Comment le groupe Egis sort-il de ces derniers mois marqués par le confinement et une activité dégradée dans la construction ?
La mobilisation a été totale durant le confinement avec un basculement massif en télétravail du jour au lendemain : 4 000 collaborateurs étaient concernés en France et ont continué à produire les études et les services promis à nos clients. C'est une véritable marque d'agilité qui se traduit dans nos résultats. En 2020, notre chiffre d'affaires en ingénierie sera comparable à 2019. Ce bilan est aussi la conséquence de l'impact limité de l'arrêt des chantiers, notamment sur nos activités de supervision. Dès la mi-mai, 80 % des sites avaient repris, ce qui a permis de rattraper le retard et de ne pas trop décaler les calendriers établis avant la crise.
Quelles ont été les conséquences de la crise sur vos activités liées à l'exploitation d'infrastructures de transport ?
Sur ce segment, complémentaire à nos activités d'ingénierie et de conseil, nous pâtissons de la baisse du trafic aérien qui, sur l'ensemble de l'année, devrait atteindre environ 40 %. Face à ce phénomène, nous n'avons malheureusement que peu de prise. Nos activités d'exploitation routière ont quant à elles été peu touchées.
Disposez-vous d'une visibilité satisfaisante sur les prochains mois ?
Nous terminons le premier semestre avec une prise de commandes ingénierie historiquement haute : 530 millions d'euros, contre environ 412 millions sur la même période de 2019. Sur l'année complète, nous devrions même atteindre près de 940 millions, mieux que lors du précédent exercice qui était pourtant déjà bon.
Ce niveau élevé est-il exclusivement à mettre au crédit du premier trimestre ?
La dynamique en début d'année était en effet extrêmement forte, mais elle ne s'est pas arrêtée durant le confinement. De surcroît, tous les pays n'ont pas été touchés simultanément par l'épidémie, ce qui a permis de continuer d'avancer.
Notre dimension internationale et multimétiers a joué le rôle d'amortisseur, démontrant du même coup la grande résilience du groupe et de son modèle. Aujourd'hui, à travers le monde, Egis n'enregistre pas de baisse significative sur les métiers de l'ingénierie, et nous n'anticipons pas de fléchissement marqué de la demande. Néanmoins, nous attendons de la part des donneurs d'ordres, notamment publics, dans le cadre des différents plans de relance, qu'ils nous permettent de développer notre activité et d'accroître nos compétences par l'intermédiaire notamment de grands projets.
Quel regard portez-vous sur le plan de relance français ?
Il est d'une ampleur jamais connue dans les dernières décennies. Deux de ses axes majeurs, la réduction des émissions de CO dans les transports et la rénovation énergétique des bâtiments, sont en lien direct avec nos expertises et nos offres. Le groupe Egis sera donc un acteur au service de la réussite de ce plan, et je m'y impliquerai personnellement.
Comment votre groupe s'organise-t-il pour saisir les opportunités et répondre aux exigences liées à la transition écologique ?
Le développement durable est au cœur de notre stratégie et de nos offres. C'est un engagement de longue date, établi en lien étroit avec nos parties prenantes. Notre organisation en témoigne avec un réseau de correspondants dédiés à cette thématique dans chacune de nos business units.
Dans l'élaboration de nos offres, cette dimension et celle de la transition énergétique sont systématiquement intégrées, que l'on fasse du rail, du bâtiment ou de l'aviation. En plus d'actualiser nos offres en fonction de la demande de nos clients, nous n'hésitons pas à relever de nouveaux défis. C'est le rôle du comité d'orientation développement durable que nous avons constitué en 2010, qui associe des intervenants internes et des spécialistes externes. C'est à cette instance que nous avons soumis nos 21 propositions pour un avenir bas carbone.
Quelles seront les grandes orientations de cette mutation ?
La rénovation thermique des bâtiments est évidemment un axe majeur. Nous avons des propositions fortes sur ce sujet en termes de matériaux bas carbone, d'économie circulaire, de smart grids, d'évolution du mix énergétique… Autre enjeu pour nous : le développement des mobilités décarbonées sur lesquelles travaillent nos experts, comme par exemple les offres tram-train ou les transports collectifs périurbains. Les grands projets me semblent également déterminants pour porter cette transformation.
Ils constituent des signaux envoyés aux acteurs économiques comme aux citoyens pour changer leurs comportements.
Enfin, nous agissons au travers de projets plus modestes dans toutes les villes, et pas seulement dans les grandes métropoles. C'est l'addition des initiatives qui fait l'efficacité de la démarche.
« Nous tablons sur des opérations de croissance externe significatives »
Comment abordez-vous le développement des outils numériques pour accompagner cette transformation ?
Le numérique est une transformation de long terme inéluctable,que l'on perçoit par exemple dans les aéroports où la problématique de la gestion des flux devient encore plus importante et complexe dans un cadre de maintien de la distanciation sociale. Le traitement de la donnée et sa modélisation sont donc fondamentaux. C'est pourquoi nous travaillons notamment à des modèles prédictifs pour anticiper ces flux. Dans le cadre de la construction, nous développons également les technologies de jumeau numérique pour faire évoluer les ouvrages en fonction de leurs usages au fil du temps, tout au long de leur cycle de vie.
La crise actuelle va-t-elle nécessiter une adaptation de votre modèle économique ?
Cette année, la crise du Covid-19, malgré son ampleur, n'entraînera qu'une baisse de 4 % de notre chiffre d'affaires global. Après cinq années d'une progression significative qui nous a permis de passer d'un chiffre d'affaires de 850 millions à 1,2 milliard d'euros, nos ambitions comme notre stratégie restent intactes. En France et à l'international, nous voulons accélérer la croissance dans nos trois métiers pour intégrer le top 10 mondial des sociétés d'ingénierie de la construction. Pour l'heure, nous sommes à la 21e place, cela suppose donc de doubler notre chiffre d'affaires dans les cinq ans à venir.
Comment comptez-vous y parvenir ?
En plus de notre croissance organique, nous tablons sur des opérations de croissance externe significatives. Pour ce faire, j'ai lancé une démarche afin d'identifier des entreprises en fonction de différents critères : positionnement sur le marché, implantation, taille, adéquation des expertises.
Nous regardons notamment le marché asiatique, où Egis doit prendre une place plus importante, moyennant une acquisition structurante. Mais l'Europe, et bien sûr la France, ainsi que les Etats-Unis sont également ciblés.
Enfin, nous étudions activement l'opportunité d'intégrer de nouveaux relais de croissance sur chacun de nos trois métiers.