La nouvelle version du DPE permet-elle de mieux affiner la notation des logements, notamment de ceux bâtis avant 1975, qui étaient classés comme des passoires énergétiques, comme l’a déploré la Fnaim l’été dernier ?
Il y a eu des ajustements continus, quasiment tous les quinze jours, entre le mois de juillet et celui de septembre. Le rythme était tellement soutenu, que nous avons dû abandonner notre logiciel interne (Atlante) pour utiliser un logiciel du marché (Liciel) sur la partie diagnostic énergétique. En octobre, le gouvernement nous a recommandé de ne plus réaliser de DPE sur les logements bâtis avant 1975 tant que le mode de calcul n’était pas révisé.
Quand nous sommes passés d’Atlante à Liciel, nous avons réédité nos DPE « F » et « G » sur le nouveau logiciel. Nous avons bien remarqué une évolution sur les consommations énergétiques, en termes de kwh donc, mais la modification du mode de calcul n’a pas eu d’effet majeur sur l’étiquette d’émissions de gaz à effet de serre (GES) pour les logements ayant recours aux énergies fossiles (gaz et fioul). Nous n’avons pas noté d’évolution majeure sur le niveau d’abaissement des passoires énergétiques.
La réforme du DPE a été très profonde. Auparavant, les deux notes étaient décolérées. Aujourd’hui elles sont liées et ont un impact l’une sur l’autre. Avec cette nouvelle règle, même si l’on arrive à réduire les consommations énergétiques, un logement ayant toujours recours aux énergies fossiles restera toujours émetteurs de GES. Sa note évoluera à la marge.
Quelle stratégie adopter pour sortir son logement des étiquettes E, F et G ?
Le véritable objectif du DPE consiste à se débarrasser du recours aux énergies fossiles. Or, beaucoup de patrimoines de bailleurs sociaux ont recours soit au gaz soit au fioul avec l’installation de chaufferie collective. Pour s’en débarrasser, ils seront contraints d’adopter une stratégie offensive visant à travailler sur l’enveloppe (isolation, fenêtres) et les systèmes (chauffage, eau chaude sanitaire et ventilation).
Le nouveau DPE pourra les accompagner dans la définition de leur stratégie, puisqu’il doit proposer deux bouquets de travaux. Le premier visant à faire sortir le logement de la catégorie « passoire énergétique ». Le second pour leur permettre d’atteindre une performance élevée (étiquette « A » ou « B »). Il leur est ensuite conseillé de réaliser un thermique, doté d’une méthode de calculs plus aboutie que celle du DPE (appelée 3CL), afin de réaliser une modélisation fine des travaux à réaliser.
Où en est la concertation sur le DPE collectif, aussi appelé "DPE à l’immeuble" ?
Avant la réforme du DPE, deux méthodes de calculs étaient possibles : la méthode conventionnelle 3CL, basée sur un scenario d’occupation, et pour les cas particuliers où l’on ne pouvait pas utiliser la méthode 3CL (logement d’avant 1948, ou en chauffage collectif sans comptage individualisé, ou bien tertiaire) la méthode dite « sur facture » était appliquée. La réforme du DPE a uniformisé les méthodes en optant systématiquement pour le 3CL dès lors que le DPE porte sur un logement. Il était donc possible pour le législateur de permettre de réaliser un DPE individuel à partir d’un DPE collectif, ce qui intéresse logiquement les bailleurs.
Toutefois, un seul cas test, incomplet, avait été fourni aux éditeurs de logiciel DPE depuis juillet, ce qui était insuffisant pour s’assurer de la fiabilité de cette nouvelle partie de la méthode de calcul 3CL… Ce qui a incité les donneurs d’ordre à la prudence et le gouvernement à consulter plus largement les acteurs autour de ce DPE collectif.
Le gouvernement a d’abord travaillé à la fiabilisation du nouveau DPE avant de lancer des groupes de travail (sur les données d’entrées, la définition de cas test) pour fiabiliser le DPE collectif. Le travail de ces groupes avance, et des documents à destination des diagnostiqueurs et des donneurs d’ordre devraient être publiés dans les semaines à venir.
Les bailleurs sociaux lancent-ils des marchés pour réaliser des DPE collectifs ?
Les bailleurs sociaux sont dans une situation délicate puisque le gouvernement travaille à fiabiliser une disposition déjà applicable. Bien que le secteur s’interroge sur la fiabilité du DPE collectif, certains bailleurs sociaux en font la demande, même si je note une certaine prudence de la plupart des organismes HLM. Nous n’en réalisons pas autant que ce que nous aurions pensé. Mais certains organismes HLM n’ont pas le choix. Ceux qui renouvellent leurs marchés par exemple, intègrent le DPE collectif, qui permettra de réaliser des économies.
Les bailleurs sociaux sont pressés par le temps à cause de la loi Climat et Résilience. Combien de temps se déroule entre la réalisation d’un DPE et l’achèvement des travaux ?
Dans un monde idéal, deux années peuvent se passer entre la réalisation d’un DPE et la livraison d’un logement rénové. Problème, le marché est engorgé : la maîtrise d’œuvre, les bureaux de contrôles, les architectes, l’administration… tout le monde sera fortement mobilisé pour passer le cap de 2025, et plus globalement, l’énorme marche en termes d’économies d’énergie prévue par la réglementation. Le moindre grain de sable grippe toute la machine, je comprends donc le volontarisme du gouvernement sur le DPE. A aller trop vite nous prenons un risque fort : si les travaux sont mal réalisés ou mal pensés, nous risquons de générer d’autres problèmes…