Poitou-Charentes s’est longtemps singularisé par un « effet retard ». Autrement dit, la région reproduisait souvent de façon atténuée les phénomènes nationaux avec un décalage dans le temps. La persistance de la crise a gommé cette particularité même si l’on a senti un frémissement de reprise à la fin de 2011. La région se caractérise également par un fort tissu de petites et moyennes entreprises. Près de 90 % des entreprises comptent moins de dix salariés.
Économie régionale
Le maillage économique s’organise essentiellement autour des services qui représentent près de la moitié du secteur marchand. L’industrie n’y pèse que moins de 30 %. Les grosses unités restent rares et tendent à réduire la voilure quand elles ne disparaissent pas, à l’image du sous-traitant automobile Heuliez. Si Poitou-Charentes reste marqué par une prédominance de l’agro-alimentaire et du secteur des vins et spiritueux (cognac, pineau), il compte aussi plusieurs pôles d’excellence comme le nautisme qui n’est cependant pas épargné par la crise, la chimie, le bois, le matériel roulant, l’aéronautique, etc.
L’agroalimentaire et plus spécialement le cognac ainsi que le matériel roulant, à travers le groupe Alstom, tirent le commerce extérieur. Ainsi au deuxième trimestre 2012, la balance du commerce extérieur est excédentaire grâce à de fortes exportations de ce type de matériels vers l’Italie. « Malgré l’amélioration du solde des échanges extérieurs, l’activité des entreprises industrielles de la région est restée globalement moins dynamique qu’en 2011 », note l’Insee.
La région a résolument pris le virage des éco-industries. Poitou-Charentes fait partie des premières régions en matière de maisons à ossature bois. Le groupe Millet a déjà construit 400 maisons à ossature bois avec son système Sybois. Prochainement, un institut de la chimie verte devrait voir le jour dans la région. Il se donne pour objectif la maîtrise du cycle de vie des produits et la prévention de la pollution à la source. La chimie et la plasturgie représentent quelque 5 000 emplois pour quelque 120 unités de production.
L’érosion des créations d’entreprises influe négativement sur le chômage. Celui-ci poursuit sa progression pour atteindre 9,1 % (contre 9,5 % en France). Depuis le troisième trimestre 2011, le taux de chômage a augmenté de 0,8 point au deuxième trimestre 2012. La Vienne (8,4 %) et les Deux-Sèvres (7,4 %) restent en deçà des chiffres nationaux. Avec 10,2 %, la Charente et la Charente-Maritime restent les plus touchées. La Charente-Maritime, un des premiers départements touristiques de France, concentre paradoxalement un fort taux de chômage et un dynamisme industriel important. (source Insee)
Économie du BTP
Malgré un rebond enregistré en 2010 et 2011, les autorisations de logements sur la région Poitou-Charentes retombent au niveau de la crise de 2008 et sont parfois même en-dessous, ce que confirme Jean-Claude Pochon, président de la Capeb régionale : « C’est la dégringolade des mises en chantier. La situation est la même qu’en 2008 sauf qu’à l’époque, nous avions une vision de l’avenir. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. »
Deux départements, la Charente et les Deux-Sèvres, sont particulièrement exposés. Le premier, avec seulement 2 026 logements, affiche un repli des autorisations de l’ordre de 13 % entre juin 2011 et juillet 2012, par rapport aux 12 mois précédents. Le second plonge littéralement avec - 26,4 % (1 876). Seul le département de Charente-Maritime est en hausse de 11 % avec 8 082 logements. Enfin, concernant la Vienne, le chiffre avancé s’établit à 2 401 logements (- 21,4 %). Mais, comme le fait remarquer la Dreal : « Des problèmes techniques ont retardé la transmission d’un certain nombre de permis dans le département de la Vienne. Il n’est donc pas possible d’analyser les évolutions sur ce département. »
Le logement individuel est en première ligne avec un repli de 13,6 % à 10 002 logements sur l’ensemble de la région. Seuls les investisseurs publics semblent tirer l’activité vers le haut. En effet, la hausse est de 47,3 % sur la région avec 3 527 logements collectifs. Mais à y regarder de plus près, ce bon résultat est seulement le fait d’un département : la Charente-Maritime qui affiche une progression de 131,1 %.
