Quel est l’impact de la crise sanitaire sur les entreprises générales des Hauts-de-France ?
Les entreprises générales, comme les autres constructeurs du secteur du bâtiment, travaillent dans une industrie fonctionnant sur un cycle long. Jusqu’ici, tous ont continué à travailler sur des projets lancés avant ou juste après le premier confinement ; ces acteurs ont été aussi protégées par les aides d’Etat. L’impact des mutations profondes en cours n’est donc pas encore forcément très visible. Cependant, nous constatons que le marché privé se cherche, il se tend. Dans la région, nous sommes heureusement portés par la réhabilitation thermique, notamment sur l’ancien bassin minier via l’énorme marché de l’ engagement pour le renouvellement du bassin minier (ERBM).
Les maîtres d’ouvrages ont-ils bien accompagné les entreprises sur les surcoûts des chantiers liés à la crise ?
Nous avons eu un réel accompagnement de la part des maîtres d’ouvrage public, notamment des bailleurs sociaux. Il y a eu une prise en charge assez rapide, via la signature d’avenants, qui globalement ont permis de partager les surcoûts. Avec les maîtres d’ouvrage privés, le partage a été bien moindre, car eux-mêmes étaient souvent pieds et poings liés par les acteurs financiers. Et, malheureusement, pour l’avenir, nous faisons toujours face à beaucoup d’incertitudes sur les futurs projets à sortir, mais aussi sur les coûts.
« Nous constatons une diminution de l’ordre de 30 % des permis de construire accordés »
Quelle est l’ampleur de ces incertitudes ?
Pour les coûts de construction nous devons faire face à une inflation qui devrait tourner autour de 5 % en 2022, mais cette hausse est-elle temporaire ou bien structurelle ? S’il semble peu probable que l’on revienne aux tarifs d’avant la crise, la fluctuation actuelle des coûts des matières premières rend difficile la définition de nos offres. Il y a aussi une certaine incertitude sur les projets à venir puisque nous constatons une diminution de l’ordre de 30 % des permis de construire accordés, avec notamment un fort ralentissement des projets tertiaires. Des pans entiers d’activité restent en télétravail. Ce phénomène de fond a un impact sur la demande en surfaces de bureaux. Enfin, la dernière grande incertitude tient au fort ralentissement sur notre activité de montage de projets, grandement freinée par le flou qui règne en ce moment chez les investisseurs.
Est-il possible de lever une partie de ces incertitudes et blocages ?
Imaginer le monde qui s’organise désormais fait partie des travaux qu’EGF Hauts-de-France veut mener cette année en concertation avec nos partenaires du secteur : la Fédération des promoteurs immobiliers, l’Ordre des architectes, les collectivités, etc.. Nous allons aussi travailler sur le ralentissement de l’attribution des permis de construire ayant pour origine une plus grande frilosité des maires face à l’acte de construire ou sur la notion de ZAN [zéro artificialisation nette, NDLR], qui peut être perçue comme une contrainte supplémentaire. Notre rôle d’entreprise générale est d’être dans le dialogue. Afin d’éviter les situations de blocage, il s’agit de monter des projets qui améliorent le cadre de vie. Et pour cela maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre et entreprises doivent pouvoir dialoguer aisément. Les entreprises générales sont des partenaires privilégiés pour cela. C’est dans notre ADN, grâce à notre ingénierie embarquée, de pouvoir mener des réflexions sur les nouveaux usages, ou les implications des nouvelles normes.
« Le modèle des entreprises générales est le plus pertinent en ces temps d’incertitude »
Les entreprises générales sont-elles mieux armées que les autres pour faire face à l’incertitude ?
Exactement. Aujourd’hui, les tensions sur le marché de la construction ont pour conséquence un accroissement du risque. Or l’ADN des entreprises générales est de porter ce risque. Dès la phase de conception, elles sont capables de s’engager sur des produits peu définis avec un objectif de coût et de délai, et en assurant la gestion des aléas de chantier. Nous sommes convaincus que le modèle des entreprises générales, dont la vocation est de porter le risque, est le plus pertinent en ces temps d’incertitude.