Le Sénat est furieux et le fait savoir : « Passer en force pour remettre en cause la loi : c’est la méthode que le gouvernement semble avoir choisie pour élaborer les décrets d’application de la loi dite Climat et résilience » en matière de gestion économe des espaces naturels, agricoles et forestiers.
Décrets « ostensiblement inaboutis »
Dans un communiqué daté du 14 mars, la commission des affaires économiques juge inacceptable l’attitude du gouvernement de vouloir « prendre au plus vite ces décrets ostensiblement inaboutis ». « Depuis la promulgation de la loi et lors des concertations préalables, parlementaires, élus locaux et acteurs du monde de la construction n’ont cessé d’exprimer leurs craintes quant au contenu des versions successives des projets de décrets d’application présentés par le gouvernement. Le Conseil national d’évaluation des normes, dont l’avis est requis sur ces mesures réglementaires, a lui même – et c’est notable – rendu un avis défavorable sur ces décrets ».
Faisant fi de l’échec de ces concertations, trois projets de décrets ont pourtant été soumis à la consultation du public du 4 au 25 mars, « dernière étape avant leur contreseing », précise la commission.
Rendre au Sraddet le rôle qui est le sien
Cette dernière rappelle qu’à l’initiative du Sénat, « le Parlement avait veillé à ce que l’objectif de 50 % de réduction de l’artificialisation des sols sur dix ans soit inscrit parmi les objectifs généraux du [Sraddet] et non parmi les règles du fascicule. Cela permettait de laisser aux collectivités territoriales « la souplesse nécessaire à la déclinaison locale des cibles » de ce document de planification régionale. Or, « par un décret non prévu par la loi, le gouvernement entend aujourd’hui rendre obligatoire l’adoption de règles contraignantes supplémentaires, ce, en contradiction directe et délibérée tant avec le texte de loi qu’avec l’intention clairement exprimée des parlementaires ». C’est d’ailleurs « au prix de cette condition qu’un accord avait pu être trouvé par la commission mixte paritaire », font remarquer les sénateurs.
Les parlementaires souhaitent donc que l’exécutif rende au Sraddet « le rôle qui lui a été confié par loi – ni plus, ni moins – en respectant la répartition actuelle des compétences entre région, intercommunalités et communes, en vertu du principe constitutionnel de non-tutelle d’une collectivité sur une autre ».
Accepter la critique constructive
Autre point de tension : le projet de nomenclature des surfaces regardées comme artificialisées et non artificialisées. « Là encore, l’intention claire de la loi, qui exclut des surfaces artificialisées les parcs et jardins végétalisés, est remise en cause par les projets de décrets ».
Mais au-delà « du seul manque d’écoute et de réalisme » du gouvernement, le Sénat estime « inacceptable de mépriser ainsi les fondements de notre droit et de notre institution. Sur un sujet si structurant pour l’aménagement de notre pays, pour des décennies à venir, l’État se doit de soutenir la construction d’un consensus, d’accepter la critique constructive des parties prenantes, d’adapter les principes aux réalités ».
Dialogue et écoute
Il appelle donc l'exécutif à prendre le temps du dialogue et de l’écoute. Un dialogue qui est d’ailleurs d’ores et déjà installé, dans le cadre des conférences des Scot qui font « œuvre remarquable au sein des territoires ». Et lui demande d’inscrire l’État dans un rôle de facilitateur, d’accompagnateur des projets, « plutôt que dans celui de censeur ou d’arbitre entre intérêts locaux ». Condition sine qua non pour que puisse « se créer un réel élan national en faveur de la préservation des sols et des espaces, sans mettre en danger la cohésion territoriale ni tomber dans le piège d’une opposition entre espaces urbains et ruraux ».