Neuf poutres-échelles sur l'Olympia

LE CHANTIER L'îlot Edouard-VII, dans le IXe arrondissement de Paris. LE PROGRAMME Reconstruction sur 110 000 m2 autour du music-hall de l'Olympia, reconstruit à l'identique. LES SOLUTIONS Une salle structurellement indépendante, constituée de trois enveloppes Au-dessus : trois étages portés par neuf façades travaillant en poutre.

« Le métier est satisfait ! » Debout au centre de l'Olympia qui vient de rouvrir, Jean-Michel Boris, directeur du music-hall et neveu du fondateur Bruno Coquatrix, ne tarit pas d'éloges à l'endroit des concepteurs et constructeurs. Reconstruit à l'identique, l'Olympia restitue, selon les gens du spectacle, une acoustique proche de l'originelle. Ce chantier très médiatisé ne doit pourtant pas faire oublier que des travaux colossaux sont en cours autour de cet édifice. Si l'Olympia constituait un bâtiment à part entière à l'origine, la nouvelle version, plus enterrée de 6,50 m, se cantonne à la salle de spectacle seule, et se trouve enjambée par des superstructures en béton.

« Cette opération est d'une rare complexité, résume François Vialtel, directeur des grands projets de Sogeprom. La difficulté consistait non pas à établir le scénario du chantier, mais à trouver les moyens de "tourner un film" à partir d'une contrainte contractuelle : la fermeture de l'Olympia pendant seulement six mois. L'avancement n'est donc pas traditionnel, et le phasage conduit à une addition de techniques très variées. » Deux critères ont donc présidé au choix des méthodes : l'espace, puisque la nouvelle salle sortait de terre alors que l'existante fonctionnait encore ; le temps, puisque les fameux six mois étaient figés dans le calendrier.

« Nous nous trouvons maintenant dans la troisième phase, précise Jean-Michel Mousnier-Lompre, directeur du projet de Serete. Pendant seize mois, la démolition et les reprises en sous-oeuvre se sont opérées autour de l'ancienne salle. Au cours des six mois suivants, il y a eu juxtaposition de travaux de démolition et de reconstruction. Restent douze mois pour réaliser 95 % des surfaces ! » Trois caractéristiques techniques méritent d'être retenues : la reprise des façades (« Le Moniteur » du 23 août 1996, page 44), le traitement de la « bande » Caumartin (voir encadré) et l'érection des niveaux au-dessus de l'Olympia.

Une boîte dans une boîte

Pour obtenir une salle homogène, il a été décidé d'isoler le nouvel Olympia en construisant deux « enveloppes » : une boîte métallique terminée par un fond de scène en béton est posée sur des boîtes à ressort ; le tout est ensuite enfermé dans une boîte en béton. Ce principe des « poupées gigognes » vise à rendre l'acoustique identique à celle d'origine, mais avec des matériaux et des principes constructifs différents. La base du bâtiment est constituée d'un plénum, dont la hauteur varie de 1,50 à 2,20 m. Ce volume est couvert d'une dalle en béton qui se termine par la scène, et qui repose sur des potelets surmontés de boîtes à ressort.

« Une importante série de mesures ont été effectuées dans l'ancien Olympia, ainsi que des prélèvements de matériaux pour modéliser l'édifice, se souvient Jean-Michel Mousnier-Lompre. Le contrôle permanent des acousticiens a parfois entraîné des modifications en cours de travaux. » Exemple, côté scène : la reconstitution des murs doubles autour de la dalle d'orchestre. « Ils ont été coulés d'un coup, sur 12 m de haut, en respectant une distance de 5 à 8 cm entre eux, souligne François Vialtel. Le polystyrène utilisé pour garantir leur écartement a dû être détruit afin de recréer un vide dont les qualités isolantes sont meilleures. »

Côté spectateurs, la salle est constituée d'une structure métallique : neuf portiques de 20 m de large et 20 m de haut reposent sur des longrines en béton, elles-mêmes posées sur des boîtes à ressort mises en place le long des semelles latérales. Les poutres supérieures sont formées de treillis. Particularité, due aux délais : les corps d'état secondaires sont réalisés à l'avancement, de même que la galerie d'accès de 80 m de long ouvrant boulevard des Capucines, et la voie pour les camions en sous-sol.

Le premier couvercle comprend des bacs autoportants et une dalle de 12 cm d'épaisseur qui relient les portiques en acier sur la salle, et une dalle en béton de 25 cm d'épaisseur sur la scène. La deuxième enveloppe est obtenue avec des murs en béton reliés par une dalle, en créant un vide qui varie de 12 à 30 cm entre les deux couvercles. A l'intérieur, une troisième boîte est créée, non structurelle mais déterminante pour l'acoustique, avec des plaques de plâtre d'épaisseurs variables et du staff.

Aucun appui sur la salle de spectacle

Toujours pour des questions d'isolation, la superstructure enjambe l'Olympia, sans appui intermédiaire. Le principe consiste à réaliser des éléments de 20 m de portée qui s'appuient sur les voiles latéraux de la troisième enveloppe. Ces éléments devant supporter les charges des nouveaux planchers, il est convenu de les solliciter sur toute leur hauteur, soit trois étages (une douzaine de mètres) : cinq façades principales - transversales au music-hall - et quatre façades secondaires - longitudinales - forment des poutres-échelles. « Les façades travaillent comme d'énormes poutres percées par les fenêtres, précise Jean-Michel Mousnier-Lompre. Il s'agit donc d'un calcul de portique, coulé étage par étage. En effet, nous ne pouvions pas déposer à la grue une poutre préfabriquée, et ses dimensions (sa hauteur notamment) aurait été démesurée par rapport à l'édifice. »

Exception, au démarrage : le coffrage du premier talon de façade repose provisoirement sur le toit de l'Olympia. Cela est rendu possible grâce à un béton dont la résistance, obtenue dans des délais très courts, permet le retrait rapide de cet appui, qui ne doit pas porter plus de 400 kg/m2. Les poutres-échelles sont ensuite montées à la banche, et s'appuient progressivement à un bâtiment (R + 4) construit pendant les fameux six mois à l'emplacement de l'ancien Olympia. Une organisation serrée pour l'approvisionnement en béton (BRC), qui atteint 700 m3/j ! Les centrales du quai de Javel travaillent à la demande, en fonction de la circulation dans Paris.

FICHE TECHNIQUE

Maître d'ouvrage : Sogeprom (Société générale).

Architectes : agences Béchu et Urquijo-Macola-Valle.

BET : Serete Constructions.

Entreprises : GTM Construction, Petit, Delau. Intérieur de l'Olympia : DBS, Bredy, GTMH, Spie Trindel, AMG et Scenetec, Saga.

Contrôle : Socotec.

Coût : 1 milliard de francs.

PHOTOS + DESSIN : 1. et 2. Une fois la nouvelle salle construite, l'érection des étages supérieurs s'effectue au moyen de façades qui enjambent l'Olympia, sans le toucher. Ces voiles de 20 m de portée travaillent en poutres sur quatre niveaux.

3. Pendant la démolition-reconstruction, la rue Caumartin est tenue par des butons, dans une bande de 6 m de large.

Alors que les poutres-échelles s'élèvent au-dessus de l'Olympia, la salle est de nouveau ouverte au public. Le balcon a été construit à partir d'un PRS (profilé reconstitué soudé) transversal à la salle et d'une poutre en caisson qui travaille en torsion. Des poutrelles métalliques en porte-à-faux portent un plancher qui forme plénum à partir d'une poutre de rive non porteuse, qui dessine le nez de la mezzanine.

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