PARIS XXème : Dans l'esprit du faubourg, une rénovation concertée aux Amandiers

Achevée depuis peu, la restructuration du secteur sud-est de la ZAC des Amandiers interpelle les spécialistes de l'urbain. Non seulement parce qu'elle les invite à examiner sans tabous les questions de la mémoire et de la valeur d'un paysage de rues « ordinaires », mais aussi par la dynamique, neuve, d'acteurs que sa réalisation a suscitée.

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Pour bien comprendre les enjeux, un petit rappel historique s'impose. Entre Ménilmontant et le Père-Lachaise, ce quartier accueille, vers 1850, les misérables expulsés du centre par les grands travaux haussmanniens. Des logements minimum, certes, mais aussi des escaliers bien balancés, des garde-corps de fonte, et une modénature digne en façade : l'habitat populaire se distinguait du logement bourgeois par les dimensions et les matériaux, non par les formes. Cette architecture modeste, associée au relief des anciennes carrières, donne un charme indéniable au quartier. Mais le manque d'entretien et la surpopulation valent aux Amandiers d'être classés îlot insalubre dès les années 20. Une rénovation « bulldozer », engagée dans les années 50, reste inachevée. Créée en 1974, avec la Semea 15 pour aménageur, la ZAC des Amandiers prend la suite, avec une composition urbaine plus respectueuse des tracés et des programmes moins gargantuesques. Mais dans ce quartier traumatisé par la brutalité des interventions précédentes, l'opposition à la rénovation demeure virulente. Au milieu des années 90, la multiplication des recours contentieux traduit la montée en puissance des associations de quartier. Les projets semblent tous bloqués. Au même moment, Jean Tiberi arrive à la mairie, et opère le virage stratégique de « l'urbanisme à visage humain ».

C'est dans ce contexte qu'entre en scène Antoine Grumbach, lauréat d'une consultation lancée par la Dauc. Nommé architecte coordonnateur, il livre, fin 1996, un cahier des charges architecturales, modèle du genre. Il se fixe le but consensuel, mais un peu contradictoire, de conserver l'esprit du lieu - et un maximum de bâtiments - en y introduisant de la mixité. Ce document servira de support à une vaste concertation avec les élus de l'arrondissement, les habitants et les associations en 1997. Ce temps sera mis à contribution pour reloger les occupants des quelque 180 logements encore habités. Les outils sont ceux du lotissement classique : « Le projet s'inscrit dans la logique du tracé des voies existantes produisant des îlots ; ceux-ci sont redécoupés en lots de petite taille sur la trace de la structure parcellaire accompagnant la topographie. » En fait, Grumbach joue habilement de l'ambiguïté sémantique entre îlot, parcelle et lot pour adapter ce quartier aux normes du logement social et du véhicule privé. Il fait d'abord passer la largeur des voies de 8 à 10 mètres, là où la chose est possible. Puis, il réduit drastiquement le nombre de parcelles. Celles qui accueillent des bâtiments neufs sont bien plus grandes que les anciennes, mais surtout découpées différemment. Norme oblige, Grumbach doit ménager un socle partiel de parking, prévoir des prospects plus larges et des appartements plus grands, y compris au rez-de-chaussée (20 logements par lot en moyenne). Il découpe donc de grands rectangles, donnant sur rue par leur grand côté. Mais sa grande astuce est de restituer l'impression de fractionnement de l'ancien parcellaire : « La silhouette générale en ligne brisée devra souligner la déclivité des terrains... l'adaptation à la pente sera rythmée autant que possible par un même nombre de fractionnements des niveaux de plancher que de parcelles préexistantes. »

Les architectes ont ainsi pu restituer l'image du Paris populaire immortalisé par Daumier : des falaises blanches, découpées de baies en hauteur sur quatre niveaux, coiffées d'une toiture zinc à faible pente, rythmées par les souches de cheminée, qui, ici, ventilent le parking.

FICHE TECHNIQUE (p.131) :

Maîtrise d'ouvrage urbaine : Ville de Paris, Jacques Marvillet, directeur de l'aménagement urbain et de la construction

Aménageur : Semea 15

Architecte coordinateur : Antoine Grumbach, assisté de Christophe Cuny

Maîtres d'ouvrage des opérations : RIVP, Semea 15, Siemp (environ 190 logements PLA, PLI et PLA-TS)

Maîtres d'oeuvre des opérations : Ferrand-Feugas-Leroy ; François Laisney ; Patrick Céleste ; Bruno Fortier-Thierry Bloch ; Galiano-Simon-Ténot ; Grumbach-Cuny

Entreprises : CBC pour les opérations RIVP et Semea 15 ; Bec Construction pour l'opération Siemp

PHOTOS :

Antoine Grumbach, l'architecte coordonnateur, a préservé l'aspect hétérogène et fragmenté du bâti par un redécoupage des parcelles qui valorise la petite échelle.

Grâce au fractionnement en quatre travées qui épousent la pente, l'immeuble conçu par l'équipe Galiano-Simon- Ténot s'insère naturellement dans le déroulé des anciennes façades.

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