Marchés publics Les nouveaux marchés à procédure adaptée

De tous les marchés qui sont passés en France, les marchés à procédure adaptée (Mapa) sont, de loin, les plus nombreux. Tirant les enseignements de la jurisprudence et de la pratique, le décret 2006-975 du 1er août 2006 portant Code des marchés publics fait évoluer le régime de ces marchés.

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L'achèvement de la transposition des directives européennes du 31 mars 2004 dans le Code 2006 n'affecte pas les marchés à procédure adaptée. En effet, ces marchés sont ceux qui sont passés en dessous des seuils européens ; ils ne sont donc pas régis par le droit communautaire. Ils obéissent, en revanche, aux principes fondamentaux du Traité de Rome, en vertu duquel les pouvoirs adjudicateurs doivent mettre en œuvre un « degré de publicité adéquat » pour la passation de ces contrats (CJCE, 7 décembre 2000, « Telaustria »). Pour faire évoluer la procédure adaptée dans le respect des principes du Traité, les auteurs du Code 2006 ont tenu compte à la fois de la jurisprudence et de la pratique. On examinera successivement la définition et le régime de ces marchés.

Une définition qui n'évolue pas

D'un Code à l'autre, la définition des Mapa n'évolue pas. Ces contrats demeurent des marchés publics régis par le Code, et ils obéissent aux principes du droit de la commande publique. Il faut tout de même rappeler que, jusqu'en 2001, on considérait que les contrats inférieurs à 300 000 francs (45 735 euros) étaient « hors marchés ». Une telle interprétation était contestable, mais elle était généralement admise.

En vertu du II de l'article premier du Code 2006, les principes que doit respecter la passation de tous les marchés sont la liberté d'accès à la commande publique, l'égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures. Ils permettent d'assurer l'efficacité de l'achat public et la bonne utilisation des deniers publics. Ces principes s'appliquent aussi aux Mapa.

Pour l'essentiel, les Mapa sont ­définis uniquement par rapport aux seuils visés à l'article 26. Ainsi, « lorsque leur valeur estimée est inférieure aux seuils mentionnés au II de l'article 26, les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés ­selon une procédure adaptée ».

Le régime des Mapa

Les Mapa sont encadrés de manière souple, puisqu'il appartient à l'acheteur public d'adapter librement la procédure à chaque achat. Nous examinerons tout d'abord la question de la publicité, puis celle de la procédure proprement dite.

Un degré de publicité adéquat

Conformément à la jurisprudence européenne, les marchés conclus en dessous des seuils communautaires doivent respecter un degré de publicité adéquat, et ce afin de permettre à une entreprise susceptible d'être intéressée de se porter candidate (CJCE, 7 décembre 2000, « Telaustria »). Il va de soi que cette condition doit être combinée avec un autre impératif : il faut adapter le montant consacré à la publicité à celui du marché.

A l'instar du précédent, le Code 2006 établit trois niveaux :

. Le premier niveau concerne les achats inférieurs à 4 000 euros HT. Pour ces tout petits contrats, le Code prévoit qu'aucune publicité ni aucune mise en concurrence ne sont nécessaires. Il va de soi, en effet, qu'un achat de quelques dizaines d'euros ne peut faire l'objet d'une publicité coûtant 200 ou 300 euros. De plus, le délai de publication serait le plus souvent excessif par rapport à l'urgence du besoin. Ainsi, prendre un taxi, commander des pizzas pour une réunion tard le soir, ou commander des cartes de visite pour l'arrivée d'un nouvel agent ne nécessite pas a priori d'aller chercher en Italie ou en Finlande le prestataire le mieux placé.

. Le deuxième niveau concerne tous les achats compris entre 4 000 euros HT et 90 000 euros HT. Le Code 2006 dispose que « le pouvoir adjudicateur choisit librement les modalités de publicité adaptées en fonction des caractéristiques du marché, notamment le montant et la nature des travaux, des fournitures ou des services en cause ». Dans cette fourchette, les marchés que le pouvoir adjudicateur envisage de conclure doivent être précédés obligatoirement d'une publicité et d'une mise en concurrence. Mais celles-ci devront être adaptées « librement ». Le Code 2006 n'indique pas comment il convient d'adapter la procédure ; il s'en remet au discernement des acheteurs et en appelle à leur responsabilité. On peut dès lors se référer utilement à la jurisprudence. De manière assez sommaire, celle-ci examine le degré adéquat de publicité à partir de trois critères :

- Le premier critère porte sur l'objet du marché. Lorsqu'un marché porte, par exemple, sur la programmation de l'antenne du musée du Louvre à Lens, son objet est à la fois très spécifique et prestigieux pour l'éventuel titulaire (CE, 7 octobre 2005, « Région Nord-Pas-de-Calais) ». Il est spécifique en ce sens qu'il existe peu d'entreprises capables d'exécuter la mission ; et il est prestigieux en ce sens qu'il peut constituer une référence utile pour le futur titulaire. En un tel cas, le montant de 35 000 euros, au demeurant très faible pour cette étude, ne dispensait pas la collectivité d'organiser une publicité allant au-delà de la région en cause, en l'espèce le Nord-Pas-de-Calais.

