Qu'est-ce qui a justifié votre engagement dans une procédure de certification ?
En réalité, l'initiative en revient d'une certaine façon à mon prédécesseur, Jean Domange, lorsqu'il a engagé la profession vers la démarche-qualité au début des années 1990, lors du congrès de Strasbourg. Tout est parti d'une volonté politique.
Mais le passage du message n'était pas évident ?
En effet, chacun considère légitimement que son travail est déjà de qualité. Et puis, la construction a traversé une terrible crise. Aujourd'hui, nous considérons que nous n'avons plus le droit de nous cantonner dans une simple position de donneurs de leçons vis-à-vis de nos entreprises adhérentes. Elles attendent aussi de voir ce que leur fédération est capable de faire.
Le projet immobilier de rénovation lourde de notre siège, achevé l'an dernier, avait déjà préparé le terrain en constituant un formidable « projet d'entreprise », qui intégrait un profond souci « managérial » et de démonstration auprès de nos adhérents, que j'appellerai pour l'occasion les clients des prestations de la Fédération.
Qu'a fait apparaître la préparation de votre certification ?
Certains dysfonctionnements, forcément. Comme partout, il y avait des doublons, des problèmes d'interface, des compétences insuffisamment employées. Aidés par des experts extérieurs, on a donc « ouvert les armoires » et 160 collaborateurs de la Fédération ont travaillé à l'amélioration de son fonctionnement vers trois axes :
- la réactivité, c'est-à-dire le temps mis à répondre aux demandes ;
- la traçabilité, c'est-à-dire la possibilité de savoir facilement à tout moment où en est le cheminement d'un dossier ;
- la capitalisation, pour une mise en commun efficace des compétences et informations réparties dans les divers services.
La certification-qualité est-elle d'un accès difficile aux PME ?
La certification-qualité n'est facilement accessible pour personne. L'accès à la certification-qualité est beaucoup moins un problème de taille que de motivation et de rigueur. A certains égards, on peut même considérer qu'elle est plus difficilement accessible aux grandes structures, puisque les problèmes d'interfaces y sont plus nombreux.
La certification-qualité des entreprises a-t-elle un sens sans une démarche identique des maîtres d'ouvrage ?
En développant la démarche-qualité dans les entreprises, on démontre aux maîtres d'ouvrage et maîtres d'oeuvre que cette démarche, de façon générale, est possible. Pour ces derniers, une prise de conscience spontanée n'était pas évidente, mais la démarche est bien amorcée. Maintenant, c'est effectivement à la maîtrise d'ouvrage de s'y mettre. Ne nous cachons pas qu'il y a un certain blocage.
La certification-qualité doit-elle devenir un critère d'accès aux marchés publics ?
Pas demain matin. Mais petit à petit. Elle constitue en effet un des bons moyens pour éclairer le choix du maître d'ouvrage.
Dans l'immédiat, commençons par faire un bon usage de ce qui existe déjà, c'est-à-dire la qualification Qualibat, dont je vous fais remarquer qu'elle constitue le premier échelon d'une démarche-qualité susceptible d'aboutir à une certification Afaq.
La certification de votre Fédération peut-elle avoir aussi un effet d'exemplarité pour d'autres organisations professionnelles ?
Ce n'est sans doute pas un hasard si le président du Medef, Ernest-Antoine Seillière, a tenu à être présent lors de la remise de notre certificat (ndlr : le 9 septembre).
La certification-qualité, qui est apparue d'abord dans l'industrie, tient-elle convenablement compte de la spécificité de la construction ?
L'existence d'un comité sectoriel bâtiment au sein de l'Afaq le démontre. Et puis, n'oublions pas que la certification Qualibat, conçue spécifiquement pour le bâtiment, fonctionne cependant comme un escalier conduisant à la certification de l'Afaq. Sur le fond, l'objectif de la démarche-qualité est toujours le même, quel que soit le secteur : assurer au client qu'il aura exactement ce qu'il a commandé.
Quels avantages la certification procure-t-elle aux entreprises ?
La préparation de la certification permet de redécouvrir son entreprise, que l'on croyait pourtant bien connaître, au travers d'une ouverture du dialogue avec les salariés, les fournisseurs et les clients de l'entreprise. Cela suffirait en soi pour s'engager dans la démarche. Et puis, n'oublions pas que ce n'est pas la qualité qui coûte cher, mais bel et bien la non-qualité. Au moins 10 %, et souvent plus, du chiffre d'affaires... Il existe d'ailleurs des financements publics, insuffisamment utilisés par les entreprises, pour financer leur démarche-qualité. On finance bien les investissements matériels par une quote-part d'emprunt. Alors, pourquoi ne pas faire de même pour les investissements « immatériels » ? Cela étant, je comprends parfaitement le blocage de certaines entreprises. Nous sortons d'une telle crise que l'on a d'abord besoin de se retrouver, de s'aérer.
Vous avez obtenu cette certification. Mais vous n'allez pas vous arrêter en si bon chemin ?
Bien sûr que non. Nous avons un véritable plan d'action. Car la certification, accordée pour trois ans, implique cependant un audit de vérification chaque année. Nous avons donc des groupes de travail, des correspondants qualité dans nos services. Et un tableau de bord pour suivre nos actions d'auto-amélioration. Dans le sport à haut niveau, il faut s'entraîner sans cesse.
Et l'entreprise Sionneau, monsieur le président, va-t-elle bientôt se lancer elle aussi dans une démarche-qualité ?
Elle s'est engagée dans une démarche-qualité de certification depuis le mois de mai dernier !
PHOTO : Alain Sionneau, président de la Fédération française du bâtiment : « Aujourd'hui, nous considérons que nous n'avons plus le droit de nous cantonner dans une simple position de donneurs de leçons vis-à-vis de nos entreprises adhérentes. Elles attendent aussi de voir ce que leur fédération est capable de faire. »