« La question à 2000 milliards de dollars », c’est le titre du rapport dévoilé mercredi 11 juin par la start-up française Callendar, qui propose des outils d’évaluation des risques climatiques. C’est surtout ce que pourraient coûter les effets du changement climatique en dommages infligés aux infrastructures mondiales lors de la prochaine décennie. A elle seule, l’Europe subirait des pertes équivalant à 340 milliards de dollars (295 milliards d’euros) et la France, « le plus exposé de tous les pays européens et cinquième au niveau mondial », un préjudice de 66 mds$ (57 mds€), « principalement dû aux dommages subis par les réseaux de transport et le secteur de l’électricité ».
Données dépassées
Les maîtres d’ouvrage et les ingénieristes intègrent déjà le risque climatique dans la conception de leurs projets d’infrastructures mais, estime Callendar, « ils le font souvent en utilisant des données dépassées ». Ainsi, « dans de nombreuses villes, les ingénieurs conçoivent encore les réseaux d’assainissement et les collecteurs d’eaux pluviales en fonction du climat du passé, en utilisant des tableaux de pluviométrie qui n’ont pas été mis à jour depuis des décennies », souligne l’entreprise. Avec une telle approche, les nouvelles infrastructures s’avèrent parfois insuffisamment efficaces dès leur mise en service. Logique : « elles sont construites selon des normes qui ne correspondent plus aux conditions observées aujourd'hui, et encore moins à celles de demain », assène le rapport.
Décalage systémique
L’Organisation météorologique mondiale elle-même établit ses normales climatologiques sur des périodes de 30 ans, la plus récente courant de 1991 à 2020. Inadapté, selon la start-up. « S’appuyer sur des données climatiques observées, au mieux centrées sur les années 2000, pour éclairer les décisions concernant des actifs qui doivent fonctionner dans les années 2060, 2070 ou au-delà, crée un décalage systémique entre les hypothèses liées aux conditions météorologiques et les réalités du projet ». Et selon Callendar, les normes officielles de type Eurocodes n’échappent pas à cette inadaptation.
94 000 mds$ d’investissements
La bonne nouvelle, c’est que le problème ne réside pas dans un manque d’outils ou d’expertise et ne nécessite pas de réinventer l’ingénierie. Il s’agit plutôt « d’intégrer aux flux de travail existants » des projections climatiques « plus précises, plus orientées vers l’avenir et plus conformes aux réalités du climat actuel et futur », souligne le rapport. L’autre bonne nouvelle, c’est qu’une occasion exceptionnelle de réaliser ces travaux à moindre coût se présente car une grande part des infrastructures mondiales ont dépassé la durée de vie pour laquelle elles ont été conçues et doivent être rénovées ou remplacées rapidement. Une nécessité évaluée par le G20 à 94 000 milliards de dollars d’ici 2040.
Une occasion à ne pas rater
Pour Callendar, c’est une opportunité unique. Car si l’adaptation d’infrastructures existantes est complexe, coûteuse ou parfois tout bonnement impossible, leur conférer de la résilience à l’occasion d’une réhabilitation ou d’un remplacement « peut se faire à un coût supplémentaire marginal, voire nul », estime la start-up qui y voit même des bénéfices potentiels. Selon une étude de 2025, « chaque dollar dépensé pour l'adaptation peut rapporter environ 10,50 dollars en bénéfices totaux sur dix ans », dont plus de la moitié « proviennent des retombées économiques, sanitaires et sociales d’une meilleure infrastructure, même en l’absence de toute catastrophe ». Les chantiers d’infrastructures à venir constituent donc une occasion à ne pas rater. A condition de s’appuyer non sur les données du passé mais sur des projections vers l’avenir.