Prendre en compte la complexité des situations

Un rapport recense les techniques à mettre en oeuvre pour obtenir une bonne isolation. Pour Bruno Suner, acousticien, il faut raisonner globalement.

Qu'en est-il du rapport remis à l'Ademe sur vos recherches en acoustique ?

BRUNO SUNER. Achevé fin 1997, ce projet a permis de recenser les principaux éléments à prendre en compte pour obtenir une bonne isolation acoustique dans les locaux neufs ou réhabilités. Un des points forts de l'étude repose sur la présence de schémas et de graphes. Par ailleurs, nous avons confronté les théories à des opérations pilotes. Nous avons ainsi démontré que l'acoustique doit être considérée à l'échelle globale des locaux pour apporter des résultats satisfaisants. Par exemple, un bâtiment rénové avec apport d'une isolation de façade peut produire des effets désastreux. Bien souvent, les plaintes des habitants surgissent après les travaux : avant l'isolation des façades extérieures, il existait un effet de masque qui garantissait un certain équilibre sonore, rompu par l'isolation d'une seule partie des locaux. Les bruits ne sont pas plus importants en valeur absolue mais la sensation de gêne vient du déséquilibre des performances.

Dans la pratique, quelle est donc la démarche la plus judicieuse à suivre ?

BRUNO SUNER. En acoustique, il est capital d'appréhender toute la complexité d'une situation. Il faut raisonner globalement sans séparer les divers aspects. Par exemple, dans une opération réalisée à Châlons et achevée en début d'année, l'analyse du site a remis en question les idées de départ. A priori, le passage de l'autoroute à proximité du bâtiment avait été désigné comme la principale nuisance.

Pourtant, l'observation a montré que des voies ferrées plus éloignées étaient aussi une source de gêne comme les avions négligés au départ. Dans de nombreux cas, la situation acoustique est appréhendée de façon caricaturale, alors qu'elle est, en réalité, beaucoup plus complexe. Sur certains projets, nous avons mis l'accent sur l'isolation des façades en intégrant toute cette complexité. Ainsi, nous en sommes arrivés à modifier l'orientation des bâtiments pour améliorer l'autoprotection des locaux par les effets d'écran. Des astuces de ce type atténuent l'effet des nuisances et évitent de s'engager dans des solutions trop onéreuses.

Qu'en est-il des aspects réglementaires ?

BRUNO SUNER. C'est un problème délicat. La complexité acoustique n'est pas toujours prise en compte par la réglementation car cette dernière aborde les différents aspects indépendamment les uns des autres et peut conduire à des incohérences. Par exemple, la réglementation impose de ne pas dépasser 35 dB(A) de jour dans un local et le bruit produit par les équipements doit être inférieur à un seuil fixé indépendamment du reste, sans considérer les équilibres dynamiques.

La réglementation fonctionne aussi à deux vitesses avec certaines villes, comme Paris, qui n'ont jamais publié les arrêtés préfectoraux relatifs au classement des rues et des nuisances sonores acceptables. L'attribution d'une catégorie de nuisance avec les servitudes qui y correspondent sont souvent le théâtre de polémiques à cause des coûts qu'engendre une isolation acoustique correcte. La NRA (nouvelle réglementation acoustique) remet un peu d'ordre en imposant un plancher d'isolation de 30 dB(A) en façade et de nouvelles modalités pour le classement des catégories de voies et les solutions à adopter en fonction des classes. Mais, compte tenu des délais d'application et des dates de dépôts des permis de construire, nous sommes dans une phase transitoire où les règles n'ont pas été prises en compte dans de nombreux programmes. De surcroît, cette contrainte s'avère insuffisante dans certains quartiers.

Pour augmenter la confusion, l'harmonisation des normes européennes va bientôt nous obliger à reconsidérer toute la réglementation française, alors que les opérateurs auront à peine assimilé les derniers textes.

SCHEMA : Efficacité des Loggias - L'isolement de 40 à 45 dB(A) pour des façades extérieures est obtenu grâce à des loggias. La ventilation est assurée par une VMC, l'entrée d'air s'effectuant par une rambarde qui sert de silencieux (chicane acoustique). Immeuble de logements Porte d'Aubervilliers, à Paris. Architectes : G. Bouchez et M. Canfrancq, acousticien : M. Mercier (Cabinet Peutz et associés).

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