Après sept ans de réflexion, d'inventaires et d'échanges, les 7 ha de la friche du Château à Bousbecque (Nord) connaissent depuis avril une activité nouvelle. La déconstruction minutieuse des neuf hangars présents (28 000 m² SP) , dont six (23 500 m² SP) possèdent une structure métallique, a en effet débuté. Pour ces six halles industrielles, le processus va jusqu'à les désassembler totalement, avec numérotation et confortement des éléments en vue de leur réutilisation sur d'autres sites. « Avec 600 t d'acier, c'est la plus grande opération de réemploi de structure de bâtiments en France », estime Simon Desrumaux, directeur général de Métamo. L'entreprise toulousaine spécialisée dans le reconditionnement et la réutilisation d'éléments métalliques a commencé le démontage façon Meccano le 10 juin, après que l'entreprise Demosten en a assuré le curage complet.
Des structures en excellent état. Si ce soin particulier, impliquant l'usage d'une minicentrale de tri et l'identification précise de toutes les pièces, renchérit de 17 % le coût de la déconstruction, il permet de maximiser le réemploi des matériaux. Trois hangars (14 000 m² SP) vont ainsi être réutilisés tels quels, ou presque. « Les structures sont prévues pour tenir deux cents ans minimum. Or certaines n'ont que vingt à vingt-cinq ans. Nous garantissons leur traçabilité et leurs performances après démontage, ce qui permet ensuite de les réutiliser comme si elles étaient neuves », souligne le dirigeant. « Très bien gérés par l'établissement public foncier (EPF) des Hauts-de-France, les bâtiments étaient en excellent état malgré l'arrêt de l'activité en 2009 », résume Marie Blanckaert, gérante de l'agence d'architecture et d'urbanisme Blau à l'origine de ce réemploi ambitieux suite à une étude menée avec Slap, Magéo et Alphaville en vue de transformer le site en logements.

Si cette étude montrait que conserver le bâti était incompatible avec l'arrivée des 200 logements souhaités par la Ville, elle mettait en lumière l'énorme quantité de matériaux réutilisables : 15 000 m² de bardage métallique, 400 hublots de toit, 3 500 m de poutres acier, 7 000 m³ de béton, 180 m³ de briques, mais aussi un millier de luminaires, des cloisons légères, des cabines de vestiaires, des tuiles, des charpentes, des portes coupe-feu… « Les trois hangars datant des années 2000 semblaient aisément déplaçables sur un autre site. Mais il fallait en vérifier la faisabilité technique et financière », souligne Marie Blanckaert.

L'EPF lance alors une mission de maîtrise d'œuvre démontage et déconstruction remportée en 2021 par Valétudes, DEC2 et EACM (voir frise). Blau, AMO économie circulaire, part à la recherche de potentiels clients. Et la prospection finit par payer ! Les 11 000 m² SP de deux hangars rejoindront Saint-Maximin (Oise) pour construire l'usine NeoCem de liant bas carbone pour ciment à base d'argile recyclée. « Un simple remontage ne suffira cependant pas car le process impose une plus grande hauteur. Les bâtiments seront donc rehaussés de 3 à 5 m grâce à 80 t de métal neuf. Malgré cela, le réemploi de 1950 m² de bardage métallique, 5 000 m² de toiture, 80 t de charpente et 150 m de clôture se fera à isocoût », se félicite Marie Blanckaert, également membre de l'équipe de maîtrise d'œuvre de cette usine avec le BET Maning.

Salle polyvalente. La structure du troisième hangar récent servira, elle aussi à isocoût, à la construction d'une salle polyvalente de 716 m² SP sur le lot 6 du Quadrilatère des piscines à Tourcoing (Nord). « Il faudra cependant l'élargir de 1 m avec du métal neuf », note la gérante de Blau, membre, là aussi, de l'équipe de maîtrise d'œuvre avec Madec et les BET Verdi, Impact et Néo Eco. « Pour favoriser le réemploi, les maîtres d'ouvrage doivent inciter et accompagner la maîtrise d'œuvre, sans toutefois la diriger vers des solutions précises. Avec des architectes et des bureaux d'études compétents et convaincus, on surmonte les obstacles qui vont de l'assurabilité à la logistique », souligne Jean-Luc Blazy, directeur du Pôle construction de la SEM Ville Renouvelée, maître d'ouvrage du programme à Tourcoing. Selon Simon Desrumaux, les trois hangars restants pourraient eux aussi connaître une nouvelle vie. « Nous cherchons des charpentiers intéressés par le réemploi des structures », lance-t-il.
Dates
- 2009 Fin des activités industrielles laissant 28 000 m2 SP de hangars en friche
- 2016 Rachat des 7 ha du site par l'établissement public foncier (EPF) des Hauts-de-France
- 2018 -2019 Etude pré-opérationnelle d'aménagement pour réaliser 200 logements. Portée par la métropole lilloise et la Ville de Bousbecque, elle est réalisée par Blau, Slap, Magéo et Alphaville
- 2021 -2024 Mission de maîtrise d'œuvre de démontage et de déconstruction portée par l'EPF et réalisée par Valétudes, DEC2 et EACM.
L'agence Blau assure l'assistance à maîtrise d'ouvrage pour l'économie circulaire
- 2024 Déconstruction soignée et traçabilité des halles industrielles
Quid des autres matériaux ?
Les structures en métal ne seront pas les seules à être réemployées. Sur site, cinq anciens portiques en béton deviendront des bancs monumentaux, tandis que 2 300 m³ du même matériau seront concassés pour réaliser les voiries. Hors site, environ 3 000 tuiles rejoindront la toiture de l'incubateur Blanchemaille à Roubaix (Nord), et 10 plaques de roulage intégreront le parc Mosaïc à Houplin-Ancoisne (Nord). « Le reconditionnement des câbles électriques et la réutilisation de la structure en bois lamellé-collé pour un bâtiment équestre sont aussi à l'ordre du jour. Environ 200 m de tuyaux serviront au Festival des cabanes à Lille et la récupération de matériaux dans le cadre du “1 % design” est à l'étude. En revanche, nous avons dû abandonner certaines pistes comme le réemploi des portes sectionnelles et des systèmes de désenfumage, pourtant en très bon état, mais qui n'ont pas intéressé les industriels », regrette Marie Blanckaert, de l'agence Blau.