C'est désormais acquis : avec la future loi sur la transition énergétique, le secteur du Bâtiment vit une époque charnière. Si beaucoup d’imprécisions demeurent sur cette loi, en revanche l’éco-conditionnalité (quel que soit le financement en jeu Eco-PTZ, CIDD, CEE, aides locales…) semble inscrite dans l’Histoire. Comme le résume Jean-Pascal Chirat, vice-président de la Fnas : « On peut toujours attendre d’avoir tous les détails… ou s’engager avec force, comme certains l’ont déjà fait. L’enjeu est quand même un marché de la rénovation énergétique de 14 milliards d’euros actuellement, et qui doit progresser vers les 17 milliards d’euros dès 2015. » Grâce à deux éléments essentiels - la capillarité de son implantation sur le terrain et son rôle historique d’intermédiation auprès des entreprises du bâtiment - la distribution professionnelle a des atouts majeurs sur ce dossier. Elle doit ajouter à ces deux éléments, la définition de stratégies d’accompagnement de ses clients vers l’éco-conditionnalité. Et celles-ci démarrent par la formation des équipes. « Pour que nos équipes puissent répondre à toutes les questions des professionnels, comme des particuliers d’ailleurs, nous mettons en place au moins un référent sur tous les sujets de la rénovation énergétique dans chacune de nos soixante-dix agences », explique Philippe Dubarry, responsable marketing d’Accueil Négoce. Un travail que de nombreux négociants ont entrepris dans la continuité des évolutions de ces dernières années. « Depuis 2007, nous avons compris qu’il fallait anticiper l’évolution du segment, note Jérôme Thfoin, directeur marketing et innovation du groupe Samse. Entre réglementation et nouveaux modes constructifs, puis CEE et maintenant RGE, la distribution est comme un interprète de la nouvelle organisation de la filière auprès des artisans. Aussi investissons-nous depuis des années sur la formation de nos collaborateurs sur ces sujets qui évoluent sans cesse. »
Cette étape actée, les moyens mis en œuvre par les négoces pour sensibiliser leurs clients sont massifs : road shows, numéros de téléphone spéciaux mis à disposition des professionnels, sessions d’information à répétition, utilisation des programmes CEE pour identifier les clients déjà qualifiés ou non, etc. Pour les négociants, la cible artisans et petites entreprises est en ligne de mire car, potentiellement, c’est le visage même de leur portefeuille de clientèle qui peut être radicalement modifié si ces populations ne viennent pas vite au RGE. « Pas question de laisser des clients de côté », assure Denis Philippe, directeur général de Sisca. « Pas question de stigmatiser une partie de notre clientèle », renchérit Jérôme Thfoin. Après l’information, la deuxième étape obligée est la formation. Celle-ci sort du champ réservé des organisations professionnelles pour s’inviter dans la distribution.
Bien choisir son partenaire de formation
En effet, afin d’accroître le passage à l’acte entre information et entrée dans le processus de qualification de leurs clients, les négoces développent des offres de mise en relation avec les organismes de formation. La clé du succès réside alors dans le choix du partenaire : « Ce qui est déterminant pour amener un artisan à la formation est la durée de celle-ci - qui doit être la plus courte possible - et la proximité du lieu de formation », résume Philippe Dubarry. D’où le choix de partenaires pédagogiques locaux - quitte à aider à leur création comme dans le cas de Sisca - et l’organisation de sessions dans les agences, comme BigMat et la création de ces « centres de formation » chez certains adhérents. Avec des contraintes : « Nous avons fait le choix de la qualité, plus que de la quantité, assure Jérôme Thfoin. Nous travaillons avec des partenaires du terrain, que nous connaissons, dans des espaces suffisamment grands, bien équipés, avec la documentation nécessaire, en soignant la qualité de l’accueil. Et j’organise des enquêtes de satisfaction systématiques, car il est fondamental que ces formations soient positives si on veut que l’artisan aille ensuite plus loin, jusqu’à la qualification RGE. » De fait, certains négociants ont déjà franchi le pas et proposent (comme les enseignes du groupe Point. P) des mandats de services pour accompagner les artisans dans la constitution de leurs dossiers de qualification. Une étape à franchir dans un esprit de services. « Il s’agit de proposer une boîte à outils de services », résume Richard Chery, président de la FGME. Une étape qui amène la distribution à s’interroger sur une distinction RGE Négoce. La plupart des négociants y sont favorables. La filière sanitaire-chauffage notamment, qui dispose déjà de la certification Eco-Efficacité Energétique Services Pro. Mais le négoce multispécialiste n’est pas en reste qui, par la voix de Jacques Pestre, prône une meilleure visibilité de la place du négoce sur le sujet, « trop absent dans le discours général sur le RGE ». Quelle que soit la démarche, « ce travail ne peut se faire qu’en concertation avec les fédérations du négoce, souligne Jérôme Thfoin. Et je pense que nous serons nombreux à être au niveau car le secteur est vraiment très engagé sur ce sujet ! ».