- Le second critère porte sur le montant du marché. Lorsque, indépendamment de son objet, le marché atteint un montant significatif, il doit faire l'objet d'une publicité adaptée permettant à toutes les entreprises susceptibles d'être intéressées d'être averties. Ainsi (mais il ne s'agissait pas d'un Mapa), un marché de travaux de 3 millions d'euros HT doit faire l'objet d'une publicité allant au-delà de la région en cause, en l'espèce le Languedoc-Roussillon (TA Montpellier, 14 mars 2006, « Société Azur BTP »).

- Le troisième et dernier critère est celui dégagé de manière assez explicite par le tribunal administratif de Mamoudzou dans son ordonnance du 2 mai 2006 (TA Mamoudzou, 2 mai 2006, « Société Réunion Villes propres »). L'acheteur doit, quel que soit l'objet et le montant du marché, combiner ces deux premiers critères avec celui tiré du degré de concurrence existant entre les entreprises. Ainsi, lorsque la concurrence est au moins nationale, c'est-à-dire lorsqu'il existe sur tout le territoire, voire au-delà, des entreprises susceptibles de répondre au marché, la publicité doit, là encore, aller au-delà de la région considérée, en l'espèce Mayotte.

La combinaison de ces trois critères, qui vaut d'ailleurs au-delà de 90 000 euros HT, fait apparaître qu'il existe peu d'hypothèses dans lesquelles une publicité strictement locale ou régionale peut être admise sans risque. C'est d'ailleurs ce qu'indiquent les lignes directrices de la Commission européenne sur les petits marchés du 23 juillet. Une telle constatation milite plutôt pour l'insertion des avis de publicité dans la presse spécialisée, et ce de manière à atteindre directement les entreprises susceptibles d'être intéressées. On peut penser, par exemple, à un journal tel que « 01 Informatique » pour l'informatique, ou encore à « Stratégies » pour la communication.

. Le troisième niveau correspond aux achats compris entre 90 000 et 210 000 euros HT (135 000 euros HT pour l'Etat). Pour ces achats, une publicité doit être insérée, soit au BOAMP, soit dans un journal d'annonces légales. De plus, le Code 2006 prévoit qu'une publicité doit être également insérée dans la presse spécialisée si elle est « nécessaire ».

La première condition ne pose guère de difficultés et le choix du support - BOAMP ou JAL - est ­libre.

Cela étant, la rédaction de l'article a été légèrement modifiée, puisque l'ancienne version prévoyait une publication dans la presse spécialisée si elle s'avérait « utile », alors que le Code 2006 prévoit cette publication si elle est « nécessaire ». Une telle évolution sémantique ne devrait pas modifier l'interprétation qui a été donnée de cette règle jusqu'à ce jour. La notion d'utilité a disparu car elle était en fait inconditionnée. Il était en effet impossible de démontrer qu'une publication supplémentaire n'était pas utile et, partant, toute publication complémentaire était obligatoirement utile. En revanche, il est possible qu'une publication complémentaire ne soit pas nécessaire, alors qu'elle aurait été utile. Dans quelles hypothèses une publicité est-elle nécessaire ? Eh bien dans celles qui ont été définies par la jurisprudence (voir ci-dessus les décisions « Louvre II », « Société Azur BTP » ou « Société Réunion Villes propres »).

Il convient ici de rappeler que certains journaux peuvent être à la fois des journaux d'annonces légales et des organes de presse spécialisés. C'est le cas du « Moniteur », qui est à la fois un journal d'annonces légales dans plusieurs départements, et aussi un organe de presse spécialisé. La publication d'un avis dans ce magazine peut donc, a priori, répondre à la fois à la première condition (publication dans un JAL) et à la seconde (publication dans la presse spécialisée).

Une procédure. adaptée

Comme l'indique son nom, la procédure de ces marchés doit être adaptée et ce, en tenant compte des caractéristiques du marché. De manière générale, il convient de rappeler que les grands principes (liberté d'accès, égalité de traitement et transparence de la procédure) s'appliquent à la procédure adaptée. Ainsi, au stade des candidatures, « le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des opérateurs économiques plus de renseignements ou de documents que ceux prévus pour les procédures formalisées par les articles 45, 46 et 48 ». Sans détailler l'ensemble des règles qui s'imposent en la matière, on peut rappeler, par exemple, qu'une entreprise interdite d'accès à la commande publique ne peut devenir titulaire d'un marché public, même inférieur à 4 000 euros HT.

Au niveau des offres, qui doivent être formalisées par écrit à partir de 4 000 euros HT, la réponse peut être limitée à un devis si les caractéristiques du marché n'en demandent pas plus.

Faut-il prévoir des critères d'attribution ? Le Code ne le dit pas expressément. Le II de l'article 53 dispose que, « pour les marchés passés selon une procédure formalisée et lorsque plusieurs critères sont prévus, le pouvoir adjudicateur précise leur pondération ». On en déduit a contrario que, lorsque la procédure n'est pas formalisée, il n'est pas nécessaire de prévoir des critères d'attribution. Attention cependant, si le pouvoir adjudicateur décide de lier son choix par des critères, il devra s'y tenir, sauf à encourir l'annulation de sa procédure.

