Quand le délai de garantie de parfait achèvement joue les prolongations

Marchés publics -

L'acheteur prudent anticipera le cas des réserves prononcées postérieurement à la réception et non levées dans l'année.

 

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Par Arnaud Latrèche, adjoint au directeur de la commande publique et de la valorisation immobilière au conseil départemental de la Côte-d'Or, vice-président de l'Association des acheteurs publics.

En marchés publics, la garantie de parfait achèvement (GPA) est régie par les dispositions de l'article 44 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) travaux. Elle s'applique dès lors que l'acheteur fait dudit CCAG une pièce contractuelle du marché et n'y déroge pas sur ce point.

Contenu de la garantie

L'article 44.1 du CCAG énonce que le titulaire est tenu, au titre de cette garantie : - de réaliser, le cas échéant, les essais définis par le marché ; - d'exécuter les finitions et reprises ayant fait l'objet de réserves lors de la réception de l'ouvrage ; - de remédier à tous les désordres que lui notifie l'acheteur ou le maître d'œuvre afin de rendre l'ouvrage conforme à l'état qu'il présentait lors de la réception et d'en assumer la charge si les causes de ceux-ci lui sont imputables ; - de procéder, le cas échéant, aux travaux confortatifs et modificatifs apparus nécessaires consécutivement à la réalisation des essais prévus par le marché et de les prendre également en charge si la cause de ces désordres lui est imputable ; - de remettre au maître d'œuvre le dossier des ouvrages exécutés (DOE) et le dossier d'intervention ultérieure sur l'ouvrage (DIUO).

Cette garantie inclut l'ensemble des dépenses nécessaires à l'exécution des travaux et prestations couverts.

Durée de la garantie

Ces obligations pèsent sur le titulaire pendant une durée d'un an à compter de la date de réception. L'expiration du délai de GPA marque la fin des engagements contractuels du titulaire envers l'acheteur (sous réserve d'autres garanties particulières prévues contractuellement).

L'article 41.6 du CCAG travaux précise par ailleurs que le titulaire doit remédier aux réserves émises à la réception au plus tard trois mois avant l'expiration du délai de garantie, à moins que l'acheteur ne lui ait notifié un délai différent.

Possibilité de prolongation expresse du délai de GPA

En vertu de l'article 44.2 du CCAG, l'acheteur peut décider de prolonger le délai de garantie lorsque, selon toute vraisemblance, le titulaire n'aura pas exécuté les travaux ou prestations couverts par celle-ci. Ainsi prolongé, le délai de GPA court jusqu'à l'exécution intégrale des travaux ou prestations par le titulaire ou par un tiers aux frais et risques du premier.

Dès lors, sauf clause contraire stipulée dans les pièces particulières du marché, la prolongation du délai de garantie ne peut résulter que d'une décision explicite de l'acheteur.

L'expiration du délai de GPA marquant la fin des obligations contractuelles de son cocontractant, l'acheteur qui s'est abstenu de prolonger ce délai peut-il rechercher la responsabilité contractuelle du titulaire au-delà du délai d'un an lorsque ce dernier n'a pas remédié aux réserves ?

Distinction selon la date d'émission des réserves Par une décision de 2007, le Conseil d'Etat a jugé qu'il y avait lieu de distinguer deux hypothèses de prolongation des relations contractuelles tenant au moment où les réserves non levées ont été formulées (CE, 26 janvier 2007, n° 264306, mentionné aux tables du recueil Lebon).

Réserves à la réception. La première vise l'hypothèse où l'acheteur a émis des réserves à la réception. Dans ce cas, les relations contractuelles se poursuivent au-delà du délai de GPA tant que les réserves ne sont pas levées, quand bien même l'acheteur n'a pris aucune décision de prolongation du délai de garantie. Le titulaire est alors tenu d'exécuter les travaux ou prestations nécessaires pour remédier aux désordres mentionnés dans le procès-verbal de réception avec réserves.

Le Conseil d'Etat a jugé qu'il y avait lieu de distinguer deux hypothèses de prolongation des relations contractuelles tenant au moment où les réserves non levées ont été formulées.

Selon le Conseil d'Etat, les dispositions combinées des articles 41 et 44 du CCAG travaux « ne peuvent conduire à assimiler l'absence de décision de prolongation du délai prise par le responsable du marché à une levée implicite des réserves dont la réception a été assortie ».

Réserves ultérieures. La seconde hypothèse concerne, a contrario, les autres travaux ou prestations dont le titulaire est redevable pendant le délai de GPA. S'agissant de ces derniers, lorsque le titulaire manque à ses obligations, les relations contractuelles peuvent se poursuivre au-delà du délai de GPA à la condition sine qua non que l'acheteur décide expressément d'une prolongation du délai de GPA, avant l'expiration de celui-ci. A défaut, passé le délai d'un an, le titulaire est déchargé des obligations résultant de l'article 44.1 du CCAG.

A titre d'exemple, citons un arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles de 2017 (CAA Versailles, 24 mai 2017, n° 14VE00724) : « S'agissant des autres désordres ou malfaçons […] qui sont apparus après la réception des travaux, il résulte de ce qui précède que l'action de la commune [...], engagée le 19 juin 2009 et fondée sur la garantie de parfait achèvement, doit être regardée comme prescrite, faute pour elle de justifier d'une prolongation du délai de cette garantie. »

Aménager les dispositions contractuelles

Afin de se prémunir contre un éventuel oubli de prolongation du délai de GPA, dont les effets peuvent s'avérer dommageables, il peut être recommandé à l'acheteur de déroger à l'article 44.2 du CCAG travaux. Il pourra pour cela insérer dans les dispositions particulières du marché la clause suivante : « Par dérogation à l'article 44.2 du CCAG travaux, si, à l'expiration du délai de garantie, le titulaire n'a pas procédé à l'exécution des travaux et prestations nécessaires à la levée des réserves émises tant à la réception que pendant le délai de garantie ainsi qu'à l'exécution de ceux qui sont exigés, le cas échéant, en application de l'article 39 (1), le délai de garantie est prolongé, sans formalité préalable, jusqu'à l'exécution complète des travaux et prestations, que celle-ci soit assurée par le titulaire ou par un tiers à ses frais et risques conformément aux stipulations de l'article 41.6. ».

Ces mesures, qui peuvent, le cas échéant, être exécutées par le maître d'œuvre ou par un tiers en lieu et place du titulaire, sont à la charge de ce dernier si un vice de construction est constaté.

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