A l’occasion de vos vœux, vous avez évoqué que 2021 sera une année record d’investissement. Où en sont vos grands programmes Plan Collèges et Haut Méga ?
Sur le plan Collèges, nous avons très bien avancé : neuf collèges sont lancés sur les 13 prévus dans le plan et je dois poser les premières pierres de cinq autres dans ce premier trimestre 2021. Il y aura quatre livraisons cette année à Marsas, Cenon, Langon et Mayaudon. Nous accueillons 20 000 nouveaux habitants par an en Gironde, soit 1 500 collégiens de plus annuellement, cela représente deux collèges supplémentaires. D’où l’ampleur de ce plan, l’un des plus ambitieux avec 640 millions d’euros investis d’ici à 2024. Il nous reste à instruire les dossiers des collèges du Barp, Parempuyre, Fargues-Saint-Hilaire et Montussan. Nous apportons également une exigence sur les heures d’insertion. Au total, notre budget d’investissement s’élève à 270 millions d’euros, qui nous permet d’être au rendez-vous de la relance économique via la commande publique.
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« Nous ne voulons pas d’un territoire à deux vitesses »
Et le plan Haut Méga ? Quelle est votre ambition ?
Il correspond à un engagement fort, initié par mon prédécesseur [Philippe Madrelle, NDLR] de rééquilibrer les chances et les équipements sur le territoire girondin. Notre accroissement géographique crée cette nouvelle donne : la moitié des habitants se concentre dans la métropole bordelaise, qui représente 7 % du territoire, alors que l’autre moitié se répartit sur 93 % du territoire départemental. Nous ne voulons pas d’un territoire à deux vitesses, j’estime que si la métropole est le cœur du département, sa périphérie en est le poumon. Le rééquilibrage, par le plan Collèges, le haut débit, les investissements d’équipements publics sportifs ou culturels (une médiathèque à La Réole, par exemple), et les aides aux communes, répond à un sentiment fort d’isolement que le mouvement des gilets jaunes, particulièrement virulent ici, ne fait qu’exprimer. La correction de ce déséquilibre est dans l’ADN du département. Plus on s’éloigne de la métropole, plus il peut être marqué. Le plan Haut Méga est l’exemple le plus abouti de ce que je veux apporter : le haut débit pour tous, partout.
Ce plan s’appuie sur un investissement, à la fois privé et public, fort ?
Oui, en tout, le plan Haut Méga représente 800 millions d’euros à investir. Nous savions que le privé jugerait non rentable de câbler en zone rurale ou peu dense. L’Etat non plus, pour qui la fibre n’est pas prioritaire comme ont pu l’être l’électrification et le téléphone. C’est pourquoi nous avons créé avec Gironde THD, filiale d’Orange, un tour de table des communautés de communes, des communes et du département pour cofinancer ces investissements. Gironde THD s’engage à réaliser l’infrastructure et récupérer, sur 25 ans, les recettes sur les abonnements. Au total, tous les foyers seront connectés en 6 ans (on était parti sur 15 ou 20 ans dans les premières estimations). Avec une participation publique de 115 millions d’euros, suite à une négociation particulièrement efficace de Matthieu Rouveyre (conseiller départemental et municipal retourné à la vie civile). Actuellement un quart de 480 000 prises prévues sont installées. C’est pour moi une vraie satisfaction, le modèle de la politique la plus aboutie.
« J’ai plaidé auprès de l’Etat pour qu’on sépare les allocations et les dépenses de fonctionnement »
Comment avez-vous dégagé des marges de manœuvre pour le budget 2021 ? Vous citez notamment le plan de relance de l’Etat et votre victoire au tribunal administratif contre l’Etat au sujet des contraintes imposées par le pacte de Cahors. ?
Lors de la négociation avec les services de l’Etat, qui nous a promis une aide au titre du plan de relance, j’ai fait remonter directement au Premier ministre, qu’il y avait injustice à nous prendre d’un côté de l’argent qu’on nous promettait de l’autre. En pratique, le préfet précédent nous imposait un budget de fonctionnement avec une augmentation maximale de 1,2 %. Alors que le nombre de nos habitants augmente, toutes les dépenses liées à la solidarité augmentent d’autant : PCH, RSA, allocation autonomie. Ce sont des allocations, pas des dépenses de fonctionnement. J’ai plaidé auprès de l’Etat pour qu’on sépare les allocations et les dépenses de fonctionnement dans le calcul du budget de fonctionnement. En vain.
En visioconférence avec le Premier ministre et Dominique Bussereau, président de l’ADF, cet été, nous avons plaidé la cause des départements. Pour la Gironde, à l’issue d’une négociation serrée, j’ai obtenu 40 millions d’euros d’aide pour nos efforts de relance en 2020. Que nous réinjectons au budget primitif 2021.
« Je dois renoncer à construire un collège »
La ponction est atténuée mais toujours présente ?
L’Etat a décliné notre proposition de séparer allocation et dépenses de fonctionnement et nous a imposé 12,4 millions d’euros de retenue pour dépassement de budget de fonctionnement (du taux de 1,2 % prévu au pacte de Cahors) pour l’année 2019. Pour 2020, l’Etat devait nous reprendre 32 millions d’euros. D’un côté, le Premier ministre nous dit « vous êtes investisseurs publics, je vous demande de vous engager fortement dans l’investissement public », c’était en visioconférence, le 14 juillet 2020. Et de l’autre on nous taxe, j’ai répondu au Premier ministre : « Si vous me prenez 32 millions en 2020, je construirai un collège de moins que prévu ». Cette reprise financière nous a été notifiée à la rentrée par la préfète. Après négociation, nous avons pu la faire baisser à 24,5 millions d’euros. Même à ce niveau, je dois renoncer à construire un collège.
Depuis, Matignon a annoncé qu’il n’appliquerait pas le pacte de Cahors pour 2020. Vous avez poursuivi votre lutte en justice ?
Oui, après négociation, l’aide de l’Etat est montée à 40 millions d’euros. En revanche, nous étions toujours contraints à 1,2 % d’augmentation du budget de fonctionnement, alors que la région, la métropole et, par exemple, la Loire-Atlantique (département comparable à la Gironde) se voyaient appliquer un taux maximal de 1,35 %. J’ai saisi le tribunal administratif pour rupture d’égalité républicaine. Entre Noël et nouvel an, nous avons reçu la notification du jugement qui nous est favorable. Le juge administratif a jugé que « le préfet de la Gironde a commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant un taux de croissance annuel limité à 1,2 % ». Et « que le département de la Gironde est fondé à demander l’annulation de l’arrêté du préfet de la Gironde en date du 17 septembre 2018 ».
Bref, l’Etat est sommé de réparer l’erreur commise, désormais, lorsqu’il y aura un dépassement de notre budget de fonctionnement, la pénalité sera appliquée sur le différentiel avec 1,35 % d’augmentation et non 1,2 % comme précédemment. Cette mesure s’appliquera rétroactivement si je signe le pacte de Cahors. A 75 % de la pénalité. Ou à 100 % de la pénalité, si je ne signe pas le pacte. Ce qui représente un reversement potentiel de 14 millions d’euros pour les dépenses 2018 et 2019 (et non 2020 où le pacte ne s’applique pas, Covid oblige). En 2021, le pacte de Cahors est suspendu, et nous sommes la première collectivité à avoir négocié un accord avec France Relance [Jean-Luc Gleyze est président du groupe des présidents des départements de gauche, NDLR] et la seconde à l’avoir signé. La Charente-Maritime de Dominique Bussereau (président de l’ADF) a signé juste avant nous.