En droit de l’urbanisme, la règle veut que le silence de l’administration sur une demande d’autorisation de construire vaut acceptation. Passé le délai d’instruction, si aucune réponse n’est notifiée au pétitionnaire, ce dernier dispose donc d’un permis tacite lui permettant de réaliser son projet. Mais à titre dérogatoire, l’article R. 424-2 du Code de l’urbanisme prévoit des cas dans lesquels le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction vaut décision implicite de rejet. Il en est ainsi notamment lorsque le projet porte sur une démolition soumise à permis en site inscrit. Mais comment articuler la règle et son exception lorsque le projet est une opération mixte portant à la fois sur une démolition et une construction ? C’est cette question qu’a tranché la Haute juridiction administrative dans un arrêt du 12 février 2020.
Démolition + construction, une seule demande de permis
Etait en cause dans cette affaire une demande de permis de construire déposée par une société et qui portait sur la démolition de deux bâtiments, la surélévation d'un immeuble existant et la construction d'un nouvel édifice dans un site inscrit. Rappelons qu’un pétitionnaire peut tout à fait, pour un même projet, déposer une seule demande portant sur la démolition et la construction d’un bâtiment. L’article L. 451-1 du Code de l’urbanisme dispose en effet que lorsque la démolition est nécessaire à une opération de construction ou d'aménagement, la demande de permis peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement. Dans ce cas, c’est le permis de construire ou le permis d'aménager qui autorise la démolition.
Dans l’affaire du 12 février, au terme du délai d’instruction, le pétitionnaire a demandé à la commune de lui délivrer une attestation de permis tacite. Cette dernière a refusé et a informé le pétitionnaire que sa demande de permis de construire avait fait l'objet d'une décision implicite de rejet. La société porte alors l’affaire devant les juridictions administratives : le tribunal administratif rejette sa demande. Mais la cour administrative d’appel (CAA) lui donne gain de cause, annule le jugement et la décision de la mairie.
Interprétation stricte de la dérogation
Les juges d’appel, faisant une interprétation stricte de la dérogation de l’article R. 424-2 du Code de l'urbanisme, avaient considéré que le projet de permis de construire litigieux, bien que comportant des démolitions en site inscrit, n'était pas un projet « portant sur une démolition » au sens dudit article R. 424-2. Lequel pour la CAA, vise les demandes de permis ou les déclarations préalables portant uniquement sur des travaux de démolition. Dans ces circonstances, les juges d’appel estimaient qu’une décision implicite d'acceptation était donc susceptible de naître sur ce projet comportant à la fois des travaux de démolition et de construction.
Prévenir une démolition involontaire en site inscrit
Saisi par la commune, le Conseil d’Etat censure cette solution. Suivant les conclusions du rapporteur public pour qui la dérogation a en l’espèce été instituée « pour prévenir la naissance d’une décision tacite involontaire qui permettrait une démolition en site inscrit », la Haute juridiction considère que « le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction vaut décision implicite de rejet lorsque la demande de permis de construire porte sur une démolition soumise à permis en site inscrit, y compris lorsque cette demande porte également sur une construction ».
CE, 12 février 2020, n° 421949, mentionné aux tables du recueil Lebon
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