Entre la gestion des déchets, les crues côtières, la protection des océans et l’aménagement, l’évidence du lien se matérialise à Porto-Novo (Bénin). « Près d’une mangrove, les gens vivaient les pieds dans l’eau, dans des quartiers informels, sans drainage ni assainissement », rappelle Audrey Guiral-Naepels, responsable de la division Développement urbain, aménagement et logement à l’Agence française de développement (AFD).
Cas d’école au Bénin
« En l’absence de filière de collecte de déchets, les drains existants se bouchent, et cela aggrave l’impact des inondations sur la pollution de la mer », poursuit Audrey Guiral-Naepels. Dans le cadre de la coopération décentralisée, les agglomérations de Cercy-Pontoise et de Lyon Métropole ont contribué à l’établissement du diagnostic et à la conduite des études préalables à la réalisation des travaux.
L’AFD et le Fonds français pour l’environnement mondial ont cofinancé l’opération de 9,2 M€, en cours d’évaluation après sa livraison en 2024. Désormais, les sentiers qui desservent la mangrove facilitent la pérennité d’une agriculture locale. Le système de drainage améliore la qualité de vie des habitants de la côte. La capitale du Bénin donne corps à son ambition de ville verte.
Le modèle des banques publiques
Illustrée par cet exemple, l’approche décloisonnée de la protection des océans structure la stratégie que l’AFD défendra au sommet mondial des Nations unies (Unoc 3) réuni à Nice du 9 au 13 juin. « Depuis 2019, nous y consacrons 800 M€/an, en soutien à des investissements publics et privés consacrés à l’aménagement des ports de pêche, à la gestion des déchets municipaux, au traitement des eaux usées et au soutien aux aires marines protégées », détaille Emmanuel Baudran, directeur adjoint en charge des solutions de développement durable au sein de la banque.
Pour importantes qu’elles paraissent, ces sommes s’apparentent à une goutte d’eau dans la mer, au regard des besoins. « Pour répondre aux objectifs de développement durable des Nations Unies en lien avec les océans, il faudrait 175 Mds$ par an, au lieu des 25 actuellement mobilisés », dévoile Xiaoting Jin, experte en biodiversité océanique à l’AFD. La complexité technique et la fragmentation des gouvernances figurent parmi les freins identifiés.
Vision systémique à long terme
« Les banques publiques de développement sont bien placées pour réduire le déficit annuel de 150 Mds $ », poursuit l’experte, avant de détailler leurs atouts : vision à long terme, capacité à réunir des fonds publics et privés au service d’une approche systémique produisant des impacts progressifs. En amont du sommet de Nice, ces espoirs subiront l’épreuve des négociations, les 7 et 8 juin à Monaco, à l’occasion du Blue Economy and Finance Forum.
La seconde période de la Clean Ocean Initiative figure parmi les annonces les plus attendues. De 2018 à 2025, les bailleurs de fonds réunis sous cette bannière ont soutenu des projets à hauteur de 4 Mds€, dont 600M€ pour la mer Méditerranée. L’arrivée de partenaires espagnol et italien laisse prévoir 3 Mds€, pour le lancement de Clean Ocean Initiative 2, à Nice. La gestion des déchets et le traitement de l’eau figureront toujours parmi les objectifs prioritaires.
Opportunités pour les entreprises
« Nous voyons énormément d’entreprises françaises se présenter aux appels à projets issus des coalitions constituées pour protéger les océans. Elles se positionnent notamment dans l’eau et l’assainissement, les chantiers navals, l’ingénierie ou la fourniture d’images », répertorie Emmanuel Baudran. Réputée pour ses bonnes pratiques en matière de management des appels d’offres internationaux, l’AFD met son expertise au service d’arbitrages qui mettent en avant la qualité.
Déjà très présentes dans les projets soutenus par les banques publiques de développement au service de la protection des océans, les villes côtières espèrent de nouvelles manifestations de la solidarité internationale, dans la foulée de l’Unoc 3. L’AFD s’y prépare à travers son soutien affiché à l’initiative du maire de Nice : le 7 juin, Christian Estrosi recevra les exécutifs locaux de territoires littoraux représentant 1 milliard d’habitants de la planète.
Soutien aux villes côtières
Dans le monde, l’AFD accompagne 50 villes côtières. « Notre soutien cible d’abord la connaissance et la modélisation, puis la planification préventive et en dernier ressort le recul stratégique », récapitule Audrey Guiral-Naepels. La responsable de la division du développement urbain identifie ces territoires comme des nœuds où se croisent tous les impacts du changement climatique, mais aussi les solutions pour y faire face.
Forte du second domaine maritime le plus étendu du monde, la France joue une partition singulière, dans le financement de la protection des océans : « Toutes nos interventions dans les territoires d’outremer cherchent à optimiser les retombées dans les pays environnants », explique Véronique Vouland-Aneini, diplomate et directrice exécutive adjointe de l’AFD en charge du réseau d’agences et du suivi des opérations.
« De Mayotte à la Réunion, les menaces identiques appellent des solutions communes », ajoute l’ancienne ambassadrice de France à Madagascar. Dès ce 3 juin en amont de l’Unoc 3 à Paris et en ligne, la conférence Perspective Outre-mer met en valeur cette dynamique.