La procédure concurrentielle avec négociation (PCN) instaurée par la directive marchés publics de 2014 a pour vocation d'étendre la négociation à un plus grand nombre de consultations. Transposée en droit français par l' et le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 (articles , , et ) relatifs aux marchés publics, elle amène à repenser la politique d'achats des pouvoirs adjudicateurs.
Cadre juridique. Les services marchés et achats sont tenus désormais de réfléchir à l'opportunité d'utiliser cet outil plutôt que l'appel d'offres (AO) ouvert ou restreint. Rappelons qu'au-delà des seuils européens, les pouvoirs adjudicateurs doivent recourir à l'une des trois procédures formalisées : AO, PCN ou dialogue compétitif. Dès lors, notamment, que le besoin à satisfaire n'est pas standard, le choix entre les trois procédures est libre (article 25 du décret).
La procédure concurrentielle avec négociation permet d'analyser les offres de façon interactive avec chaque soumissionnaire autorisé à participer, ce qui est rigoureusement impossible en appel d'offres. Le champ de la négociation est cadré. Celle-ci porte sur le contenu de l'offre initiale remise avant le début des négociations, et sur celui des offres intermédiaires. Aucune négociation ne peut en revanche être menée sur l'offre finale. En outre, il est impératif que le pouvoir adjudicateur indique dans les documents de la consultation les exigences minimales que doivent respecter les offres (article 71). Ni ces exigences, ni les critères d'attribution ne peuvent être discutés lors des négociations (article 73).
Autre précision apportée par l'article 73 du décret, le pouvoir adjudicateur peut, s'il le souhaite, attribuer le marché ou l'accord-cadre dès la remise de l'offre initiale (sans négocier, donc), à condition que cette possibilité soit mentionnée dans l'avis de marché. Cette procédure peut être utilisée comme levier afin que les offres initiales soient avantageuses avant même
d'entamer les négociations ou d'attribuer directement le marché.
Un libre jeu de la concurrence
Cette procédure inquiète encore bon nombre de services marchés ou achats. Elle leur semble en effet présenter, par rapport à l'appel d'offres, des risques de non-respect de la concurrence et d'allongement des délais de procédure.
Egalité de traitement. Or, il n'en est rien. La PCN n'entrave pas le libre jeu de la concurrence. En effet, la négociation doit respecter les grands principes de la commande publique. L'intérêt de cette procédure est d'aborder tous les aspects du futur marché ou accord-cadre dans le respect de la transparence et de l'égalité de traitement, tant au niveau du nombre de réunions et de leur durée que du respect de la confidentialité de chaque offre.
Précisions sur le contenu des offres. La négociation facilite l'analyse économique des offres. Le pouvoir adjudicateur peut profiter des rendez-vous pour faire une lecture commune de certaines parties du cahier des charges avec chaque soumissionnaire, de manière à savoir si celui-ci a bien appréhendé ses spécifications. Il peut faire de même sur tout ou partie de chaque offre, pour mieux cerner le périmètre exact de l'offre et les limites de la prestation. A titre d'exemple, dans le cadre d'un marché de maintenance d'un bâtiment avec analyse du taux de légionelles, un prestataire peut indiquer qu'il n'effectuera pas lui-même les prélèvements de contrôle mais garantira l'accès au bâtiment à un laboratoire indépendant pour les réaliser - de préférence, à la charge financière du pouvoir adjudicateur.
Autre exemple, en matière d'exploitation d'installations thermiques ou de prestations multitechniques, l'acheteur va pouvoir, dans un temps raisonnable, faire affiner les réponses de chacun des soumissionnaires au travers d'échanges en toute transparence et de quelques remises d'offres intermédiaires pour mieux apprécier le contenu des prestations, leurs fréquences et les prestations exclues. Ces marchés ou accords-cadres sont trop souvent passés sur appel d'offres, avec des réponses qui manquent de précision et génèrent souvent après coup des renégociations, qui commencent parfois dès la première année d'exécution.
Négociation financière et coût global. Concernant les aspects de négociation financière qui entrent dans l'analyse économique, il s'avère important que le pouvoir adjudicateur ait une visibilité sur la décomposition tarifaire - sans pour autant s'immiscer dans le secret commercial de la tarification du soumissionnaire ni susciter une offre anormalement basse.
L'examen du coût global du projet et de sa décomposition tarifaire se révèle indispensable au regard du périmètre des prestations (fournitures, services ou travaux à réaliser). En cas de doute, il sera important de vérifier en coût réel chaque offre pour éviter d'avoir une surévaluation des prix ou une offre anormalement basse. La comparaison des offres ultimes à périmètre égal permet de négocier les prix en respectant l'égalité de traitement entre les soumissionnaires. Evidemment, il convient de vérifier qu'il n'y a pas d'entente anticoncurrentielle entre eux. La négociation financière doit aussi éviter, à l'inverse, d'étrangler les entreprises soumissionnaires. Il faut que celles-ci soient intéressées à réaliser la prestation.
L'appel d'offres, lui, n'apporte pas cette souplesse d'analyse économique. Bien sûr, le pouvoir adjudicateur a toujours la possibilité de poser de multiples questions, afin de se faire préciser les mémoires techniques et l'annexe financière ou le bordereau de prix. Toutefois, les échanges de questions-réponses au fur et à mesure du dépouillement, contrairement au processus concurrentiel, ne garantissent pas l'amélioration des offres par les réponses. Et reportent, dans de nombreux cas, la décision d'attribution de plusieurs semaines - voire, exceptionnellement, de plusieurs mois, comme cela peut être le cas en marchés de travaux. La durée de l'appel d'offres est alors aussi longue que celle de la procédure concurrentielle - celle-ci étant par ailleurs bien plus courte que celle d'un dialogue compétitif.
Des délais de procédure cadrés
En dehors des délais procéduraux obligatoires (article 72 du décret), la PCN n'engendre pas inéluctablement un alourdissement des délais de consultation par rapport à l'appel d'offres ouvert, à condition : - d'organiser des réunions de négociation courtes permettant ainsi, à chaque cycle, de rencontrer tous les soumissionnaires dans la même période (en un ou deux jours) ; - de prévoir une structuration du mémoire technique imposée aux soumissionnaires pour la remise des offres initiales, intermédiaires et finales, qui facilite le dépouillement ; - de mettre en ligne l'ensemble des documents de la consultation dès la publication de l'avis de marché, à l'exception de l'annexe financière-bordereau de prix et du plan du mémoire ; - d'effectuer l'analyse des différentes offres dans des délais courts grâce à la structuration du mémoire ; - d'intégrer les questions supplémentaires dans la structuration des mémoires des soumissionnaires à l'issue de chaque cycle de négociation ; - de rédiger et de valider les comptes rendus des discussions à l'issue de chaque réunion de négociation ; - d'utiliser le profil d'acheteur pour minimiser les délais d'échanges de chaque cycle de négociation en toute égalité entre les soumissionnaires.
Ainsi, la procédure concurrentielle apparaît nettement plus opérationnelle que l'appel d'offres pour obtenir des offres économiquement plus avantageuses.
