Comment définiriez-vous votre groupe ?
François Gagneraud : Sa caractéristique est de posséder un actionnariat singulier, 100 % familial, qui permet de porter des choix ambitieux avec pour principal objectif d'assurer la pérennité de l'entreprise. Décentralisé, il compte 50 entités et 3 000 collaborateurs. Notre volonté est de conserver l'identité des sociétés qui nous rejoignent car leur ancrage local fait leur force.
Quel regard portez-vous sur son évolution ?
Jean-Francis Gagneraud : L'entreprise est creusoise d'origine. Notre aïeul est parti vers 1880 sur les chantiers des chemins de fer dans les Alpes. Notre métier historique, le génie civil, représente aujourd'hui 25 à 30 % de notre activité ; les VRD et le secteur de l'énergie environ la même proportion. Côté bâtiment, nous intervenons en qualité de contractant général dans la construction de locaux industriels et logistiques, mais aussi comme entreprise générale et de gros œuvre pour des ouvrages fonctionnels, des bâtiments tertiaires ou industriels.
F. G. : Le groupe est robuste financièrement, ce qui permet d'envisager sereinement son développement et sa croissance. Nous sommes la plus ancienne ETI du BTP et je regarde l'avenir avec confiance. Mon fils porte toutes les valeurs de notre histoire et, épaulé par Eric Delamotte, directeur général du groupe, ainsi que par une solide équipe, il a toutes les compétences pour écrire la suite de l'histoire.
Quels sont vos axes de développement prioritaires ?
J.-F. G. : Nous investissons dans les énergies renouvelables, les réseaux, les matériaux innovants, le recyclage… Le sujet de l'énergie est sans nul doute au cœur de nos priorités, en tant qu'installateur mais également comme producteur.
Sur une ancienne mine de plomb aux portes de Rennes (Ille-et-Vilaine), nous avons remblayé et installé une centrale solaire sur 20 ha. D'une puissance légèrement supérieure à 15 MWc, elle est capable d'alimenter un peu plus de 5 000 foyers en chauffage et eau chaude sanitaire. Nous travaillons par ailleurs sur deux autres projets dans le Grand Ouest.
Grâce à notre secteur énergie, nous avons également mis en place notre propre offre pour recharger les véhicules électriques, avec plus de 300 bornes installées, dont une cinquantaine sur nos sites. Nous étudions aussi des développements dans l'ingénierie et l'industrie, notamment pour notre activité de carrières.
Enfin, en interne, nous avons lancé un bilan énergétique de toutes nos filiales afin d'optimiser la consommation de nos bâtiments et développer des centrales solaires sur nos locaux et parkings.
Vous êtes présents dans les Hauts-de-France, en Bretagne, en Normandie, en Ile-de-France et en Paca.
Quel est le poids de chacune de ces régions ?
J.-F. G. : Notre activité la plus importante est réalisée en Bretagne [un tiers de l'activité du groupe, NDLR] par Marc SA (1 150 collaborateurs). Nous sommes présents de la Manche à la Vendée sur une large palette de prestations, en plus de nos métiers traditionnels : charpente métallique, carrières, travaux maritimes, énergies renouvelables. Viennent ensuite les Hauts-de-France [près d'un tiers également de l'activité, NDLR] avec notre filiale Cathelain. Forte de 550 collaborateurs, elle intervient principalement en bâtiments industriels (90 % de marchés privés) et exploite la plus grosse carrière du groupe.
Les autres régions - Ile-de-France, Normandie et Paca -opèrent sous le nom de « Gagneraud Construction » avec trois directions régionales autonomes. En Normandie, nous développons le bâtiment grâce à un bureau des méthodes. En Paca, notre activité se répartit, en plus de nos métiers traditionnels de travaux publics et de génie civil, entre les fondations spéciales, les carrières et l'énergie (éclairage public, réseaux électriques, bornes de recharge). Enfin, en Ile-de-France, nous sommes aujourd'hui centrés sur le génie civil, qui présente un fort potentiel de développement, et sur notre carrière.
Comment votre groupe fait-il face à la flambée des prix des matériaux et de l'énergie ?
J.-F. G. : Comme la plupart des entreprises, nous sommes impactés par la situation économique. Le second semestre est compliqué pour nous aussi. Nous discutons de chaque dossier avec nos donneurs d'ordres. Nous travaillons également à devenir moins dépendants au niveau énergétique en équipant notre bâti de panneaux photovoltaïques, ce qui permettra notamment d'alimenter nos voitures et camions électriques. Par ailleurs, nous investissons beaucoup dans nos matériels roulants pour bénéficier des nouvelles évolutions technologiques et ainsi réaliser des économies de carburant. Pour autant, nous restons confiants en l'avenir. Nos équipes sont fidèles et motivées, et notre carnet de commandes se porte bien [+ 20 % par rapport à l'année dernière, NDLR].
Comment inscrivez-vous les activités de votre groupe dans la décarbonation et l'économie circulaire ?
J.-F. G. : Nos activités sont de plus en plus tournées vers l'écologie et le développement durable. Aujourd'hui par exemple, toutes nos centrales d'enrobés peuvent fonctionner avec 50 % de matériaux recyclés. Demain, nous irons vers des centrales mobiles qui recycleront 100 % de la voirie.
Les carrières connaissent la même évolution : nous y développons partout des plateformes de recyclage des matériaux. Et sur nos fonciers disponibles - 1 000 ha rien que sur les terrains à proximité des carrières - nous réfléchissons à implanter des centrales solaires ou des éoliennes.
Le BTP est un secteur de main-d'œuvre.
Comment attirez-vous et gardez-vous les talents ?
J.-F. G. : Notre principale valeur est l'humain, encore faut-il qu'elle s'incarne dans nos actes. La revalorisation de 3,5 % des salaires en avril, puis de 3 % en septembre pour accompagner l'inflation en est un exemple.
Nous sommes très attentifs à offrir de bonnes conditions de travail avec des investissements conséquents réalisés chaque année pour garantir en permanence un matériel performant et au meilleur niveau de sécurité.
Nous attachons aussi beaucoup d'importance à la promotion interne et aux parcours de carrière. Quand je recrute de jeunes cadres travaux, je leur vends l'autonomie qu'ils auront sur le chantier tout en étant accompagnés.
Quelle est la recette de la pérennité d'une entreprise familiale telle que la vôtre ?
J.-F. G. : La culture du groupe est la meilleure des recettes : garder les pieds sur terre ! Bien servir nos clients, se soucier de nos collaborateurs, ne pas se disperser, savoir d'où l'on vient et ce qu'on veut transmettre.
Des valeurs simples mais solides que je m'emploie à perpétuer.