Comment se présente l'activité du groupe en cette période très particulière ?
Nous allons terminer l'année avec un chiffre d'affaires en recul de 15 % sur un an. Notre résultat devrait être toutefois à l'équilibre ; 2020 sera donc pour nous une année blanche.
Le niveau de nos carnets de commande reste relativement bon dans le secteur de la construction, avec une visibilité sur un an.
Dans ceux de l'énergie et de l'enveloppe, elle se réduit aux trois à six prochains mois. La partie TP présente quant à elle très peu de visibilité.
Il faudra donc se montrer très performant pour aller chercher les marchés. Heureusement, nous avons une bonne répartition de notre activité entre les secteurs public et privé, et nous avions fait une très belle performance en 2019, avec un résultat d'exploitation de 18 M€, en hausse de 40 %. Tout cela nous permet d'aborder 2021 et 2022 dans une relative sérénité.
Vous avez repris en septembre la présidence de l'entreprise créée en 1972 par votre père Michel Ramery, décédé en 2016 à l'âge de 67 ans. C'est une étape importante ?
En effet. L'arrivée de la deuxième génération à la tête du groupe a été l'occasion de mettre en place un nouveau mode de gouvernance.
Je n'ai pas un seul directeur général (DG) pour m'épauler, mais huit DG délégués derrière moi qui me soutiennent. Ce fonctionnement illustre notre modèle : un groupe agile composé aujourd'hui de 80 entités autonomes et solidaires. Chaque patron d'agence est un entrepreneur. Quand nous recrutons, nous privilégions le savoir-être au savoir-faire. Nous recherchons avant tout des personnes amoureuses de leur métier et capables d'innover et d'évoluer.
Comment cette agilité se concrétise-t-elle ?
Nous avons par exemple été récemment retenus, avec d'autres entreprises, pour le gros marché de rénovation de logements lancé par Maisons et Cités dans le cadre de l'Engagement pour le renouveau du bassin minier [3 milliards d'euros de réhabilitation à réaliser en dix ans sur 23 000 logements, NDLR]. Pour être plus agiles, nous avons créé une entité spécifique regroupant toutes les compétences nécessaires. Cette multi-expertise va nous permettre de nous attaquer efficacement à ce marché de la réhabilitation.
La philosophie est-elle la même pour Ramery Contractant, entité créée en début d'année ?
Tout à fait. Avec Ramery Contractant, nous nous lançons dans un nouveau métier. Nous réalisions certes déjà des marchés globaux via notre expertise d'entreprise générale, mais ce n'était pas la meilleure approche.
Nous nous sommes donc structurés pour être plus efficaces sur ce secteur qui se développe fortement et dans lequel nous avons déjà de beaux projets, comme ceux du centre aquatique de Lens [un marché global de performance de 31 M€, NDLR] et de la couverture du court Suzanne-Lenglen à Roland-Garros [6 M€ en conception-réalisation, NDLR]. Cette agilité s'explique aussi par notre politique de mobilité interne. Nous comptons en moyenne 70 changements de poste par an, dont 25 en dehors des spécialités d'origine. Il y a plusieurs vies dans une vie chez Ramery !
« Quand nous recrutons, nous privilégions le savoir-être au savoir-faire. »
Cette philosophie est-elle un héritage de la façon de travailler de votre père ?
La première valeur qu'il a transmise, c'est l'esprit de service au client. Nous travaillons en toute transparence, en appliquant une méthode gagnant-gagnant que l'on retrouve dans le monde agricole. La deuxième, c'est la considération envers les hommes qui portent le maillot de Ramery. Et la troisième, c'est le respect de la parole donnée et des engagements. Que nous soyons 50 ou 3 000, nous conservons ces valeurs et notre bon sens. La division de l'entreprise en entités de taille restreinte permet aux 80 patrons de connaître le prénom de tous leurs collaborateurs et de ne pas avoir une charrue trop lourde à tirer. Par exemple, dans les TP, la taille idéale se situe entre 12 et 18 M€ de chiffre d'affaires. Enfin, la localisation du siège, sur le site de l'ancienne exploitation agricole familiale, est un rappel constant de nos racines.
Souhaitez-vous renforcer votre présence en dehors de votre région d'origine ?
C'est un objectif en effet, mais à notre rythme et en fonction des opportunités. Grâce à notre actionnariat 100 % familial, détenu par ma mère, mes trois sœurs et moi-même, nous avons la chance de ne pas être obsédés par les chiffres. Nous avons par exemple stoppé notre croissance externe ces quatre dernières années, afin de nous concentrer sur nos agences existantes.
Cela a bien fonctionné. Nous recherchons avant tout des entreprises familiales en phase avec nos valeurs. En dix ans, nous nous sommes déjà développés sur six territoires (Ile-de-France, Marne, Normandie, Pays de la Loire, Aquitaine et Algérie). Nous réalisons cependant encore 70 % de notre chiffre d'affaires en région Hauts-de-France. Nous devons donc continuer à nous faire mieux connaître ailleurs. Par ailleurs, toutes les autres pistes de croissance sont ouvertes. Notre présence dans des secteurs comme l'énergie ou l'environnement nous offre des opportunités qu'il ne faut pas négliger, par exemple dans les énergies renouvelables.
Quels conseils donneriez-vous aux autres PME du BTP récompensées par le Prix Moniteur de la construction ?
Oser prendre des risques, ouvrir le champ des possibles, créer des perspectives. Pour cela, ne pas hésiter à recruter des profils différents tout en offrant aux collaborateurs la capacité d'entreprendre.
