L’impact du réchauffement climatique ne concerne pas uniquement le confort thermique, il touche également le cycle de l’eau. Ainsi, le niveau des nappes phréatiques baisse, il pleut beaucoup moins de juin à octobre, et 83 départements ont été frappés pendant l’été 2023 par des mesures de restriction d’eau. Les déficits sont particulièrement marqués sur le pourtour méditerranéen, l’axe Loire-Allier, le corridor Rhône-Saône ou encore l’Ile-de-France et le sud de l’Alsace. Selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), les tensions vont s’aggraver en 2024 en cas de faible recharge hivernale.
Les deux autres phénomènes, tout aussi dramatiques, sont l’augmentation, avec la sécheresse, des risques de retrait et gonflement des argiles des sols qui fissurent les bâtiments et, à l’automne, des pluies violentes qui ne pénètrent pas dans le sol et multiplient les inondations. Il faut donc absolument préserver l’eau afin de lui donner une seconde vie en la canalisant, en la stockant, en la traitant et en généralisant son utilisation pour des usages non domestiques.
S’adapter aux mesures réglementaires
Les pouvoirs publics ont bien compris l’importance de ce défi majeur. La réglementation est en train de bouger.
Le Plan Eau, présenté le 30?mars 2023, a pour ambition de traiter et de réutiliser 10% des eaux usées d’ici à 2030 (contre 1 % actuellement), avec un budget de 500?M€ pour financer des travaux en 2024. La volonté est d’actionner tous les leviers : agriculture, industrie, bâtiments publics, fuites sur les réseaux, particuliers.
Le décret REUT du 29?août 2023 simplifie la procédure pour la réutilisation des eaux usées traitées et les conditions d’utilisation des eaux de pluie sur les grands projets.
Enfin, d’ici à début 2024, deux textes réglementaires doivent préciser les usages agroalimentaires et domestiques de l’eau, avec un renforcement des obligations et, probablement, un élargissement des possibilités.
Relancer la marque collective Qualipluie
Si la demande des collectivités locales, des particuliers et du secteur tertiaire est là, il manque cruellement de professionnels de l’eau pour la satisfaire. Consciente de cet enjeu, la filière réactive sa marque Qualipluie. La marque, qui existe depuis 2005, s’était bien développée avant de décliner, suite à la disparition, en 2014, d’un crédit d’impôt pour l’installation de cuves de stockage.
Gérée par le collectif Essor durable (qui réunit l’ATEP – Acteurs du traitement des eaux de la parcelle –, la CNATP et la Capeb), la marque Qualipluie a pour objectif à la fois de valoriser le savoir-faire et les compétences des professionnels de l’eau et de faciliter la mise en relation entre les entreprises qualifiées et les clients.
Pour bénéficier du label, il faut être assuré, formé et proposer une prestation complète du conseil au SAV. Des modules de formation de deux à trois jours permettent notamment de se mettre à niveau en matière de réglementation et d’aspects techniques, au-delà de son propre métier. Pour l’heure, Qualipluie ne regroupe qu’une cinquantaine d’entreprises qualifiées. Il est donc encore possible de se positionner ou de rebondir sur ce marché prometteur, notamment sur celui, sinistré, de la construction neuve.
Intégrer France Rénov’
L’autre intérêt du développement de la marque Qualipluie est de montrer aux pouvoirs publics que les professionnels de l’eau sont structurés et en capacité de livrer des ouvrages de qualité performants. « Nous militons pour l’intégration de la lutte contre le gaspillage de l’eau dans les missions de France Rénov’, explique Jérémie Steininger, délégué général de l’ATEP. Compte tenu de la situation de sécheresse durable qui ne peut que s’amplifier, la lutte contre le gaspillage de l’eau est vitale et mérite un accompagnement identique à celui de la transition énergétique. »
Le retour d’une aide financière de type CEE ou crédit d’impôt, accompagnée d’une progressivité des prix de l’eau selon les usages indispensables ou secondaires, serait clairement un moyen de démocratiser les solutions de stockage, de traitement et de valorisation des eaux, et de légitimer pour atteindre l’objectif ambitieux du Plan Eau.
Des ouvrages à la croisée de plusieurs métiers :
Au niveau de la parcelle (unité foncière), le traitement et l’utilisation de l’eau de pluie pour les usages domestiques et tertiaires sont régis par un arrêté du 21 août 2008. La réutilisation des eaux grises est définie par un décret du 10 mars 2022. Les usages concernent l’arrosage de jardins, le lavage de sols et de véhicules, le remplissage de piscines, réserves incendie ou chasses d’eau. Les ouvrages sont variés et exigent les compétences de divers métiers – paysagiste, terrassier, entreprise d’assainissement non collectif, maçon, plombier – qui doivent associer leurs savoir-faire pour prescrire la solution appropriée et planifier leurs interventions.
Des solutions bien maîtrisées
Cuve de stockage d’eau de pluie en béton ou en polyéthylène, puisard, fosse septique, filtre, microstation, revêtement perméable, tranchée d’épandage, toiture végétalisée… Il existe une dizaine d’ouvrages et de solutions pour la récupération, le stockage, l’infiltration et les usages domestiques de l’eau.
Ceux-ci sont détaillés dans le Guide de l’eau de la parcelle, téléchargeable sur le site de l’ATEP. Voici quelques exemples de travaux :
- Un jardin de pluie : cette cuve aérienne de 400?litres récupère 200?m² d’eaux de ruissellement pour arroser un espace vert. Elle est associée à un système d’infiltration/régulation de 9?m³ et à un préfiltre en amont pour piéger les matières en suspension (MES) et hydrocarbures.

- Des cuves dans un hôtel parisien : pour répondre au nouveau plan Parispluie qui impose l’abattement d’une lame d’eau de 8?mm, cet hôtel parisien a décidé de valoriser les eaux de pluie : 4 cuves de 3 000?litres ont été installées pour l’alimentation des sanitaires du personnel.

- Une citerne de stockage : installée entre la maison et la voirie du lotissement, cette citerne avec pompe intégrée, Filtroclair 0+ de Thébault, sert à l’arrosage du jardin et à l’alimentation des WC, avec possibilité d’alimenter le lave-linge ultérieurement.

Pour en savoir plus :
- Le syndicat des Acteurs du traitement des eaux de la parcelle (ATEP), qui regroupe les industriels et les entreprises intervenant dans la gestion de l’eau : www.atep-france.fr
- La Chambre nationale des artisans des travaux publics et du paysage (CNATP) : www.cnatp.org
- La marque Qualipluie, pour se former, valoriser son savoir-faire et augmenter sa visibilité : www.qualipluie.com
- Le Centre d’information sur l’eau (CIEAU), pour comprendre l’ensemble des sujets sur l’eau : www.cieau.com
- Le Service VigiEau, pour s’informer sur les situations de sécheresse et les restrictions d’eau : www.vigieau.gouv.fr