Automne 1995. Marseille est engluée dans la crise. Le port - qui fut le second d'Europe - tourne au ralenti, l'industrie locale s'est vidée de 20 000 emplois depuis les années 70, le marché immobilier stagne à son plus bas niveau et les tensions sociales minent la plupart des quartiers. C'est dans ce contexte peu engageant que l'Etat et la municipalité signent l'acte de naissance d'Euro- méditerranée. Le concept a été ébauché dés 1989 par un rapport de la Datar. Précisé trois ans plus tard par une étude de faisabilité, ce travail débouchera sur une mission de préfiguration confiée à l'ingénieur général des Pons-et-Chaussées Jean-Pierre Weiss. Le 13 octobre 1995, l'Etat confère à Euroméditer- ranée son statut d'opération d'intérêt national, et Renaud Muselier, premier adjoint au maire, en devient le président. Le lancement d'un tel programme sur une partie stratégique du territoire marseillais constitue la dernière chance de redressement pour la cité phocéenne. En mobilisant sur un périmètre de 310 hectares d'importants crédits (259 millions d'euros pour la période 1996-2001, plus une rallonge budgétaire de 77,9 millions décidée en 1999) l'Etat veut enclencher une nouvelle dynamique économique et urbaine. Objectif : faire de la seconde ville fran-çaise une véritable métropole rayonnant sur l'Europe du Sud et le monde méditerranéen. Sceptiques, les Marseillais ne mesurent pas d'emblée l'impact de la décision gouvernementale. D'abord, parce que la mécanique administrative est longue à se mettre en place, mais surtout, parce que, dans un premier temps, l'établissement public chargé de piloter le projet, semble essentiellement considérer cette opération comme un vaste programme immobilier. Conscient du dérapage, l'Etat remet brutalement les pendules à l'heure en 1998. Un nouveau directeur général est appelé à la barre avec la mission de renforcer la dimension économique, sociale, et culturelle d'Euroméditerranée. En quelques mois, Jean- Michel Guénod remettra à plat le contenu de chaque projet, s'appliquant à mettre en cohérence les multiples actions prévues sur le site. Cet ancien responsable de la SCIC incitera d'ailleurs l'établissement public à se comporter désormais en véritable « ensemblier urbain » et définira Euroméditerranée comme un « accélérateur de métropole ».
Dès lors, les objectifs fixés par l'Etat (20 000 emplois nouveaux créés d'ici à 2010, 600 000 m2 de bureaux mis sur le marché, retour de la population au coeur de la ville...) paraissent à portée de main. « La recomposition urbaine produit ses premiers effets, souligne Jean-Michel Guénod. Depuis 1995, 3 000 emplois ont été créés sur Euroméditerranée. L'arrivée des premiers cols blancs a été aussitôt suivie de l'apparition d'emplois moins qualifiés, notamment dans le secteur des services. Cette logique va s'amplifier dans les prochaines années ».
Cette montée en puissance s'annonce d'autant plus tangible que les années 2002-2004 seront celles des grands chantiers. Construction d'infrastructures routières, rénovation de la rue de la République, arrivée du tramway, remodelage de l'espace portuaire, réalisation de grands équipements publics, lancement de programmes de bureaux et de logements, dévoiement du terminal de l'autoroute A 7... autant dire que toute la trame urbaine entre le centre-ville et la mer sera transformée. « Ce qui ne signifie pas que nous inventons de nouveaux quartiers, précise Dominique Cervetti, directrice de la stratégie urbaine au sein de l'établissement public. Notre projet est de retravailler l'espace à partir de son épaisseur historique, de refaire la ville sur la ville, de créer des passerelles entre le passé de Marseille et son avenir ».
Si la greffe semble prendre, c'est d'abord parce que l'Etat, avec le soutien des collectivités territoriales, a joué un rôle de catalyseur. « Sans la forte implication de la puissance publique, rien n'aurait été possible, affirme Renaud Muselier. C'est elle qui a créé les conditions économiques favorables à l'émergence d'un marché privé sur un territoire agonisant. Aujourd'hui, lorsque le public investit un euro sur Euroméditerranée, cela entraîne mécaniquement une mise de trois euros par le secteur privé ».
DESSIN :
Aménagement futur de l'esplanade de la Major. concours remporté par Bruno Fortier, architecte mandataire.
PHOTOS :
- Vue aérienne du port et du périmètre d'Euroméditerranée. a l'entrée du vieux port, le môle J4 libéré de ses hangars recevra le Musée des civilisations méditerranéennes.
- La ZAC Saint-Charles/ Porte d'Aix
Cette opération vise à créer de nouvelles liaisons entre la gare, la faculté et la ville. Elle a été définie par une étude de Bruno Fortier. La ZAC, qui recouvre une quinzaine d'hectares, doit accueillir à terme 60 000 m2 de logements (dont la moitié de logements sociaux) 42 000 m2 de bureaux, 15 000 m2 de commerces et des équipements publics. Pour réussir ces implantations dans un tissu urbain aujourd'hui très déqualifié et déchiré par l'autoroute A7, Euroméditerranée va entreprendre de repousser le terminal autoroutier (à gauche sur la photo). La suppression de 800 mètres d'autoroute permettra de requalifier 180 000 m2 et de raccrocher ce quartier paupérisé au centre-ville. C'est en mai que sera désigné le maître d'oeuvre de cette opération pour laquelle 13 millions d'euros seront investis.
- Le boulevard de Dunkerque
Le réaménagement de cet axe stratégique (en haut, à droite, sur la photo) va s'accompagner de la libération de quelque 38 000 m2 de terrains - aujourd'hui occupés en grande partie par des entre-pôts - d'ici à 2005. L'espace ainsi reconquis permettra de doubler la superficie du pôle tertiaire d'Euroméditer- ranée, actuellement concentré sur l'immeuble des Docks. Le maître d'oeuvre de cette opération de 9, 15 millions d'euros sera connu au printemps 2002.
- La friche de la Belle de Mai
La requalification des anciens entrepôts de la manufacture des tabacs de la Seita est en cours. L'îlot 1 regroupe sur 24 000 m2 les Archives municipales, les réserves des musées de Marseille et le Centre interrégional de restauration des oeuvres d'art.
L'îlot 2, dédié aux industries du multimédia, devrait être livré fin 2002. Les îlots 3 et 4 abriteront un pôle de la culture vivante. Il s'agira également d'aménager sur ce site un équipement sportif ouvert sur le quartier. L'implantation d'un IUFM est également envisagée. C'est l'architecte Patrick Rubin qui veille à la cohérence des espaces publics. Au total, 53,36 millions d'euros seront mobilisés sur cette ancienne friche.
PLAN :
Schéma de référence pour la Cité de la Méditerranée.
La Cité de la Méditerranée
C'est la future « vitrine » de l'opération d'intérêt national, à cheval sur le port et la ville sur une longueur de deux kilomètres qui doit rendre lisible par des signes forts la renaissance marseillaise. Objectifs : remettre en scène le paysage de la rade, créer de grandes promenades en bord de mer, accueillir le musée national des civilisations européennes et méditerranéennes (en partie dans le fort Saint-Jean), un centre commercial, un aquarium, un multiplexe... L'étude de définition urbaine sera connue en juin 2002. Trois équipes sont en lice, conduites par les architectes Bernard Tschumi, Yves Lion et Claude Vasconi.