Pour la Capeb, l’artisanat s’alarme du déclin prévisible pour 2025

Avec un septième trimestre consécutif de baisse d’activité, le secteur est confronté à des défis structurels majeurs, exacerbés par des décisions politiques jugées insuffisantes.

Jean-Christophe Repon
Jean-Christophe Repon, président de la Capeb

Une activité en recul, des perspectives incertaines, un manque d’écoute généralisé de la part des politiques … Tant de signes négatifs évoqués lors d’une conférence de presse ce mardi 21 janvier 2024 par les représentants de la Capeb (Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment).

Selon les chiffres communiqués par la Capeb, l’activité globale a reculé de 3,9 % en 2024, marquant une détérioration significative par rapport à la croissance de 12,5 % enregistrée en 2021. Sylvie Montout, directrice des études économique de l’organisation syndicale, analyse cette tendance : « 2024 est une année de recul marqué. Malgré les baisses des taux directeurs et le ralentissement de l’inflation (+1,3 % sur un an en décembre 2024 contre +3,7 % un an auparavant), le redémarrage du secteur reste incertain. La confiance des ménages est en berne, leur taux d’épargne poursuit sa hausse, et le blocage politique contribue à enrayer le redémarrage du secteur. »

Le secteur de la construction neuve est particulièrement touché, avec une baisse de 8,5 % en 2024. En parallèle, l’entretien et la rénovation, qui semblaient mieux résister, enregistrent désormais un recul de 1 %. Romane Charpentier, chargée de mission en analyse statistique et économique au sein de la Capeb, souligne également les disparités régionales : « l’activité des entreprises artisanales connaît une baisse de - 8 % en Bourgogne-Franche-Comté, la plus forte enregistrée, et de - 6,5 % en Île-de-France. Les entreprises de maçonnerie et de menuiserie-serrurerie sont les plus touchées. »

Un marché de l’emploi en difficulté

L’impact de cette baisse d’activité se reflète sur l’emploi salarié, qui accuse une perte de 21 200 postes au 3e trimestre 2024 par rapport à l’année précédente. Pire encore, 11 % des entreprises envisagent des licenciements ou des non-renouvellements de contrats au premier semestre 2025. La création d’entreprises dans le secteur de la construction est également en net recul, avec une baisse de 2,7 % par rapport au 3e trimestre 2023, soit seulement 19 078 nouvelles entreprises en 2024. Sylvie Montout met en avant les pressions financières qui pèsent sur les entreprises pour expliquer également ce constat : « Les trésoreries ne se redressent pas. Début janvier 2025, le montant moyen des besoins de trésorerie s’élève à 28 000 euros. »

Un secteur fragilisé par des décisions politiques

Pour son président Jean-Christophe Repon, la crise que traverse le bâtiment dépasse les simples difficultés économiques. Il pointe du doigt un manque de compréhension de la part des pouvoirs publics :

« Cette mort lente touche peu de personnes, peu de gouvernements et de députés. Je ne vois pas dans les actes politiques la compréhension de notre secteur. Dans chaque arbitrage, on se trompe de diagnostic. » Les réformes, jugées insuffisantes ou inadaptées, freinent la relance. La non-adoption du budget a particulièrement pesé sur les entreprises. Sylvie Montout souligne : « l’absence du vote du budget a le plus influé sur le marché des entreprises artisanales, empêchant l’entrée en vigueur des mesures de simplification, de lutte contre la fraude et l’accès aux aides à la rénovation énergétique. » Le président insiste sur l’importance de la rénovation énergétique pour atteindre les objectifs nationaux bas carbone : « la rénovation de l’ensemble des passoires thermiques d’ici 2028 permettrait d’éviter des coûts de santé de près de 10 milliards par an, selon l’Ademe. Pourtant, nous sommes toujours confrontés à une vision uniquement budgétaire de la rénovation énergétique. L’ensemble de nos artisans est exaspéré. »

Une vision stratégique à repenser

Le président de la Capeb rappelle que 80 % des logements de 2050 existent déjà et devront être rénovés pour répondre aux enjeux climatiques : « dans la crise du logement, il n’y a pas que le neuf. Il faut aussi prendre en compte les opportunités de la rénovation. Un potentiel considérable de logements, soit 11 millions, se trouve dans le bâti ancien ou patrimonial. » Malgré les appels répétés de la Capeb, les efforts pour structurer le secteur restent insuffisants : « nous sommes toujours sur le même nombre d’entreprises RGE qu’en 2015. Nous avons demandé des regroupements d’entreprises, mais rien n’a été fait à ce niveau-là. »

Jean-Christophe Repon alerte également sur l’urgence d’un pacte de confiance entre les parties prenantes :

« Nous aimerions que les ménages cessent d’épargner pour réinvestir dans la rénovation. Mais ils ne peuvent pas engager des frais sans une clarté des annonces. Le fantasme de 500 000 logements n’est pas la réalité. Nous avons besoin de stabilité et d’un engagement sincère. » Face à ces défis, la Capeb reste prudente sur les perspectives pour 2025. Jean-Christophe Repon explique ce silence : « nous avons choisi de ne pas évoquer de prévisions pour 2025 afin de ne pas inquiéter davantage les artisans. Mais nous espérons que les mesures à venir apporteront une bouffée d’oxygène au secteur. » Alors que l’artisanat du bâtiment aborde 2025 dans un contexte de grande fragilité, les acteurs du secteur appellent à des décisions fortes et structurantes pour relancer leur activité.

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