La détérioration des 18 tours Nuages, élevées à Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, par Emile Aillaud de 1973 à 1981 et habillées de mosaïques par Fabio Rieti, s'est accélérée ces dernières années. Les deux bailleurs - Hauts-de-Seine Habitat et l'Office municipal HLM de Nanterre - des 1 600 logements sociaux ont lancé, en mars 2017, un concours visant à améliorer leur performance thermique et réduire leur consommation énergétique, notamment grâce à une isolation extérieure entraînant une réinterprétation artistique des façades, et ce malgré le label Architecture contemporaine remarquable.
« Dans le cadre d'un chantier en milieu occupé, restaurer les parements très altérés, dont les mosaïques se décollent et qui comportent un peu d'amiante, serait très difficile. Notre projet d'enveloppe métallique permet d'épouser parfaitement les formes complexes des bâtiments avec légèreté et rapidité », explique Dominique Renaud, de l'agence lauréate RVA, déjà auteure de la réhabilitation du Serpentin d'Emile Aillaud à Pantin (Seine-Saint-Denis). Ce bardage en inox, avec un jeu de teintes et de textures, imaginé par le graphiste Pierre di Sciullo, devrait être mis en place sur 11 tours de logements sociaux. Les fenêtres en forme de cercles, de gouttes et de carrés seront changées et dotées d'ombrières mises au point avec Franck Boutté Consultants.
« Les tours ne seront plus du tout enharmonie avec les couleurs du parc et des nuages, elles ressembleront à celles de La Défense », regrette Bernard Toulier, conservateur général honoraire du patrimoine, membre de l'association Sites et Monuments qui se bat contre ce projet aux côtés de Docomomo France, laquelle milite pour la valorisation et la protection du patrimoine du XXe siècle.
Disparité esthétique. Parallèlement, un appel à manifestation d'intérêt a été mené pour apporter une mixité sociale et économique grâce à la privatisation d'un tiers des logements et à l'introduction de nouveaux usages. L'équipe formée par Altarea Cogedim/Histoire et Patrimoine, avec Jean Lamort (agence LAMT) et l'architecte du patrimoine Bertrand Monchecourt, a été retenue pour racheter et réhabiliter six tours préalablement libérées de leurs habitants. Une seule tour sera finalement démolie dans le cadre du programme de rénovation urbaine de l'Anru. « L'enjeu majeur est de décloisonner ce site à la confluence de plusieurs territoires : La Défense, Puteaux et le secteur du Croissant à Nanterre. Au lieu de regrouper nos interventions, nous avons choisi de les disposer en trois points et de retravailler l'angle de contact avec le parc André-Malraux et le traitement sur l'avenue Pablo-Picasso », raconte Jean Lamort.
Par ailleurs, l'étude patrimoniale conduite par Bertrand Monchecourt a révélé la possibilité d'une restitution des façades à l'identique, avec les mêmes carreaux de pâte de verre italiens, et prouvé sa faisabilité technique en menant un travail précis sur la tour la plus haute (100 m).
Construites avec des coffrages glissants, les tours seront entièrement vidées de leurs planchers, isolées par l'intérieur et reconfigurées pour abriter 260 logements en accession et 20 000 m d'activités, services et équipements.
« Il ne peut pas y avoir de patrimoine à deux vitesses. » Bernard Toulier, conservateur général honoraire du patrimoine.
Trois solutions. « La commission devra choisir entre trois solutions : faire les 17 tours avec la méthode de RVA ; restaurer comme à l'origine la tour la plus haute uniquement ; rénover 6 tours avec les mosaïques et 11 avec le métal », conclut Patrick Jarry, maire de Nanterre, qui a rencontré Franck Riester le 24 mai en vue d'une clarification de la position du ministère de la Culture. Des réunions de travail seront programmées pour préciser les techniques, délais, nuisances et coûts des différentes options. Une décision doit être prise avant la contractualisation avec l'Anru en septembre afin que RVA, en phase d'avant-projet sommaire, puisse enclencher le chantier d'une tour pilote cet automne. « Ces solutions sont incohérentes. L'unicité du site n'existera plus. Le ministère de la Culture n'aurait jamais dû laisser organiser deux concours avec des motivations différentes sur un même ensemble qu'il considère pourtant comme un exemple remarquable des Trente Glorieuses. Il ne peut pas y avoir de patrimoine à deux vitesses », déplore Bernard Toulier.
