Et la route devint intelligente

Si ce type d'infrastructure suscite l'engouement, son développement repose sur ses échanges avec le véhicule connecté.

 

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Une navette autonome EasyMile relie l’Oncopole de Toulouse (Haute-Garonne) au parking. Le véhicule roule six heures par jour sur un itinéraire bis de 1,2 km. A partir de juillet et jusqu’à début 2023, il empruntera le même itinéraire que la navette thermique actuelle.

Une route intelligente ? Pour David Zambon, directeur général adjoint du Cerema chargé des infrastructures de transport et des matériaux, c'est avant tout « une route qui favorise la mobilité intelligente ». Une mobilité sûre, fluide et peu émissive. « Cela passe par le dialogue entre les véhicules, les conducteurs et les infrastructures routières », explique Louahdi Khoudour, responsable de l'équipe de recherche sur les systèmes de transports intelligents au sein du centre de recherche. Si certains équipements, comme les caméras, les stations de comptage et les panneaux à messages variables existent depuis longtemps, ils franchissent aujourd'hui un nouveau pas. L'infrastructure envoie en effet au véhicule des renseignements concernant le trafic : bouchons, zones de travaux, dangers… tandis que ce dernier lui communique en permanence sa position et sa vitesse. Exit le centre de gestion du trafic, le fameux PC routier. Les véhicules sont devenus des capteurs, et celui qui détecte un obstacle le signale directement aux autres.

Le champ d'application actuel concerne essentiellement la gestion de la circulation. « L'étape d'après consistera à combiner les informations trafic et la gestion du patrimoine routier », indique Nicolas Hautière, à la tête du département Composants et systèmes de l'université Gustave-Eiffel (ex-Ifsttar), et responsable du programme Route de 5e génération (R5G). En associant les données récoltées par le véhicule d'un côté et par l'infrastructure de l'autre, son gestionnaire obtiendra une vision exhaustive de la façon dont celle-ci se dégrade. Une application encore difficile à mettre en œuvre, car elle demande d'instrumenter les infrastructures. Et parce que « la gestion du trafic et celle du réseau physique sont deux mondes qui commencent seulement à se parler », selon Nicolas Hautière.

« Oreille numérique ». Mais le secteur ne manque pas d'idées. Ainsi, les 17 lauréats de l'appel à projets national « Ponts connectés », doté de 8 M€, proposent des solutions de diagnostic mêlant capture de données et intelligence artificielle. Le spécialiste de la construction et réparation de structures Freyssinet veut ainsi mettre en œuvre une « oreille numérique » capable de reconnaître l'endommagement des joints de chaussée tandis que le bureau d'études Corrosia combine réseaux de neurones et réalité augmentée pour analyser l'état des ouvrages d'art métalliques. Fin 2021, les moyens alloués à la route intelligente par les pouvoirs publics ont bondi avec un nouvel appel à projets de 200 M€ consacré aux mobilités routières automatisées et aux infrastructures intelligentes. Ses résultats seront connus l'an prochain. Côté recherche, le Cerema et l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) se sont associés pour quatre ans afin « d'inventer la gestion patrimoniale des infrastructures routières de demain ».

En ligne de mire de ces travaux, l'avènement annoncé du véhicule autonome. « Quand on achète un véhicule classique, on ne se soucie pas de la route sur laquelle on va circuler, explique Louahdi Khoudour. L'autonome, au contraire, aura besoin d'une infrastructure avec laquelle il pourra communiquer. » Pour Nicolas Hautière, cela revient à confier le volant à la qualité des marquages : « Serons-nous capables de garantir en tout temps et toute situation la détectabilité des lignes blanches par le véhicule et non plus par le conducteur ? » Les chercheurs travaillent donc sur les technologies de perception de l'environnement. Pour répondre aux changements de luminosité, ils combinent vidéo et lidar, qui permet de calculer la distance d'un objet grâce à un faisceau laser, puis fusionnent les données. Une autre piste consiste à créer un jumeau numérique de l'infrastructure embarqué dans le véhicule. Mais, pour le moment, il est difficile d'envisager la mise en œuvre de véhicules autonomes en dehors de flottes circulant sur un itinéraire balisé, de type transports en commun en site propre. L'unité de Louahdi Khoudour teste actuellement l'utilisation de la navette EasyMile pour relier l'Oncopole de Toulouse (Haute-Garonne) à son parking. Les chercheurs examinent en outre le comportement des autres usagers, afin d'apprendre à la navette à reconnaître un panneau, faire la différence entre un piéton ou un lampadaire…

Et l'énergie ? Très médiatisé, le prototype de route solaire Wattway développé par Colas n'a pas convaincu. Eurovia a préféré explorer la production de chaleur par la route, restituée aux bâtiments voisins. Mais selon Nicolas Hautière, « l'application la plus utile aujourd'hui, c'est l'électrification des routes pour le transport de marchandises longue distance ». Si des expérimentations à grande échelle ont déjà lieu en Allemagne et en Suède, les industriels français attendent encore l'appel à projets qui les aidera à avancer dans ce domaine.

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