Interview

«Nous abandonnons le nom de Clairsienne au profit de Domofrance», Philippe Rondot

Deux filiales néo-aquitaines du Groupe Action logement, Domofrance et Clairsienne, se rapprochent. Philippe Rondot, président de Domofrance, détaille en exclusivité pour Le Moniteur ce projet de fusion.

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Philippe Rondot, président de Domofrance (recadré)
Philippe Rondot, président de Domofrance.

Quel est le contexte de ce rapprochement de deux acteurs majeurs du logement social néo-aquitain ?

Pour résumer la situation objectivement, il faut rappeler l’identité historique de Clairsienne et Domofrance qui sont deux filles du CILG, devenu Cilso en 2010(1), puis qui ont rejoint le Groupe Action Logement [en 2017 pour Domofrance, en 2028 pour Clairsienne 3F, NDLR]. Cette fusion est l’aboutissement d’une histoire commune, les deux avaient les mêmes parents, et chacune ses spécificités, ses rivalités bien sûr, mais avec des racines communes. Pour moi avec cet accomplissement naturel qu’est la fusion, j’ai le bonheur de présider aux deux organismes, qui vont travailler main dans la main(2).

Le contexte général est tendu. Personne, même en pleine explosion de nos représentations politiques, n’a encore mesuré l’ampleur de la crise politique du logement et de l’immobilier : elle est et sera colossale et reste très largement sous-estimée. Le premier poste du pouvoir d’achat des français, c’est leur logement. L’absence de prise en compte de cette crise, est pathétique, pour tout le secteur, les personnes mal logées, les collectivités, les promoteurs, les ESH. Socialement, cela présage d’une bombe à retardement qui tôt ou tard explosera.

Quel est le sens de ce rapprochement ?

L’actionnaire Action Logement nous donne le vouloir, à nous de le faire

Ce projet de rapprochement entre Domofrance et Clairsienne fait sens dans le cadre du groupe Action Logement, dont la devise est « vouloir… et le faire ». L’actionnaire Action Logement nous donne le vouloir, à nous de le faire. Nous sommes des ESH complémentaires, à la fois sur les territoires et les types de logement. Domofrance a réalisé beaucoup de grands ensembles de la métropole bordelaise, surtout en locatif. Clairsienne a développé des logements individuels groupés, en diffus, et de l’accession sur des territoires hors métropole, notamment ceux qui sont en pleine réindustrialisation. Les deux organismes s’étaient mis d’accord pour fonctionner en complémentarité, pour répondre aux besoins des territoires si spécifiques, des Charentes, au Béarn, ou à la côte Basque.

Qu’apporte chacun dans la corbeille ?

Clairsienne représente 14 000 logements, Domofrance 41 000 logements. Outre la construction, l’entretien et la gestion de ce patrimoine, commun aux deux organismes, Clairsienne apporte son expertise dans le domaine de l’aménagement urbain. Au fil du temps, les deux filiales d’Action Logement se sont réparti géographiquement : par exemple, Clairsienne est très implantée dans les Landes, et Domofrance dans les Pyrénées-Altantiques, département voisin. Avec ce rapprochement, nous allons clarifier les zones de recouvrement. Au total, les deux structures représentent un parc de près de 55 000 logements, qui va se renforcer sur la Nouvelle-Aquitaine, avec un programme de 3,5 milliards d’euros pour les prochaines années, d’ici à 2028. Action Logement aura son véhicule, avec une seule ESH financièrement solide.

Clairsienne apporte son expertise dans le domaine de l’aménagement urbain

Quelle sera votre méthode ?

D’abord, réfléchir en amont sur les besoins, avec les offices publics, les promoteurs, les aménageurs. La nouvelle entité vise à améliorer notre efficience. Chacun avait anticipé une nouvelle méthode : Domofrance a, depuis 7 ans, multiplié les alliances avec Aquitanis, Bordeaux Métropole Aménagement, sans oublier l’intégration de Ciliopée en Lot-et-Garonne. Et surtout la création de la SAC de Corrèze, qui s’avère être des plus performante.

Quelle en sera la gouvernance ?

Clairement, le responsable qui aura la conduite du projet est Francis Stéphan, actuel directeur général de Domofrance, qui sera accompagné par Jean-Baptiste Desanlis, directeur général de Clairsienne [et ancien directeur régional de la SNI, NDLR]. Francis Stéphan a mené de multiples opérations de fusion et de structuration, comme Podéliha [qui, historiquement basé à Angers, est devenu le premier bailleur social des Pays de la Loire, NDLR], la fusion avec Ciliopée Habitat à Agen en 2020, Habitelem à Pau [premier bailleur béarnais, devenu Domofrance Pyrénées-Atlantiques en 2020, NDLR].

Notre objectif est d’intégrer toutes les équipes de Clairsienne, dans le nouveau projet stratégique de Domofrance 2024-2028, Vivant. Cela passe par une nouvelle façon de manager les services.

Quel est le calendrier de la fusion ?

Dans un premier temps, nous abandonnons le nom de Clairsienne au profit de Domofrance. A l’origine de la création du CIL, nous étions 122 entreprises sociales de l’habitat, nous sommes à 45 maintenant. Deux comités de préfiguration sont chargés, chez Clairsienne et Domofrance, d’organiser les nouvelles méthodes, les équipes de travail, transformer les organisations, ceci d’ici la fin de l’automne. Puis on mettra les équipes en état de marche opérationnel au 1er janvier 2025. Nous devons attendre les assemblées générales des deux organismes en mai 2025, qui devraient acter rétroactivement la fusion au 1er janvier 2025.

Notre programmation porte sur 4,5 milliards d’euros, nous visons de produire 3 000 logements neufs par an

Quels sont vos objectifs de production de logement ?

Avec cette fusion, nous sommes à la tête de 60 000 logements, dont près de 10 000 pour la SAC corrézienne. Notre programmation porte sur 4,5 milliards d’euros, nous visons de produire 3 000 logements neufs par an, dont 2 300 à 2 500 en locatif, et le solde en accession. Pour viser la décarbonation de notre patrimoine, nous avons lancé d’énormes programmes de réhabilitations, autour de 1 000 logements par an. A un prix qui représente désormais la moitié du prix du neuf !

Pour nous, la seule manière de faire face à la demande, c’est que les élus acceptent que nous vendions du patrimoine : un logement social vendu, permet de construire trois nouveaux logements. C’est la meilleure solution, dans une économie du logement social où les revenus locatifs rendent les opérations structurellement déficitaires.

La seule manière de faire face à la demande, c’est que les élus acceptent que nous vendions du patrimoine

(1) Depuis le 14 juin 2010, le CILG, la CCI Habitat Sud-Ouest, le CIL des Landes, le CIL 64, Habitat 1% Limousin et le Cilco de Corrèze se sont regroupés pour former le Cilso.

(2) Philippe Rondot, qui a été reconduit pour un 3e mandat à la présidence de Domofrance, vient d’être élu président du conseil d’administration de Clairsienne. Il en avait déjà occupé la présidence de 2015 à 2017.

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