Edito

Plan de relance : "Nous sommes satisfaits de voir l'écologie moteur du dispositif", Denis Dessus (Cnoa)

Mesuré quant aux annonces du Plan de relance, Denis Dessus, président du Conseil national de l’Ordre des architectes, attend de voir les intentions "entrer dans les faits".

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Denis Dessus, président du Conseil national de l'Ordre des architectes.

"Le plan de relance provoquera t-il une augmentation significative des projets permettant de compenser toutes les opérations arrêtées par la Covid-19 et qui ne repartiront pas? Permettra t-il d’avancer vers un meilleur cadre de vie, ce monde de demain plus écologique et social dont la crise sanitaire a démontré la nécessité?

Sur la première question, il faudra attendre le Projet de loi de finances 2021 (PLF) pour réellement pouvoir porter un jugement sur le plan de relance. Il faudra faire la part de ce qui constitue un «rebadgage» de financements qui étaient déjà programmés, de ceux qui constituent un réel investissement, et surtout la mécanique de mise en œuvre de ces financements. En tout cas, nous ne constatons pas de mesure phare qui permettrait un boost immédiat pour de nouveaux projets.

Nos 22 000 entreprises d’architecture affichent un chiffre d’affaires de 6 Mds d’euros et génèrent 60 Mds d’euros de travaux pour les entreprises. L’arrêt des chantiers et des études pendant plusieurs mois entraînera une chute de 20 à 30% du CA sur 2020 puis 2021. Ce qui va engendrer des milliers de licenciements et de nombreuses faillites, dans la maîtrise d’œuvre et, quelques mois plus tard dans les entreprises du BTP. Le secteur de l’architecture est d’ailleurs totalement absent du plan culture, alors que c’est notre ministère de tutelle.

Deux milliards sur deux ans pour la rénovation des logements privés ne constituent qu’un renouvellement du montant dédié en nous plaçant peu ou prou au niveau de 2018. Ce qui est intéressant c’est la volonté d’aider les rénovations «globales». Nous attendons que soit intégré dans les montants finançables le coût de la conception et de la maîtrise d’œuvre, indispensables à une rénovation capable de satisfaire les usagers. Sans cela nous constaterons toujours la gabegie, les arnaques et, au final, une rénovation médiocre.

A ce sujet, continuer à parler de rénovation «énergétique» est irritant, l’énergie n’est qu’un volet de l’amélioration d’un bâtiment, le plus souvent motivé par la volonté d’en accroître la qualité de vie, la fonctionnalité, le confort, la valeur patrimoniale etc. Les problématiques énergétiques sont importantes, et doivent être embarquées par des incitations financières, mais les problématiques de santé, par exemple, le sont tout autant.

Ainsi la rénovation évoquée des bâtiments publics ne doit pas être uniquement «énergétique» mais englober aussi leur modernisation, leur adaptation aux modes de travail actuel et à la gestion du risque épidémique. Cela nécessite un diagnostic du fonctionnement, des installations techniques et un projet intégrant des adaptations de la distribution des locaux, le changement de matériaux, des systèmes de ventilation, bref un travail architectural complet.

Sur les autres annonces concernant la rénovation, ce sont surtout les actions actuelles, renforcement de l’Anah, actions «cœurs de ville», etc. qui sont listées, sans réelle nouveauté pour l’instant. La mobilisation annoncée autour des métiers de la rénovation n’a pas beaucoup de sens, les professionnels compétents existent, au sein de la maîtrise d’œuvre et parmi les artisans et PME du BTP. La vraie solution pour généraliser les opérations de rénovation, au bénéficie des usagers, passe par la simplification des mesures de financement, et des dispositions fiscales claires, avantageuses et enfin pérennes. Ne plus conditionner l’accès à «Ma Prime rénov’» va ainsi dans le bon sens.

En réponse à la deuxième question, nous sommes satisfaits d’un discours qui place l’écologie comme moteur de la relance, qui constate la nécessité d’investir dans les établissements de santé et qui souhaite revitaliser le réseau ferré secondaire. Il faut que cela entre dans les faits. Les réponses aux problématiques des DOM sont amorcées. Elles ne peuvent se limiter à la prise en compte du risque sismique, il faut évidemment l’élargir aux risques climatiques et à un vrai investissement sur l’habitat pour des territoires comme Mayotte.

Nous pourrions lister tout ce qui ne figure pas dans le plan, comme un rééquilibrage des territoires qui nécessiterait, entre autres, le retour de services publics dans les campagnes, regretter ce soutien avéré au lobby nucléaire, incompatible avec une vision durable et soutenable de l’avenir de notre société. Inciter à l’utilisation de l’électricité nucléaire est dommageable et ne doit pas se traduire dans les prochaines réglementations, dont la RE 2020. Nous préférons retenir les côtés positifs comme la réelle volonté de «défricher» nos villes, et de lutter contre l’artificialisation du foncier."

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