A la veille de sa troisième saison, les jardiniers en insertion du Potager extraordinaire, à La Roche-sur-Yon (Vendée), s'affairent dans le parc à thème pour ratisser les allées, ôter les feuilles mortes du buisson des basilics, et veiller à la maturation des quelque 2 000 variétés de plantes potagères, dont une impressionnante serre à tomates ou un non moins étonnant tunnel de gourdes. Sans oublier le « Bizarretum », carré de plantes étranges, telles le cornichon explosif ou la tomate bleue… Juliette Dagois, directrice du site, veille à ce que les insectes soient à l'œuvre dans l'espace « La vie érotique du potager ». « Ici, c'est la partouze entre végétaux. Nous avons ouvert l'an passé une allée de dahlias et laissons libre cours aux fertilisations. Les visiteurs choisiront, en fin de saison, la variété qui entrera au catalogue d'un de nos pépiniéristes. » C'est le paysagiste Guillaume Sevin qui a conçu ces espaces, en tandem avec l'architecte Hervé Potin (agence Guinée-Potin), en deux projets. Un premier, en 2010-2013, a permis de révéler un lieu au biotope hors du commun, en y édifiant un Centre d'interprétation de la biodiversité. Le second, en 2021-2023, a créé le Conservatoire végétal vivant de la biodiversité, parc pédagogique de 7 ha. Le parti adopté ? La séquence « éviter-réduire-compenser » (ERC). Aussi, malgré le changement de vocation du site, le geste est délicat et minimaliste. L'existant est préservé, notamment les plantations forestières. Les sols sont peu transformés, le terrassement limité et les cheminements ouverts aux PMR se font discrets. La délimitation des 13 espaces thématiques est assez naturelle et rappelle le bocage vendéen, ce qui ouvre à une transformation graduelle du site au fil des saisons.
« De la fourche à la fourchette »
Animé par le groupe d'insertion Estille, le Potager extraordinaire a accueilli 45 000 visiteurs en 2024, attirés par un projet qui va « de la fourche à la fourchette ». Singularité du lieu, il accueille en son sein une véritable ferme maraîchère sur 2 ha qui abrite des serres dont les récoltes figureront aux menus des visiteurs, mais aussi des « légumes de collection » sélectionnés par des chefs cuisiniers.
Plusieurs ouvrages structurent l'ensemble. On découvre dès l'entrée la maison de maître, celle du propriétaire originel, Georges Durand (1886-1964), naturaliste passionné et fortuné. L'entrée s'effectue dans une extension réalisée en 2010, laquelle vient se lover près de l'ensemble patrimonial. Sorte de coléoptère géant, l'ouvrage sur pilotis et structure bois est habillé de chaume. Pour répondre à la nouvelle vocation du site, Hervé Potin propose une architecture proliférante, avec une serre bioclimatique, une ferme pédagogique et une autre maraîchère. Avec sa charpente bois apparente et ses bardages translucides, cette dernière devient « une ferme chic ». Pour Guillaume Sevin, « ce bâtiment anoblit le travail des maraîchers ». Pas étonnant que le projet soit exposé dans le Pavillon France de la biennale d'architecture de Venise 2025 qui a pour thème « l'intelligence naturelle, artificielle et collective ». Quant à la serre bioclimatique, elle accueille la mission pédagogique du site en proposant de nombreuses animations autour du végétal.
De son côté, Thierry Rétif, designer d'espaces, a apporté « une touche finale » communicante avec des modules légers faisant entrer le site de plain-pied dans un univers ludique. Juliette Dagois s'est approprié comme un élément identitaire le bardage bois teinté d'un noir de Falun qui fédère cette diversité : « Cette ligne noire est notre marqueur, une continuité graphique que nous utilisons chaque fois que nous pouvons pour créer un nouvel espace. » On l'aura compris, en Vendée, le passé n'est jamais très loin. Chacune des interventions successives a laissé sa trace, comme dans un puzzle bocager construit par strates. Le caractère foisonnant du site est, somme toute, cohérent avec l'esprit de transmission et de sauvegarde du végétal propre au lieu.



Informations techniques
Maîtrise d'ouvrage : La Roche-sur-Yon Agglomération. Exploitant : Le Potager extraordinaire/groupe Estille
Maîtrise d'œuvre : Guillaume Sevin Paysages (mandataire), Guinée-Potin Architectes (architecte), Oteis (TCE).
Entreprises : Charier TP (terrassement), Boisboréal (charpente, structure bois), Profibres (isolant paille).
Surface : 1 150 m² Shon (ferme pédagogique et maraîchère et serre bioclimatique).
Coût des travaux (y compris jardins et aménagements paysagers) : 2,80 M€ HT.
Calendrier : travaux de juin 2021 à juin 2023.
Cet article fait partie du dossier "Les palais du palais" de notre série de l'été "Miam".