Sur la Montagne Sainte-Geneviève, à Paris, des archéologues mettent au jour actuellement un quartier d’habitations du Ier siècle après J.-C.. L’intérêt scientifique de ce site pose la question de sa conservation, en totalité ou en partie, sans remettre en cause le chantier prévu des laboratoires de recherche pour l’université Paris VI. La décision qui reviendra à l’Etat, au maître d’ouvrage et à la ville. De même à Toulouse, à l’occasion de la restructuration du Palais de justice, la démolition d’une aile de bâtiment avait révélé, à l’automne 2005, l’existence d’imposants vestiges du château médiéval des comtes de la ville. Le chantier s’accompagnera d’un projet permettant au public de visiter en sous-sol les restes du château. Une solution qui se rapproche de celle adoptée dans les années 90, lors de la construction du parking du Louvre à Paris, pour rendre accessible au public les vestiges de l’enceinte de Charles V.
En revanche, en Arles, trois ans après avoir exhumé des vestiges paléochrétiens dignes d’un siège épiscopal, on ne sait pas encore comment les présenter au public. De même à Lyon, les six embarcations antiques découvertes sur le chantier du parking Saint-Georges, en 2003, n’ont pas trouvé de destination. Elles ont été jugées trop exceptionnelles pour être exposées sur place, suivant l’habitude prise par la Ville pour les précédents parcs de stationnement.
Fouilles obligatoiresdepuis 2001. Ce foisonnement de découvertes dans les villes françaises découle de l’obligation faite, depuis 2001, d’entreprendre des fouilles à chaque fois qu’un chantier est susceptible de porter atteinte au patrimoine archéologique. L’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) a été créé pour assurer, à la demande de l’Etat, la détection et la sauvegarde des vestiges, leur étude scientifique et la diffusion des résultats. Cet organisme unique en Europe, qui compte 1 800 collaborateurs, réalise des diagnostics sur plus de 7 000 ha de terrains chaque année.
Mais d’autres initiatives publiques ont été lancées : un plan « Patrimoine Antique », couvrant la période 2000-2007, est né de la coopération entre l’Etat et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, avec l’objectif de protéger les principaux monuments, notamment les théâtres romains d’Arles, de Fréjus et d’Orange, actuellement en cours de réhabilitation. D’autres accords existent, dont un protocole de décentralisation expérimentale concernant la préservation et la valorisation de 1 200 autres monuments de la même région.
Les régions riches en patrimoine sont souvent conduites à opérer des choix difficiles : le village de Caumont-sur-Durance, à proximité d’Avignon (voir ci-contre), avait un projet de lotissement, mais les traces de terrasses d’une villa romaine sont sorties de terre. Aidée par la direction régionale des affaires culturelles (Drac), la municipalité a eu le courage de renoncer au lotissement pour réaliser à la place un beau jardin public. Cette décision paraît justifiée ; elle l’est plus encore s’agissant de vestiges archéologiques d’importance.
Solution troglodytique. Référence dans ce domaine, le parc archéologique de Lyon, sur les pentes de la colline de Fourvière. A la fin des années 60, le musée de la civilisation gallo-romaine a été dissimulé, par l’architecte Bernard Zehrfuss, sous la colline. On admire encore cette solution inédite, plus troglodytique que souterraine, car ponctuée de « regards » panoramiques sur le théâtre antique.
Solution plus « visible », celle de Jean Nouvel pour le musée gallo-romain de Périgueux, ouvert en 2003. Pour révéler les vestiges de la vaste « Domus des Bouquets », datant du Ier siècle après J.-C., l’architecte a réalisé un grand volume vitré – libre de toute structure intérieure – qui épouse l’enceinte bâtie au sol. On se promène au-dessus des vestiges, sur des passerelles de bois en léger surplomb des ruines. La façade vitrée montre les prolongements extérieurs des fouilles sur une superficie équivalente. Le musée est ainsi le point de départ d’une promenade qui comprend, entre autres, les restes d’un amphithéâtre et la tour d’un grand sanctuaire dédié à la déesse Vesunna.
Facteurs d’identitéurbaine. L’intérêt du grand public pour l’histoire incite, désormais, les collectivités à intégrer dans l’aménagement urbain les champs de fouilles archéologiques. Diverses solutions sont adoptées, avec plus ou moins de succès, pour préserver des sites et les rendre accessibles au public. Ces initiatives relèvent d’une nouvelle manière de penser le développement urbain et nécessitent la collaboration d’acteurs – élus, archéologues, urbanistes, conservateurs…– qui, jusqu’alors, travaillaient peu ensemble.
Face à la décision de mettre en valeur ou non des vestiges archéologiques, seule cette collaboration permet d’opérer des choix éclairés et d’assurer une gestion équilibrée du patrimoine urbain. En ce sens, plus que des voies à suivre, les exemples existants de mise en valeur doivent être considérés comme autant d’expériences dont il faut tirer des leçons. Mais, dans tous les cas, ils constituent d’importants facteurs d’identité urbaine, de cohésion sociale, et d’essor touristique.