Nature et date d'achats sur mémoire ou facture pour l'appréciation du seuil de 300 000 F

JO du 15 mars 1999 ; débats Assemblée nationale

QUESTION ECRITE POUR LES CAS OU CETTE DATE N'EST PAS PERTINENTE, IL APPARTIENT A L'ORDONNATEUR DE FOURNIR AU COMPTABLE LES ELEMENTS LUI PERMETTANT DE CONSTATER QUE LES ACHATS RELEVENT D'EXERCICES DIFFERENTS ET PEUVENT FAIRE L'OBJET DE PAIEMENTS SANS QUE LA PRODUCTION D'UN MARCHE SOIT NECESSAIRE

Question. - Certains comptables de la direction de la comptabilité publique refusent de payer sur facture des prestations de nature homogène dont le montant mandaté au cours de la même année au profit du même fournisseur excède le seuil de passation des marchés (300 000 francs). Ils exigent, avant le paiement, la passation d'un marché de régularisation. Ils fondent leur position sur le paragraphe 405 de l'annexe du décret no 83-16 du 13 janvier 1983 modifié, qui dispose que le marché constitue la pièce justificative du paiement «des prestations autres que celles visées au 403 dont le montant excède lors du règlement le seuil de passation des marchés». Cette position peut paraître, a priori, fondée en droit si l'on dissocie totalement les dispositions du décret de 83 fixant la liste des pièces justificatives de paiements des collectivités locales de celles du Code des marchés publics (CMP) et de l'instruction du 10 novembre 1976 modifiée prise pour l'application du CMP. C'est ainsi que, isolé du contexte législatif et réglementaire, le paragraphe 405 du décret susvisé permettrait à une collectivité locale de commander pour 599 000 francs de prestations de voirie par exemple, sur l'exercice N, de les régler sur simple facture à hauteur de 299 500 francs sur l'exercice N et 299 500 francs sur l'exercice N + 1. A contrario, une collectivité locale, qui commande pour 200 000 francs de travaux de voirie sur l'exercice N, règle 50 000 francs sur cet exercice, reporte 150 000 F à son budget N + 1, auxquels s'ajoutent 200 000 francs de nouveaux travaux de voirie, devrait conclure un marché en N + 1 pour 350 000 francs dont 150 000 F concerneraient des prestations déjà commandées et exécutées. Ces situations, quelque peu ubuesques, ne devraient pas se rencontrer si l'on considère que le décret de 83 procède lui-même des dispositions du CMP et de son instruction d'application. Cette dernière stipule en effet expressément : «Le montant présumé (300 000 F) doit être apprécié dans le cadre d'une année civile pour les commandes passées par l'ensemble des services d'une même collectivité». «Si le montant des commandes passées par les services d'une même collectivité à un même fournisseur dépasse la limite fixée, la passation d'un marché s'impose, notamment pour permettre au comptable de payer des prestations supplémentaires.» Le seuil de 300 000 francs doit donc s'apprécier par collectivité, par fournisseur, pour des prestations homogènes pour le total des commandes passées et non pas pour le total des prestations payées. Récemment, le législateur lui-même a confirmé que c'est au stade de la commande que doit s'apprécier le seuil au-delà duquel doit obligatoirement être passé un marché (JO-débats du Sénat du 18 juillet 1996) : «Le rythme de l'engagement comptable est sans incidence sur le choix de la procédure du marché. Si les achats ne relèvent pas d'une même opération, il y a lieu de distinguer selon qu'ils portent ou non sur des prestations homogènes. Dans l'affirmative, il conviendra de totaliser tous les achats correspondant à des commandes engagées au cours de l'année pour les comparer au seuil de déclenchement des procédures formalisées. Le fait qu'elles soient payées qu'au cours de l'année suivante ne conduira naturellement pas à les prendre en compte pour l'appréciation du seuil, une deuxième fois, lors de leur paiement.» La contradiction entre appréciations, au stade de la commande pour l'ordonnateur et du règlement pour le comptable, n'est donc qu'apparente : le comptable doit vérifier, au stade du règlement, que le montant des prestations qu'il paie ne dépasse pas le seuil de passation des marchés, seuil apprécié selon les règles fixées par le CMP et son instruction d'application. M. Gérard Charasse serait reconnaissant à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de bien vouloir lui faire savoir quelles sont les règles que son administration doit suivre en la matière. (QE du 7 septembre 1998).

Réponse - Les dispositions des articles 75 et 272 du Code des marchés publics imposent à la personne publique de définir l'étendue et la nature des besoins qui font l'objet d'un marché, et de déterminer aussi exactement que possible les spécifications et la consistance des prestations susceptibles de répondre à ces besoins avant tout appel à la concurrence ou toute négociation. Il en résulte que le montant des prestations à comparer au seuil de 300 000 francs doit être évalué au stade de la commande et non au stade du règlement. En effet, c'est seulement la date de la commande qui peut être intégrée à l'acte de prévision de l'acheteur public et qui doit donc être prise en compte pour l'appréciation du seuil. C'est pourquoi, la nomenclature annexée au décret no 83-16 du 13 janvier 1983 modifié portant établissement de la liste des pièces justificatives des paiements des communes, des départements, des régions et des établissements publics locaux prévoit, s'agissant de la possibilité de procéder à des règlements relatifs à des achats dits «sur mémoires ou factures», que ce sont les commandes qu'il convient de prendre en considération. Parallèlement, cette même nomenclature indique qu'un marché public doit être produit au comptable pour les prestations «dont le montant excède, lors du règlement, le seuil de passation des marchés». En effet, le comptable public, à qui ne sont pas produits les bons de commande, n'est pas à même d'opérer systématiquement ses contrôles sur le seuil de passation des marchés publics à partir des dates des commandes. Il doit donc prendre comme référence la date de mandatement de la dépense, qui est toujours connue à la fois de l'ordonnateur et du comptable. Pour les cas spécifiques où cette date n'est pas pertinente, il appartient à l'ordonnateur de fournir au comptable les éléments lui permettant de constater que les achats en cause relèvent d'exercices différents et peuvent donc faire l'objet de paiements sans que la production d'un marché soit nécessaire. Enfin, il est signalé à l'auteur de la question que le décret susvisé du 13 janvier 1983 modifié, actuellement en cours de révision, sera clarifié sur ce point.

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