Des perspectives favorables
Parallèlement à ces chiffres, l’activité des entreprises du bâtiment pâtit tout naturellement de cette baisse : - 28 % dans les Deux-Sèvres ; - 13 % en Charente et 3 % en Charente-Maritime. Le président de la Capeb régionale estime que le chiffre d’affaires des entreprises du secteur est en repli de 25 à 30 %. Il pointe également du doigt différents problèmes qui pèsent sur la trésorerie des sociétés : « Nous n’arrivons pas à avoir de petits prêts auprès des banques. J’aimerais savoir vers quel secteur d’activité va l’argent. Il y a également une inquiétude quant aux délais de paiement qui sont de plus en plus courts. Pour le moment, nos fournisseurs jouent le jeu et n’appliquent pas de pénalités de retard, mais ça ne va pas durer. Dans le même temps, nous constatons que les particuliers, confrontés également à la crise, retardent l’échéance de règlement de leurs factures… »
Seul point positif dans la morosité des chiffres, si l’on en croit une récente étude de l’Insee, la situation pourrait s’embellir. En effet, l’institut estime que Poitou-Charentes comptera 207 000 ménages supplémentaires en 2040. Quelque 9 200 logements neufs devront sortir de terre chaque année pour, notamment, accueillir cette nouvelle population et renouveler le parc existant. Au total, sur 30 ans, ce sont plus de 275 000 logements qui devront être construits. Néanmoins, tous les territoires ne seront pas logés à la même enseigne. La Charente-Maritime concentrera 46 % des besoins avec 127 500 logements, la Vienne ne devra édifier que 64 000 habitations ; les Deux-Sèvres 45 500 et la Charente 38 000. (source Dreal)
Le négoce perd son avance
Inévitablement, la baisse des mises en chantier a un impact sur l’activité négoce. « Poitou-Charentes ne déroge pas à la tendance nationale », regrette Odile Emery, présidente de la Fédération des grossistes en matériel électrique pour les régions Centre et Poitou-Charentes. Si la représentante avoue que le chiffre d’affaires des négociants est à l’équilibre par rapport à l’an dernier, elle insiste également sur le fait que les perspectives pour 2013 ne sont pas bonnes « sur toute la façade ouest du pays. Au final, depuis l’été, on perd petit à petit l’avance de chiffre d’affaires que l’on pouvait avoir ». L’inquiétude des ménages et des entreprises retarde les mises en chantier sur le secteur de la rénovation, « ce qui est dommage car nous avons de bons produits permettant notamment de faire des économies d’énergie importantes ».
Dans son secteur d’activité, notamment matériaux pour le gros œuvre, Patrice Dogaron, directeur négoce matériaux au sein du groupe picto-charentais Garandeau, dresse le même constat : « Nous sentons une baisse. Elle n’est pas encore significative car nous sommes actuellement dans la continuité des mises en chantier et des permis de construire en cours. Parallèlement, sans vouloir généraliser, on sent que les entreprises ont de plus en plus de mal à régler leurs factures. » Même si les professionnels du négoce veulent, à l’image de Patrice Dogaron, rester « optimistes », ce ne sont pas les chantiers d’envergure qui relanceront l’activité. « À part la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique (LGV SEA) dont les travaux ont démarré en Poitou-Charentes, il n’y a pas de grands projets en perspective dans la région », conclut Patrice Dogaron qui avoue que son groupe ne bénéficie d’ailleurs que faiblement de cet important chantier. Au final, tous les acteurs du bâtiment s’accordent pour dire qu’ils attendent de la part des pouvoirs publics des mesures et un signal fort afin de relancer l’activité.





