«Je ne sais pas combien je paierai ma poutrelle dans trois jours. » Franck Perraud, métallier dans l’Ain, président de Perraud et Associés, exagère à peine. Il illustre bien le désarroi des métalliers face à la hausse des matières premières et notamment de celle de l’acier. Alors que les prix avaient plutôt stagné en 2007, ils sont repartis spectaculairement à la hausse. Entre janvier et mars 2008, le prix des profilés en acier a augmenté de 13 %, celui des poutrelles de 8,7 % et celui des plats laminés à chaud de 8,2 %. Et la tendance haussière est identique pour les accessoires de la métallerie et les produits verriers…
« C’est le gros nuage dans le paysage de la profession, regrette Michel Verrando, président de l’Union des métalliers à la FFB. Car la conjoncture reste bien orientée, avec de nombreux travaux de mise en conformité des bâtiments sur le plan de la sécurité, de l’accessibilité ou de la réglementation thermique. » Depuis une dizaine d’années, les métalliers connaissent un taux de croissance annuelle de leur activité de près de 3 %. Cependant, comme le constate Alain Carré, directeur général éponyme du groupe, « dans certains départements, la situation se tend et les prix baissent. »
Les métalliers tentent de répercuter la hausse des matières premières dans le prix de vente final. En marchés publics, échaudés par la première hausse violente de l’acier en 2004, ils ont pris l’habitude de négocier des prix révisables. Mais en marchés privés, les prix restent souvent fermes. Or, pour certaines activités comme la charpente métallique, la matière première peut représenter jusqu’à 45 % du prix de vente. « Dans la majorité des cas, impossible de bloquer les prix plus d’un mois », constate Alain Carré.
Les entrepreneurs sont donc contraints de jouer sur les délais de paiement, sur les acomptes client et sur la gestion des stocks. Un suivi des prix des matériaux au jour le jour, qui contraint à gérer sa trésorerie comme un portefeuille d’actions en Bourse. « La gestion des stocks n’est pas la solution miracle, relativise Franck Perraud. Sur les affaires complexes, on ne peut s’approvisionner avant de terminer les études. Rien n’est possible avant d’avoir calculé les sections et optimisé les taux de chute. »
Délocaliser n’a plus la cote
De manière plus générale, le réflexe de stockage ajoute aux tensions du marché. « Davantage que la hausse des prix, je crains la pénurie, martèle Georges Chambe, P-DG de Amse SA. Maintenant que l’acier a séduit les donneurs d’ordres et qu’il a fait ses preuves techniquement, notamment grâce aux progrès dans les traitements de surface, il serait dommage que la disponibilité du matériau nuise à sa compétitivité. »
Face à la hausse des matières premières, les entreprises de métallerie recherchent des gains de productivité. Car l’activité est une des rares dans le bâtiment à intégrer la conception, la fabrication en atelier et la mise en œuvre. « Alors que d’autres métiers du bâtiment doivent faire face à la concurrence industrielle et au risque de la déqualification, la métallerie est portée par une montée en puissance de la matière grise associée à des technologies nouvelles, explique Michel Verrando. Nos outils de conception et de fabrication ne cessent de se perfectionner, et la nécessité de trouver des pistes de gain de productivité nous oblige à repenser notre production. » La tentation de délocaliser une partie de la production vers l’Europe de l’Est a fait long feu. La hausse des salaires dans les pays concernés rend cette stratégie inopérante.
De nouveaux marchés
Michel Verrando exhorte plutôt ses collègues à s’emparer des nouveaux marchés liés à l’accessibilité, la sécurité, la réglementation thermique sur fond de Grenelle de l’environnement. Des entrepreneurs comme Georges Chambe, dans le Rhône, l’ont bien compris, eux qui travaillent activement à l’intégration de panneaux solaires photovoltaïques dans les verrières et les façades rideaux. « Si la métallerie ne prend pas les choses en main, si nous laissons penser que nous ne sommes pas en mesure de répondre à la demande du marché, alors il ne faudra pas s’étonner que les acteurs industriels viennent capter une partie de notre valeur ajoutée », prévient Michel Verrando.
Les métalliers veulent exister dans le paysage de la construction française. Mais ils peinent à le faire, faute d’image. Car une question se pose, qu’est-ce que la métallerie : de la serrurerie, de la charpente métallique, de la menuiserie métallique, de la ferronnerie d’art ? « Ce sont toutes ces activités à la fois, répond Michel Verrando. La métallerie représente la diversité des métiers du métal. » Une diversité difficile à appréhender de l’extérieur, parfois même contre-productive lorsqu’il s’agit de motiver de nouvelles recrues…, l’autre grand chantier de la profession.
