Deux reconversions professionnelles, deux presque retraités en quête de contact avec le matériau : la promotion printanière du certificat de qualification professionnelle (CQP) de niveau 1 reflète la diversité cherchée par les Artisans bâtisseurs en pierre sèche (ABPS), pour cette offre encore nouvelle, lancée en 2023. Le 2 mai à l’issue des trois semaines d’initiation à l’école spécialisée perchée sur une crête dans le hameau de l’Espinas à Ventalon-en-Cévennes (Lozère), la mine réjouie des quatre nouveaux certifiés ne trompe pas : ils n’ont pas dit leur dernier mot à la pierre sèche.
Fondations artisanales
Née dans ce haut lieu du désert français en 2002, l’association d’artisans y a implanté la seule école européennedédiée à son savoir-faire. Depuis son agrément comme organisme de formation habilité à délivrer les diplômes reconnus par la Commission paritaire nationale pour l’emploi (CPNE) dans le BTP, le CQP2 a constitué son principal cheval de bataille, dans le cadre d’un portage conjoint avec la Fédération française du bâtiment du Gard.
A l’issue d’un parcours de quatre mois, les stagiaires qui décrochent ce certificat d’ « ouvrier professionnel en pierre sèche » peuvent s’enregistrer comme artisan à la chambre de métiers, même si l’ABPS recommande de commencer par une phase de salariat. La majorité des financements provient des organismes collecteurs du secteur : Constructys et Fafcea.
Conditions optimales
Depuis l’homologation de ce certificat en 2010 par la CPNE, l’ABPS recense 250 titulaires (voir en encadré le témoignage de quatre stagiaires). L’organisme de formation garantit des conditions de formation favorables à l’individualisation de la pédagogie : « Jamais plus de huit stagiaires pour un formateur, et un maximum de 12 par session », rappelle Benjamin Deceuninck, directeur de l’école. Sans doute ces chiffres éclairent-ils l’attractivité de l’offre : l’école annonce quatre fois plus de candidats que de places disponibles.
Second certificat délivré par l’ABPS et homologué dès 2014 par le CPNE, le CPQ3, baptisé « compagnon professionnel en pierre sèche », n’a pour l’instant suscité que 24 diplômes. Plusieurs artisans reconnaissent que la peur de l’échec dissuade de s’engager dans cette formation d’élite.
Ouverture aux acheteurs publics
Encore en rodage, le niveau 1 s’inscrit dans la nouvelle stratégie de l’ABPS : séduire les prescripteurs, et en particulier les acheteurs publics, identifiés comme un maillon décisif pour ramener la pierre sèche dans le radar des donneurs d’ordre du BTP. « Les formations courtes répondent à un besoin de diffuser la culture du matériau », commente Benjamin Deceuninck.
Pour répondre à ce nouveau marché autant que pour conforter ses positions dans la formation des entreprises, l’ABPS engage un mouvement de déconcentration. Après trois semaines probantes en Dordogne, les prochains stages programmés se dérouleront dans le Tarn, en Ariège et en Corse. Des conventions avec les départements ou avec le Centre national de la fonction publique territoriale encadrent les découvertes du matériau destinées aux collectivités. Engagée à travers un partenariat avec l’agence wallonne du patrimoine, une dynamique européenne se développe, dans le cadre du programme Erasmus, à Chypre, en Italie et en Espagne.
Changement de braquet
Le renforcement de la visibilité nationale de l’ABPS se manifeste également dans l’extension de son offre. L’école de Ventalon-en-Cévennes se prépare à reprendre les formations de l’association des Artisans lauziers couvreurs (ALC), hébergées jusqu’ici par la chambre de métiers de la Lozère à Mende. La création d’un CQP dédié aux calades, ces voiries perméables et ultrarésistantes aux intempéries, figure également parmi les projets à l’étude.
« Nous sommes en passe de changer de braquet », analyse Benjamin Deceuninck. Il en veut pour preuve les récentes demandes de devis reçues à Ventalon-en-Cévennes, en provenance des trois majors de la construction. Toute la difficulté, pour l’ABPS, tient dans sa capacité à tenir le rythme, entre une demande pressante et une offre dont la croissance s’inscrit dans le temps long. Selon le directeur de l’association, « il faut 5 à 10 ans pour former un bon artisan, et 5 de plus pour un bon formateur ».