison Phénix, la seule marque connue en France à avoir systématisé la structure métallique pour la maison individuelle. « Nous avons réussi à convaincre les promoteurs de laisser apparentes les poutrelles cachées jusqu’alors, explique l’architecte. Il est ainsi possible de gagner en volume, en économisant sur les planchers des combles. En même temps, l’aspect de ces maisons se modernise et le genre ‘loft’est plutôt apprécié des acquéreurs. » Dominique Marrec estime qu’« il faut être curieux et discuter avec les maîtres d’ouvrage des vrais enjeux d’un bâtiment ». A l’occasion d’un projet pour la Régie immobilière de la Ville de Paris, construit rue Louis-Blanc dans le Xe arrondissement, cette architecte et son associé Emmanuel Combarel ont opté pour un parking en rez-de-chaussée « plutôt que des commerces étriqués avec 2,20 m de hauteur sous plafond. Ce choix nous a permis de réinjecter ailleurs l’argent économisé en ne creusant pas », précise-t-elle. Marc Pigeon, président de la Fédération des promoteurs-constructeurs, se prononce, lui, en faveur de la « Logan résidentielle », des bâtiments de structure simple, aux façades sans fioriture architecturale. « On veut toujours faire mieux et on se laisse entraîner dans des surcoûts que l’on pourrait éviter », explique-t-il. Dans un immeuble d’habitation à Montpellier, le choix, surtout esthétique, d’un escalier en façade l’a obligé à installer – et financer – des systèmes de désenfumage sur chaque palier…

2 Des matériaux adaptés

L’acier moins cher que le béton, lui-même moins cher que le bois ? Impossible de répondre hors contexte. En France, le marché de la maison individuelle est très largement dominé par la maçonnerie traditionnelle : 69 % de parpaings de béton, 22 % de briques, suivie, loin derrière par le bois (4 % du marché) et l’ossature métal (3 % seulement). « Cela s’explique par de très nombreux facteurs, précise André Caron, directeur de Caron Marketing, un bureau d’études spécialisé. Tant que les constructeurs trouveront des artisans pour construire des maisons traditionnelles, ils ne pousseront pas très loin leurs recherches », poursuit-il. D’autant que la maison « en dur », correspond plus que les autres – et tous les sondages le confirment – aux goûts des acquéreurs.

Les typologies à ossature bois ou métal et remplissage seraient mieux acceptées si elles coûtaient moins cher à la vente. D’après André Caron, il faudrait pouvoir économiser 10 % du coût de la structure, en jouant par exemple sur le gros œuvre qui ne représente lui-même que 35 % du prix de vente hors terrain. Autant dire qu’il faudrait abaisser le gros œuvre de ces modes constructifs alternatifs de 30 %. Un saut énorme et pour l’instant inaccessible. Un projet porté par l’architecte Christian Gimonet et le groupe Jacob pour le bailleur social Bourges Habitat vient pourtant de démontrer le contraire en proposant 55 maisons individuelles à ossature bois pour 821 euros/ m2 TTC montées deux par deux en quelques jours à peine. La brique utilisée en Monomur pourrait, à terme, remplacer la construction traditionnelle « dont le coût augmentera du fait du manque de maçon. Personne ne veut plus faire ce métier aujourd’hui. Pour recruter il faudra payer davantage les artisans », ajoute Dominique Duperret, secrétaire général de l’Union nationale des constructeurs de maisons individuelles (UNCMI). Les systèmes de panneaux composites sans ossature, développés notamment par Dow Chemical, sont en revanche toujours beaucoup trop chers. « Le choix de tel ou tel matériau ne doit pas se faire a priori, mais en fonction de la manière dont on va l’utiliser. Il faut savoir dans quelle dimension il est déclinable, quel est son système de mise en œuvre, poursuit l’architecte Dominique Marrec. Si la taille des panneaux ou des dalles oblige à opter pour une structure compliquée, il faut être capable de changer de voie. »

