Arrivé devant un vaste espace herbager presque aussi lisse qu’un stade de football, protégé par une haute clôture, le président de l’Anah, Thierry Repentin, a du mal à imaginer que cinq mois plus tôt, les engins de chantier s’activaient pour démolir et évacuer, au sein de la copropriété Robespierre, la barre Sorano de 10 étages et 140 logements parfois qualifiée « d’immeuble de la honte ».

L’immeuble Sorano, véritable plaie dans le quartier du Château-Blanc, a laissé place à un espace herbager dont la nouvelle destination reste à définir. © Marc Braun
La démolition de cette barre, dégradée, mêlant habitat public et privé, occupée ça et là par des squatteurs, vivant au gré des charges payées ou non par des marchands de sommeil, marque le début de la fin d’une époque - celle de ces barres d’immeuble (elles sont cinq au total) construites dans les années 1960-1970 - et une renaissance du quartier Château-Blanc sous l’égide de l’Etat via l’Anah et le plan national Initiative Copropriétés.
Le bout du tunnel
Accompagné de Nicolas Mayer-Rossignol, président de la Métropole, et de Joachim Moyse, maire de Saint-Etienne-du-Rouvray et vice-président de la Métropole en charge du Logement, de l’Habitat et de la Politique de la Ville, Thierry Repentin se retourne et contourne les quatre autres immeubles de la copropriété Robespierre concernés par une démolition intégrale (166 logements).
« Le projet avance bien. Les habitants voient le bout du tunnel et nous nous occupons de leur relogement, selon qu’ils veulent rester à Saint-Etienne-du-Rouvray ou aller ailleurs dans la Métropole », souffle le maire de la commune.
Nicolas Mayer Rossignol apprécie lui aussi l’avancée du projet : « Il y a des bailleurs sociaux, des logements privés aussi, qui peuvent être dégradés. On a vu des choses indignes ici. C’est difficile d’agir quand on est sur des propriétés privées. Donc, cette initiative nationale sur les copropriétés donne un cadre précis. Mais ça prend du temps, il faut constater une carence, passer au tribunal. Pendant ce temps, les citoyens peuvent avoir l’impression que rien n’avance. Mais le Château-Blanc se transforme et nous avons aussi des projets sur les Hauts-de Rouen, à Elbeuf, Canteleu, etc. »
Au Château-Blanc, la première phase du plan Initiative Copropriétés permet donc le recyclage de la barre Sorano de la copropriété Robespierre avec la contribution financière de l’Anru, de la région, du département, de la Ville et de la Métropole.

Vue aérienne du quartier du Château-Blanc. © Marc Braun
166 logements en carence
Le reste de la copropriété Robespierre, déclaré en carence par le tribunal en mars 2021, sera ensuite démoli, dans le cadre d’une concession confiée par la métropole à CDC Habitat Action Copropriétés. A ce jour, une vingtaine d’acquisitions amiables est en cours. En 2021, l’Anah a financé le déficit de l’opération de carence des 166 logements restants pour un montant de près de 16 millions d’euros.

Thierry Repentin, président de l’Anah, en compagnie de Joachim Moyse, maire de Saint-Etienne-du-Rouvray, devant une vue aérienne du quartier du Château-Blanc en pleine recomposition. © Marc Braun
Pour les sept autres copropriétés du quartier (501 logements) dont les difficultés paraissent remédiables, une opération programmée d’amélioration de l’habitat copropriétés dégradés (Opah CD) a été lancée sur cinq ans. Elle permettra d’accompagner les copropriétaires dans la réalisation de leur travaux et dans la gestion des copropriétés.
Une des premières Orcod
Afin de coordonner et de piloter l’ensemble de ces actions sur les copropriétés, sera mise en place une opération de requalification des copropriétés dégradées (Orcod). Il s’agit d’une des premières en France.
Elle sera pilotée par la Métropole en lien avec la Ville, ce qui permettra notamment de disposer du financement pour les actions de Gestion urbaine de proximité (GUP). La signature de l’Orcod doit intervenir au premier trimestre 2022. Elle vise la réhabilitation des huit copropriétés du quartier, soit 800 logements. La ville mobilise les financements de l’Anah pour la gestion urbaine de proximité, afin d’accompagner les copropriétaires dans la revalorisation et la transformation du quartier.
« Clichy, Montfermeil, Saint-Etienne-du-Rouvray etc., l’Etat travaille profondément sur la restructuration des quartiers, avec l’idée notamment d’un retour de l’emploi des jeunes. Mais il manquait ce volet des copropriétés qui faisait tâche », appuie Thierry Repentin, heureux de pouvoir désormais compter sur le plan Initiative Copropriétés pour résoudre l’épineuse problématique.
« Déjà 500 millions d’euros investis sur les deux milliards prévus »
Depuis 2018, via ce plan qui court jusqu’à 2028, l’Anah a déjà investi 500 millions d’euros sur les deux milliards prévus. Pour le président de l’Anah, le plus difficile, comme ici, est d’intervenir en milieu occupé : « Vous voyez des gens aux fenêtres... Ces gens, il faut les reloger. Ici, on fait table rase, on acquiert massivement en partenariat avec CDC Habitat et des bailleurs. Ici, je suis ravi du partenariat entre des acteurs locaux, des élus et l’Etat, relayé par les services de la Dreal, bras armés de l’Anah. Nous avons, ensemble, de quoi trouver des solutions à ces quartiers que je qualifierais de « zones d’ombre ». Et chacun est un cas particulier ».