L'ingénieur de 30 ans revêt sa vareuse blanche à tête de scaphandre, resserrée à la taille et aux poignets, mais trouve fort commode de conserver son pantalon de travail à toile épaisse pour se protéger les jambes des inévitables assauts de ses amies, malgré l'enfumoir. A l'entrée de La Butinerie, sous les pins à Soustons (Landes), un panneau « Miel » plus tout à fait droit signale depuis trente ans la vente sur place.
La famille Coutanceau est piquée d'api-culture depuis trois générations. « Mon grand-père a eu jusqu'à 120 ruches. Nous sommes cinq producteurs, oncles, frères ou cousins », explique-t-il. Diplômé en 2020 de l'ESITC à Caen (Calvados), où il a grandi, il n'a eu de cesse de se rapprocher du Pays basque, avec un premier arrêt en Gironde, chez Etchart Construction, à Mérignac. Il y avait huit ruches dans le déménagement, gracieusement accueillies chez une filiale de Colas. Quatre ans plus tard, il a fallu en réinstaller 49 à Soustons, après son transfert à l'agence de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques).
« C'est une activité très frustrante où l'on ne maîtrise à peu près rien… » Baptiste Coutanceau
« Il y a deux sortes d'apiculteurs : les producteurs de miel et les multiplicateurs de colonies », précise Baptiste Coutanceau, également président de l'association Rucher-Ecole des Sources qui forme près de Bordeaux (Gironde), 24 personnes chaque année. Spécialisé dans l'élevage de reines et la création de jeunes essaims pour ses condisciples amateurs, il appartient donc à la seconde catégorie. « Les vocations ne manquent pas, il y a deux ans d'attente pour le Rucher-Ecole, mais les gens se découragent très vite. C'est une activité très frustrante où l'on ne maîtrise à peu près rien… »
Regarder ses bâtisseuses
L'homme de l'art trouve davantage de satisfaction à regarder ses bâtisseuses construire les alvéoles d'un essaim neuf autour d'une reine qu'à vendre le nectar « toutes fleurs », inévitablement stocké dans les cellules de cire. Même s'il avoue un faible pour le rare miel de bourdaine et les textures crémeuses « qui ne dégoulinent pas de la tartine ».
D'avril à juillet, il prélève une cinquantaine de larves par semaine dans ses ruches, les laissant aux bons soins d'une petite colonie volontairement privée de reine. Aussitôt, les nourrisseuses se mettent en action pour les alimenter de la fameuse gelée royale qui fera d'elles des souveraines. La métamorphose se poursuit en couveuse à 34 °C, où la nymphe royale s'extraira de sa chrysalide au bout de quelques jours, retenue prisonnière d'une petite cage - un « bigoudi » - « sinon elles s'entretueraient », souligne l'ingénieur. La reine vierge est alors introduite dans une autre colonie sans cheffe et la nouvelle ruche, de la taille d'une boîte à chaussures, commence à fonctionner avec la fécondation de la pondeuse en chef.
La production de miel démarre au bout d'un an : le nouvel essaim est alors prêt à être vendu, avec 30 000 à 40 000 ouvrières et leur reine. A la fin de la saison, Baptiste Coutanceau compte 50 à 60 réussites - des reines fécondées -pour plus de 500 tentatives.