3 Construire malin

Les économies peuvent intervenir tout au long du processus de construction, depuis les études jusqu’à la commercialisation, en passant par le chantier. Pendant ces mois de fabrication plus ou moins artisanale, se succèdent sur le site des métiers divers dont la coordination est sans doute l’un des filons les plus fertiles pour qui veut économiser. En 1998, le Puca avait lancé LQCM (logements à qualité et coût maîtrisés), un appel à propositions qui donna lieu à une quarantaine de réalisations. « Ce fut l’occasion pour des bailleurs sociaux de réfléchir aux liens entre programmation et gestion et de réorganiser certaines équipes en interne pour favoriser dès la conception du projet une information plus claire pour tous », résume Hervé Trancart, chargé de mission au Puca. « Les réponses ont porté davantage sur l’optimisation des surfaces et la conception des cellules que sur l’innovation des techniques. Il est ressorti de ce programme, clos en 2001, que l’on avait atteint le haut de la courbe des gains possibles et qu’il fallait se concentrer sur le coût global en maîtrisant les charges », poursuit-il.

De leur côté, les constructeurs de maisons individuelles expérimentent sans cesse les économies au stade de la fabrication : « Le plaquiste qui pose les cloisons intérieures est par exemple devenu un artisan essentiel de la gestion du chantier, explique Dominique Duperret. Il peut être amené à faire passer les réseaux dans les murs et dans les planchers et remplacer certains corps d’état. Sur certains postes, il est possible grâce à ce nouveau partage du travail de gagner 20 à 30 % du temps de chantier. » Dans cet ordre d’idée, la filière sèche est évidemment l’une des réponses adaptées.

4 Pré-construireen usine

La piste industrielle fait rêver constructeurs et promoteurs. L’invention de systèmes constructifs aux modules fabriqués en usine et vite montés a donné lieu à de nombreuses tentatives et encore tout récemment. La société Algeco a lancé un concours d’habitat modulable auprès d’écoles d’architecture. Maison France Confort réfléchit à introduire dans son catalogue, avant l’été, une maison à ossature métallique et parement de polystyrène expansé renforcé d’acier, à livrer en six mois au lieu de 12 actuellement. Le Puca vient à son tour de juger un nouvel appel à propositions, baptisé CQFD (logements optimisés: coût, qualité, fiabilité et délais), qui a attiré 111 réponses de maîtres d’œuvre, associés à des entreprises industrielles. « C’est un rêve économique, mais est-il socialement viable ? Les gens ont-ils envie d’habiter la même maison que leurs voisins ? », se demande Dominique Duperret. Les 16 lauréats ont proposé trois types de réponses : l’intégration de composants industriels à un concept architectural ou à une organisation de travaux qui en facilite l’assemblage ; la transposition à l’habitat de procédés industriels validés dans la construction tertiaire ; ou encore une standardisation « raisonnable » permettant de répéter des compositions architecturales.

Le jury a toutefois regretté que les performances de construction, chiffrées de 800 à 1000 euros le mètre carré voire moins, soient davantage « déclarées que démontrées » et que certains systèmes proposés exigent une mise au point avant d’être commercialisables. L’industrialisation ne résout pas tout et n’est pas forcément adaptée à tous les types de chantiers : pour la construction de maisons isolées, les éléments préfabriqués – lourds assemblables seulement à l’aide d’une grue – sont rédhibitoires. A contrario, les éléments plus légers et plus sophistiqués exigent l’intervention d’une main-d’œuvre plus qualifiée, donc plus chère.

Autre difficulté, d’ordre juridique cette fois, la solidité financière des industriels. Sont-ils prêts à investir dans la recherche et les chaînes de production ? « Ensuite, ils devront être capables de produire les éléments, voire les maisons entières avant de les vendre, souligne Dominique Duperret. Aujourd’hui, le contrat de construction de maison individuelle interdit tout versement avant le début du chantier, sauf en cas de garantie optionnelle de remboursement. »

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