Votre rapport sur l’eau, pour l’Assemblée parlementaire méditerranéenne, ouvre la voie à l’attribution d’une personnalité juridique à la mer méditerranée. S’agit-il simplement d’un symbole ?
J’ouvre aujourd’hui ce chantier de longue haleine, pour le soumettre à l’approbation des 34 parlements nationaux membres de l’APM. Aux côtés de cette institution, je souhaite que des experts, des citoyens, des scientifiques et des gouvernements puissent défendre ensemble la communauté de vie que représente la mer méditerranée.
Je me doute qu’il y aura des dissensus à dépasser. Seule assemblée au monde où l’autorité palestinienne dialogue avec des membres de la Knesset, l’APM détient cette capacité.
L’éveil des consciences, sur la question des polluants éternels, peut créer l’occasion d’un électrochoc pour accélérer. Vu sous un angle technique, le débat sur ce sujet risque de se perdre dans chaque molécule, et de durer des millénaires. Nous n’avons pas le temps.
L’éveil des consciences, sur la question des polluants éternels, peut créer l’occasion d’un électrochoc pour accélérer.
— Gabriel Amard, rapporteur spécial du droit sur l'eau à l'assemblée parlementaire de la Méditerranée
D’où l’intérêt de se placer du point de vue de l’intérêt général du vivant, appréhendé comme un sujet de droit. Des voix s’élèvent pour parler au nom du Rhône et de la Loire. L’APM chemine sur cette piste.
Quelle importance accordez-vous à la constitutionnalisation du droit à l’eau ?
La France n’a toujours pas placé ce droit au sommet de la hiérarchie de ses normes. Pour rattraper ce retard, je place un grand espoir dans la proposition de loi constitutionnelle transpartisane, soutenue par 9 groupes parlementaires, et qui reprend les termes adoptés en 2010 par l’Assemblée générale des Nations-Unies.
Dans le prolongement de cette proposition, l’Assemblée nationale délibérera prochainement sur une résolution, soutenue par huit groupes, pour inscrire l’eau dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Chacune et chacun doit se sentir protégé, juridiquement, pour accéder à ce bien dont personne ne peut se passer au-delà de trois jours.
Le droit à l’eau vous mobilise également comme co-rapporteur de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la transposition de la directive européenne de 2020. Comment se présente ce travail ?
La France ne dispose d’aucune filière de régénération des charbons actifs utilisés pour filtrer les polluants éternels
— Gabriel Amard, député du Rhône
Il s’agit de savoir où en sont les collectivités sur deux points clés de cette directive consacrée à l’eau potable : la précarité et les Pfas.
La France devait lister ses obligations le 1er janvier dernier, pour secourir les 400 000 personnes de notre pays qui ne disposent pas d’un accès sécurisé à l’eau. Cela supposait un diagnostic des collectivités locales, préalable à l’adoption de plans d’investissement. Très peu d’entre elles l’ont fait.
De même, les autorités organisatrices de l’eau potable et de l’assainissement n’ont pas mis en place de stratégie de protection des populations contre les effets des 20 molécules de Pfas identifiées comme dangereuses par l’Union européenne.
Sur ces deux points, l’Etat a pris des engagements au nom des collectivités. En juillet 2022, on m’a refusé un débat public sur le sujet, ce qui a eu pour conséquence une transposition par ordonnance, sans aucun accompagnement.
A propos des Pfas, la transposition prochaine de la directive sur les eaux résiduaires urbaines peut-elle offrir une occasion de trouver un cadre adapté à l’action publique nationale et locale ?
Les autorités organisatrices de l’assainissement et de l’eau potable auront besoin de soutiens, pour financer les ouvrages qui détruisent les polluants éternels.
La France ne dispose d’aucune filière de régénération des charbons actifs utilisés pour les filtrer. La ministre de la Transition écologique m’a d’ailleurs donné raison sur ce point. Les collectivités et entreprises que nous avons interrogées nous disent qu’elles envoient les charbons actifs à régénérer en Belgique, et les filtres des cheminées d’incinérateurs en Grande-Bretagne.
Nous avons besoin d’au moins un établissement public capable d’incinérer ces résidus à une température supérieure à 1400°C. D’où la proposition de loi transpartisane que j’ai déposée sur ce sujet le 11 mars.