Les apports de la Haute juridiction administrative en matière de contentieux de l'urbanisme sont nombreux et souvent riches d'enseignement, tant pour les porteurs de projet, que l'administration et les juridictions. L'arrêt rendu le 15 février (publié au Lebon) concernant un recours contre une autorisation de construire, en est une nouvelle illustration et fera date.
Une commune avait saisi le Conseil d’Etat d’un arrêt de cour d’appel administrative qui avait annulé un permis de construire un immeuble de six logements en retenant deux motifs. Le premier portait sur la conformité de la surface de la construction aux dispositions du plan local d’urbanisme (PLU) et en particulier au coefficient d’occupation des sols. Le second retenait l’illégalité de la couverture d’une partie de l'immeuble par un matériau autre que la tuile prévue au PLU. Le juge d’appel avait refusé en outre de mettre en œuvre la régularisation par permis modificatif prévue aux articles L.600-5 et L.600-5-1 du Code de l'urbanisme.
Conformité aux règles d'urbanisme : d’abord la confiance…
Le premier apport de cette décision publiée au Lebon concerne l’étendue du pouvoir de contrôle des services instructeurs d’une demande de permis de construire. La commune se voyait reprocher en appel d’avoir délivré son autorisation d’urbanisme sans vérifier la conformité des déclarations du demandeur aux pièces du dossier, une surface de 10 m2 destinée à une cave ou un cellier ayant été déduite sans qu’une pièce du dossier s’y réfère. Le Conseil d’Etat rappelle que le droit applicable n’exige pas la production d’un plan des aménagements internes de la construction. Dès lors, l’administration apprécie la seule conformité du projet aux règles d'urbanisme et ne peut relever que les inexactitudes portant sur le terrain d'assiette, sa surface ou l'emplacement de ses limites séparatives, et sur son environnement.
… sauf dossier incomplet ou fraude
Le permis de construire ayant pour objet d'autoriser une construction conforme aux plans et indications fournis par le pétitionnaire dans son dossier de demande, l’autorité compétente n’a pas à vérifier l'exactitude des déclarations du demandeur relatives à la consistance du projet ou son intention de les respecter sauf :
- si des informations et pièces du dossier limitativement définis par l’article R. 431-4 du Code de l'urbanisme infirment ces déclarations,
- si des éléments établissent l'existence d'une fraude à la date à laquelle l'administration se prononce sur la demande d'autorisation.
Elan immédiatement applicable
Relevant l’erreur de droit commise par les juges d’appel, le Conseil d’Etat évacue d’abord le vice de légalité relatif au coefficient des sols. Il admet ensuite la mesure de régularisation du vice affectant la couverture du projet. Statuant au fond, le Conseil d’Etat considère qu’en l'absence de disposition expresse y faisant obstacle, l'article L.600-5-2 du Code de l'urbanisme, issu de la loi Elan du 23 novembre 2018, entré en vigueur le 1er janvier 2019, est immédiatement applicable aux instances en cours. La légalité de l’acte modificatif délivré durant l’instance d’appel ne peut ainsi être contestée que devant le juge d’appel dans le cadre de l’instance principale. Le Conseil d’Etat précise qu’en cas de saisine du tribunal administratif par le contestataire du projet modifié, le tribunal doit transmettre le recours au juge d’appel.
Leçon de procédure
Enfin, et c’est le dernier apport de cette décision, le Conseil d’Etat délivre une leçon de procédure sur la régularisation par permis modificatif. Le juge de cassation, qui censure une partie des motifs d’illégalité retenus par une décision refusant la régularisation d’un permis, doit vérifier si les motifs subsistant justifient le refus. Le juge d’appel, saisi d’un jugement d’annulation partielle d’un permis doublée d’une mesure de régularisation, doit se prononcer « dans un premier temps » sur la légalité du permis initial. Si le permis est légal, le jugement est annulé, la demande d'annulation du permis rejetée et, le cas échéant, le juge d’appel se prononce sur la légalité de la mesure de régularisation.
Si le permis est illégal et que les vices l’affectant ne sont pas régularisables, le jugement et le permis sont annulés, ainsi que, le cas échéant, la mesure de régularisation intervenue. Si le permis initialement attaqué est affecté d'un ou plusieurs vices régularisables, le juge statue sur sa légalité en prenant en compte les mesures de régularisation et se prononce sur leur légalité si elle est contestée.
Au terme de l’examen, s'il estime le permis modifié régularisé, le juge rejette les demandes contre la mesure de régularisation. S'il constate que le permis modifié est toujours affecté d'un vice, il peut de nouveau permettre sa régularisation.