Interview

« Nous demandons la suspension des délais d’instruction des procédures d’urbanisme », Olivier Pavy, AMF

Référent de l’Association des maires de France dans les domaines de l’urbanisme, du logement et du patrimoine, Olivier Pavy exprime la crainte d’une « perte de savoir-faire » dans le tissu artisanal du bâtiment. Maire de Salbris (6000 habitants dans le Loir-et-Cher), il s’est résolu à ordonner l’arrêt du chantier de la piscine intercommunale de la communauté de communes de la Sologne des Rivières.

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Olivier Pavy
Référent des maires de France dans l'urbanisme, l'habitat et le patrimoine, Olivier Pavy craint une "perte de savoir-faire" dans l'artisanat du bâtiment.

Quelles dispositions immédiates les maires de France ont-ils prises dans leurs compétences de maîtrise d’ouvrage et d’urbanisme, suite aux mesures de confinement ?

Dès le 16 mars et conformément aux directives du ministère de la Cohésion des territoires, nous avons fermé à la population l’accès aux services d’urbanisme : ils n’entrent pas dans le domaine de l’indispensable. Certains de ces services ont pu se replier sur le télétravail, mais d’autres ont stoppé leur activité, ce qui provoque un effet cascade, car l’urbanisme alimente les services instructeurs, non visés par les directives.

Avec quelles conséquences ?

Ces services ne peuvent guère fonctionner en télétravail, car une bonne partie des procédures ne sont pas dématérialisées. Elles requièrent une présence dans les bureaux, y compris pour les accusés de réception des documents envoyés sous forme de recommandés électroniques. La dématérialisation reste expérimentale, tant dans le domaine de l’urbanisme que pour la purge des droits de préemption. La forte féminisation de ces services contribue à amplifier la difficulté, compte tenu des nombreuses demandes d’arrêt de travail pour garde d’enfants.

Quelles solutions préconisez-vous ?

Nous avons demandé la suspension des délais, pour reprendre le fil des dossiers après la fin de la pandémie. L’AMF espère que la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages prendra en compte cette demande, dans les ordonnances à venir.

Craignez-vous également que la situation actuelle engendre la multiplication de permis de construire tacites, en application du principe selon lequel silence vaut accord ?

Il y a là en effet une grosse difficulté, également signalée à la DHUP par l’AMF. Tout comme pour les délais de recours, nous demandons une suspension.

Quelles observations vous inspire la situation des chantiers sous maîtrise d’ouvrage communale ou intercommunale ?

A la communauté de communes de la Sologne des rivières que je préside, je me suis résolu à signer un ordre de service de suspension des travaux menés par un groupement d’entreprises pour la piscine intercommunale : un équipement de plus d’1 million d’euros TTC, programmé pour une livraison en juin 2021. Les retards probables risquent d’entraîner une rupture du service, à cette échéance, compte tenu de l’obsolescence de l’équipement actuel. Non pas que je ne voulais pas que le chantier puisse se poursuivre, mais compte tenu de la mise en chômage partiel d’un grand nombre de salariés, les entreprises se trouvent dans l’incapacité de travailler.

Espérez-vous que l’accord national entre le gouvernement et les entreprises rendra possible un redémarrage ?

Les travaux peuvent reprendre assez facilement dans des chantiers qui mobilisent un seul corps d’état, par exemple des travaux d’eau ou d’assainissement. En revanche, c’est beaucoup plus compliqué quand vous avez un grand nombre d’entreprises, en sous-effectifs, avec l’obligation de respecter les gestes barrière.

Craignez-vous un impact spécifique aux petites villes ?

Oui, car dans les territoires concernés, l’artisanat domine l’économie du bâtiment, alors que les grands groupes occupent une place relative bien plus importante dans les grandes villes. Compte tenu de la durée inconnue de la crise, je crains la mise à mal de l’activité artisanale, caractérisée par la faible trésorerie des entreprises. J’y vois un risque de perte de savoir-faire.

Quelles réponses y opposer ?

Le tissu économique varie beaucoup, d’un territoire à l’autre. Les réponses passent par une mobilisation à toutes les échelles, nationale, régionale et locale, avec l’Etat, les chambres consulaires, les régions et les établissements publics de coopération intercommunale. Mais nous n’aurons pas de vision précise des impacts avant un petit mois.

Souplesse et pragmatisme pour les conseils départementaux

 

"Dans un contexte réglementaire qui évolue régulièrement, les conseils départementaux adoptent une attitude compréhensive sur les délais et ne rechercheront pas la responsabilité des entreprises, notamment lorsque les conditions d’exécution ne permettent pas de garantir la sécurité des personnels. Ils prennent en compte au cas par cas la nature de la prestation commandée, son avancement, son montage juridique", a expliqué l'Association des départements de France au Moniteur. "Ils acceptent majoritairement en revanche la poursuite des chantiers qui peuvent se dérouler sans dommage ou ceux qui ont un caractère d’urgence", poursuit l'ADF.

"Enfin les départements assurent une continuité de service pour permettre de fluidifier les circuits de paiement des travaux et travaillent également à l’anticipation de la reprise d’activité (reprogrammation de chantiers, décalage des consultations, dialogue avec les candidats pour adapter les calendriers de réalisation)", conclut l'ADF

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