Les études se suivent et les résultats sont les mêmes : le changement climatique impacte tout le monde. Les épisodes de chaleur extrême vont se faire plus intenses, plus fréquents et durer plus longtemps. Et une augmentation de la température moyenne de l’Hexagone de 4 °C à l’horizon 2100, va rendre certains logements inhabitables, en particulier dans les villes.
La qualité de l’air et les consommations d’énergie des bâtiments pourraient également être impactées. Pour mesurer précisément ces impacts l’Ademe avec la société Octopus Lab, en collaboration avec l’université de Strasbourg, Nobatek/inef4 et Engie Lab ont mené le projet AMBReS, acronyme d’Approche multicritère pour un bâtiment résilient et sain.
Environnement urbain dense
Leur postulat : les études actuelles sur les bâtiments négligent souvent les interactions complexes, basant leurs analyses sur des données météorologiques non représentatives de l’environnement urbain dense.
Leur objectif était donc de mesurer l’impact du climat urbain et du changement climatique sur les bâtiments afin d’orienter les choix de conception et de rénovation. Il s’agit de concilier simultanément le confort thermique, la qualité de l’air intérieur et les performances énergétiques.
Températures plus élevées : situations aggravées
Les simulations numériques du projet AMBReS ont mis en lumière plusieurs constats majeurs. En premier lieu, l’environnement urbain accentue les risques. En effet, les effets combinés du changement climatique et de l’ilot de chaleur urbain aggravent la situation avec des températures extérieures plus élevées, moins de vent, et un moindre renouvellement d’air (surtout dans les bâtiments anciens sans VMC). La surchauffe intérieure devient alors plus fréquente et plus intense.
En outre, les logements construits avant les années 1980, qui représentent les deux tiers du parc résidentiel individuel sont particulièrement vulnérables. La conclusion est, là aussi, que leur rénovation doit être prioritaire afin de renforcer leur résilience.
La ventilation comme levier stratégique
La ventilation apparait donc comme un levier stratégique. L’isolation par le sol, par exemple, peut aggraver l’inconfort en été, même si elle favorise les économies d’énergie en hiver. La performance globale d’un bâtiment rénové passe aussi par une bonne stratégie de ventilation, notamment mécanique.
Par ailleurs, les simulations indiquent que l’effet direct du changement climatique sur la qualité de l’air est moins significatif que les incertitudes liées aux émissions des matériaux eux-mêmes.
Trois moteurs de calcul et huit typologies de bâtiment
Pour parvenir à ces résultats, les experts ont modélisé le climat futur dans une approche couplée bâtiment/climat et des modélisations multi-échelles. Pour les climats futurs, les partenaires ont utilisé des modèles capables de simuler des phénomènes atmosphériques sur plusieurs dizaines de kilomètres, en intégrant les effets des micro-climats urbains. La ville de Strasbourg, pour laquelle de nombreuses données étaient déjà disponible, a été modélisée. Ces travaux ont mis en évidence une température de l’air pouvant être 10 °C supérieure sous l’effet du changement climatique et de l’effet d’ICU.
Trois moteurs de calcul ont également été mis en œuvre : Inca-Indoor d’Octopus Lab, Contam pour l’aéraulique et Energy Plus pour les simulations thermiques dynamiques.
Enfin, huit typologies de logements individuels ont été prises en compte : maison de bourg mitoyenne construite avant 1915. Elles se caractérisent par des volumes équivalents, un ou plusieurs étages et la présence de matériaux bio ou géosourcés. Les maisons périurbaines indépendantes datent de différentes périodes (1946-68, 1969-74, 1975-81) avec souvent des combles aménagés et un garage. Enfin, les pavillons individuels se situent majoritairement dans des lotissements et sont vendus suivant des plans standardisés. Ils sont construits suivant les préconisations de différentes réglementations thermiques.
Un outil opérationnel pour tester l'efficacité des conceptions
Présenté lors du colloque Primequal de l’Ademe, le projet AMBReS a permis de développer une méthode pour permettre aux bureaux d’études, collectivités et maitres d’ouvrage de disposer d’un outil opérationnel pour tester l’efficacité des solutions de conception ou de rénovation, dans un contexte futur réaliste.
Par ailleurs, le modèle urbain développé pour Strasbourg est adaptable à d’autres territoires via un système de proxy climatique, capable d’ajuster les données météo à la réalité urbaine locale. Enfin, la méthodologie sera également pertinente pour le parc tertiaire, qui représente 40 % de la consommation énergétique nationale.