Après l'arrêt de l'activité d'un site industriel, certaines entreprises ont tendance à conserver le terrain par crainte que des pollutions soient découvertes postérieurement à la vente. Cette pratique contribue à l'expansion de friches industrielles, contraire à leur revalorisation et aux ambitions du gouvernement dans ce domaine.
En matière de pollution, les garanties contractuelles traditionnelles sont souvent difficiles à mettre en œuvre et n'encouragent pas à la vente de ces terrains. Plusieurs mécanismes juridiques se sont développés afin de sécuriser de telles cessions, comme le dispositif du tiers-demandeur, mais cela reste insuffisant. A partir des années 2000, sont apparues des polices d'assurances des risques liés au passif environnemental qui permettent de couvrir les pertes financières de l'assuré conséquentes à la découverte d'une pollution antérieure à la vente.
Police sans recours. Inspirées de pratiques anglo-saxonnes et constituant un marché émergent en France, ces assurances permettent de sécuriser les cessions et présentent la spécificité d'être des polices sans recours : la compagnie d'assurances ne peut se retourner contre la personne responsable après avoir couvert l'assuré. Leur mise en place revêt un caractère exponentiel et soulève un certain nombre d'interrogations, notamment sur les risques couverts lors de la cession d'un site.
Les risques couverts lors de la vente d'un ancien site industriel
La police d'assurance présente des intérêts différents selon qu'elle a été souscrite par l'acquéreur ou par le vendeur d'un ancien site industriel.
Souscription par l'acquéreur. En cas de pollution antérieure à la vente, l'acquéreur peut engager la responsabilité du vendeur en invoquant, par exemple, la méconnaissance de l'obligation de remise en état du dernier exploitant, de l'obligation d'information ( et ), la garantie des vices cachés ( ) ou encore le défaut de délivrance conforme ().
Cependant, lorsque le vendeur a juridiquement disparu ou est devenu insolvable, l'acquéreur, en tant que propriétaire, peut devenir responsable de la pollution à titre subsidiaire ( ). Contracter une police d'assurance lui permet alors, sous certaines conditions, non seulement de se protéger contre les risques engendrés par le passif environnemental, mais aussi de faciliter le financement de l'acquisition du site : une telle police de passif environnemental peut en effet être requise par les banques, qui en bénéficient alors à titre de sûretés.
Souscription par le vendeur. Pour le vendeur, il peut parfois s'avérer difficile de se conformer à ses obligations légales et réglementaires. A titre d'exemple, l'obligation de remise en état, par nature imprescriptible, mais dont la charge financière est soumise à une prescription trentenaire, n'oblige pas uniquement le dernier exploitant à se conformer aux prescriptions de l'administration, lors de la cessation de l'activité.
Elle lui impose également de s'assurer qu'il ne se manifeste sur le site aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l', en particulier pour la santé ou la sécurité publiques, ou pour la nature. Or, aucun document délivré par l'administration - pas même le procès-verbal de récolement - ne peut constituer un quitus libérant le dernier exploitant de sa responsabilité (, publié au Bulletin).
S'agissant de l'obligation d'information environnementale, le vendeur doit, qu'il ait eu ou non connaissance de l'exploitation antérieure de l'installation, informer par écrit l'acquéreur de l'existence d'anciennes installations classées (ICPE) soumises à autorisation ou à enregistrement exploitées sur le site (). En cas de non-respect de cette obligation, l'acquéreur est en droit de demander une diminution du prix, voire la résolution de la vente.
La souscription d'une police d'assurance environnementale peut donc garantir le vendeur contre ces risques financiers. La compagnie d'assurances peut alors couvrir les frais de dépollution et de réhabilitation du site, liés à la période antérieure à la vente, y compris les frais des investigations environnementales complémentaires qui seraient demandées par l'administration en application de l'.
Les risques couverts lors de la vente d'un site industriel en activité
La couverture du passif environnemental par une police d'assurance présente un intérêt différent lorsque l'activité industrielle est maintenue. Lorsque les actionnaires d'une entreprise industrielle changent à la suite d'une opération de fusion-acquisition, les responsabilités liées à la présence de pollutions non révélées lors de la cession sont généralement contractualisées dans le cadre d'une garantie de passif, incluse ou annexée au contrat de vente.
Ces garanties de passif prévoient la répartition, entre le vendeur et l'acquéreur, des responsabilités, ainsi que les indemnisations éventuelles liées aux pollutions historiques, pendant une durée donnée et selon des plafonds précisés par la garantie. Elles peuvent représenter 10 à 30 % du montant de la transaction.
Garanties financières. Ces garanties sont pertinentes lorsque des incertitudes subsistent à propos d'impacts environnementaux liés à l'activité industrielle. L'acquéreur doit s'assurer qu'elles seront respectées par le vendeur. A cette fin, il demande au vendeur de lui fournir une garantie financière. Cette sûreté prend généralement la forme d'un séquestre conventionnel, d'un cautionnement bancaire ou d'une garantie à première demande. C'est ici qu'intervient l'assurance des risques environnementaux, laquelle va se substituer aux sûretés précitées consenties par le vendeur.
Peu usitée, une police d'assurance contractée par le vendeur permet à ce dernier de se couvrir des réclamations de l'acquéreur fondées sur le manquement à la garantie de passif environnemental. Elle lui évite de provisionner dans ses comptes un risque, dont la quantification est difficile à déterminer, mais qui peut avoir une ampleur importante.
Exclusion. Précisons toutefois que l'assurance ne couvre pas l'assuré contre les fautes intentionnelles donnant lieu à des sanctions pénales ou administratives applicables en cas de non-respect de son obligation de remise en état (amende, astreinte ou consignation). Le dernier exploitant doit donc, dans tous les cas, se conformer à la procédure de cessation d'activité.
En outre, une telle souscription ne permet pas d'éviter la réalisation d'études environnementales : l'assureur, vigilant, demandera la communication des informations nécessaires pour qualifier l'état environnemental du site. Enfin, les conséquences dommageables provoquées par une dissimulation intentionnelle d'informations sur cet état ne sont pas davantage assurables ().