Le permis d’expérimenter est opérationnel depuis le 13 mars et, comme promis, la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) accompagne les acteurs désireux de s’embarquer dans cette voie. Elle diffuse ainsi un guide d’application exposant la marche à suivre pour pouvoir déroger à certaines normes de construction en mettant en œuvre des solutions d’effet équivalent (SEE) présentant un caractère innovant sur le plan technique ou architectural.
Pour mémoire, le permis d'expérimenter, prévu par la loi Essoc (ou Confiance) du 10 août 2018, est régi par une ordonnance du 30 octobre 2018 (dite Ordonnance I) et son décret d’application du 11 mars 2019. Il est promis à une courte vie, puisqu’il sera abrogé par l’Ordonnance II, à paraître d’ici au 10 février 2020 et déjà en cours de rédaction. Ce second volet généralisera le droit de déroger et réécrira la partie législative du Code de la construction et de l’habitation. Les règles de construction seront ainsi rédigées en termes d’objectifs généraux et de résultats minimaux à atteindre, le respect des obligations de moyens devenant facultatif. Mais il faudra ensuite plusieurs années pour toiletter l’ensemble des décrets et arrêtésdu Code de la construction et de l’habitation, confie au « Moniteur » le ministère de la Ville et du Logement…
Sept étapes
Le guide d’application synthétise les étapes à suivre pour recourir au permis d’expérimenter :
« 1- Le maître d’ouvrage trouve un organisme indépendant qui lui délivrera l’attestation.
2- Le maître d’ouvrage fournit son dossier de demande à l’organisme indépendant.
3- L’organisme indépendant analyse le dossier, et s’il valide la solution, il produit l’attestation d’effet équivalent grâce au site démarches-simplifiées.fr et la fournit au maître d’ouvrage.
4- Le maître d’ouvrage joint l’attestation à sa demande d’autorisation d’urbanisme.
5- Le maître d’ouvrage trouve un contrôleur technique, si son opération n’en requiert pas déjà un ou s’il souhaite avoir un contrôleur spécifique à cette mission.
6- Le contrôleur technique vérifie que la mise en œuvre de la solution est conforme aux règles énoncées dans le dossier de demande d’attestation, validées et rappelées par l’attestation. Il délivre à la fin des travaux une attestation de bonne mise en œuvre de la SEE. »
Moyens vs résultats
La DHUP livre également des explications sur l’étendue des règles auxquelles s’applique le permis. Si leur champ est circonscrit à neuf domaines (accessibilité, aération, acoustique, performance énergétique et environnementale, etc.), il est également limité aux seules « obligations de moyens […], à l’exclusion des obligations formulées en termes de performances ou de résultats, éventuellement quantifiés, à atteindre » (art. 3 du décret).
Mais comment distinguer les unes des autres ? Appartiennent à la catégorie des obligations de performance ou de résultats « celles qui sont suffisamment globales pour ne pas contraindre à l’emploi d’une solution technique spécifique », explicite le guide.
Seront à l’inverse considérées comme des obligations de moyens : « une définition explicite d’une obligation de prestation ou de moyen à employer (par exemple, porte battante de 90 cm de large) ; une exigence qualitative intraduisible par le calcul ; une caractéristique technique minimale pour certains équipements, produits de construction… ; un résultat chiffré à atteindre mais impliquant une solution précise (par exemple, débit d’air minimal qui implique une ventilation mécanique) ».
Attestations d’effet équivalent et informations sur les sinistres en ligne
Dans ce document, la DHUP lève aussi le voile sur l’outil que les organismes qui seront chargés de délivrer les attestations d’effet équivalent aux maîtres d’ouvrage devront utiliser pour établir ces sésames. Le décret leur impose en effet de recourir à un formulaire électronique normalisé, qui sera disponible sur le site demarches-simplifiees.fr, nous apprend le guide. « Une fois l’ensemble des champs remplis, il est possible de générer un document PDF qui, une fois signé et tamponné par l’organisme compétent, constitue une attestation au sens de l’ordonnance du 30 octobre 2018 », détaille la DHUP.
Le guide indique par ailleurs que ce même site mettra à disposition des maîtres d’ouvrage et des attestateurs un autre formulaire pour récolter les données concernant les sinistres affectant les opérations ayant fait l’objet d'un permis d’expérimenter.
Il s’agit d’assurer une remontée d’informations pour tirer les leçons de cette phase de test. L’administration pourra ainsi collecter, viademarches-simplifiees.fr, les données sur les opérations ; et les mettra en ligne sur les sites officiels des ministères de la Cohésion des territoires et de la Transition écologique et solidaire, sous la forme d’un « tableau de suivi ». Un second décret, prévu par l’Ordonnance I, est attendu pour avril concernant les modalités de cette capitalisation d’informations. Il devrait aussi imposer au maître d’ouvrage vendeur d’un bien immobilier d’informer l’acquéreur qu’une solution d’effet équivalent a été mise en œuvre.
La charte d’AMI sur le permis d’expérimenter, signée par une trentaine d’acteurs de la construction le 14 mars au Mipim, devrait aussi permettre d’alimenter la phase de bilan. Comme l’indique au « Moniteur » le ministère de la Ville et du Logement, « les retours d’expérience dépasseront de loin les bâtiments livrés, ils porteront sur la procédure, les compétences, la lisibilité du dispositif, son assurabilité etc. qui alimentent d’ores-et-déjà les travaux en cours [pour la rédaction de l’Ordonnance II » .
"Essoc I - Guide d’application de l’ordonnance n° 2018-937 et des décrets qui lui sont liés"