Le Code 2006 prévoit également que, « quel que soit le montant du marché, le pouvoir adjudicateur peut exiger que les offres soient accompagnées d'échantillons, de maquettes ou de prototypes concernant l'objet du marché, ainsi que d'un devis descriptif et estimatif détaillé (.). Lorsque ces demandes impliquent un investissement significatif pour les candidats, elles donnent lieu au versement d'une prime. »

Une telle disposition est sujette à polémiques. Tout d'abord, il convient de relever qu'elle s'applique « quel que soit le montant du marché », c'est-à-dire notamment aux procédures adaptées. Les acheteurs devront faire preuve de discernement s'ils entendent en faire application. Il ne s'agit pas, en effet, de demander aux candidats de livrer toutes leurs idées et leur savoir-faire, puis de choisir celui que l'on veut, parce que c'est « un copain » ou qu'il acquitte ses impôts dans la commune. Un tel comportement sera invariablement sanctionné. En d'autres termes, les demandes de maquette devront être, d'une part, indispensables compte tenu de l'objet du marché. D'autre part, le travail nécessaire à leur exécution devra être proportionné à la valeur du marché. Enfin, la prime devra réellement indemniser les candidats et ne pas être symbolique, faute de quoi les offres sérieuses pourraient rapidement se raréfier.

Lorsque le Mapa est attribué, sa conclusion obéit aux règles habituelles de la collectivité contractante. Ainsi, pour les collectivités territoriales, le Code 2006 prévoit que « les marchés sans formalités préalables mentionnés dans le Code général des collectivités territoriales (CGCT) sont les marchés d'un montant inférieur aux seuils fixés au II ». Le doute sur ce point n'est donc plus permis : les Mapa sont les marchés sans formalités préalables du CGCT. Les Mapa ne sont donc pas transmis au contrôle de légalité.

Les autres Mapa

En dehors des Mapa conclus à raison du montant de l'achat envisagé, il existe quatre autres catégories de Mapa.

Les Mapa portant sur des services allégés

L'article 26 prévoit, en premier lieu, que peuvent être conclus à l'issue d'une procédure adaptée, les marchés visés à l'article 30. Il s'agit là des marchés de services qui peuvent, en raison de la nature de ces services, bénéficier d'un régime assoupli, que l'on appelle les marchés « de services allégés ». La définition en est donnée « en creux » par le Code 2006, la liste des services soumis à un régime normal étant visée à l'article précédent. Peuvent donc bénéficier d'un régime allégé tous les services qui ne sont pas ceux visés à l'article 29. Ces marchés-là peuvent être conclus à l'issue d'une procédure adaptée, et ce quel que soit leur montant. En revanche, ils ne peuvent être considérés comme des marchés sans formalités préalables au sens du CGCT, si leur montant atteint le seuil des procédures formalisées. En effet, le CGCT vise les marchés sans formalités en raison de leur montant, mais pas de leur objet. A partir de ces seuils, ils devront donc être conclus par l'assemblée délibérante et être transmis au contrôle de légalité.

Les Mapa prévus pour certains lots

Par ailleurs, le 2° de l'article 26 prévoit que, même si le montant de l'achat est supérieur au seuil des procédures formalisées, il est possible d'organiser une procédure adaptée pour certains lots. Il en va ainsi pour les lots inférieurs à 80 000 euros HT dans le cas de marchés de fournitures et de services, et dans le cas de marchés de travaux dont le montant est inférieur à 5 270 000 euros HT. La même solution est envisageable pour les lots inférieurs à 1 000 000 euros HT si le montant des marchés de travaux atteint 5 270 000 euros HT.

Il faut toutefois que le montant cumulé de ces lots n'excède pas 20 % de la valeur totale des lots. Dans le cas où le marché comporte un minimum et un maximum, les 20 % s'appliquent au montant minimum du marché.

Le Code 2006 ajoute que cette dérogation peut s'appliquer à des lots déclarés infructueux ou sans suite au terme d'une première procédure, ainsi qu'à des lots dont l'exécution est inachevée après résiliation du marché initial, si toutefois ils satisfont aux conditions ci-dessus pour être passés à l'issue d'une procédure adaptée. Ces précisions, qui n'avaient pas été apportées par le Code 2004, seront utiles aux praticiens.

Les Mapa « formalisés »

Le Code introduit pour la première fois une disposition qui permet à l'acheteur de s'inspirer des procédures formalisées. Il dispose que « le pouvoir adjudicateur peut s'inspirer des procédures formalisées prévues par le présent Code, sans pour autant que les marchés en cause ne soient alors soumis aux règles formelles applicables à ces procédures. En revanche, s'il se réfère expressément à l'une des procédures formalisées prévues par le présent Code, le pouvoir adjudicateur est tenu d'appliquer les modalités prévues par le présent Code. »

En d'autres termes, l'acheteur peut organiser sa procédure adaptée en reprenant certaines dispositions propres aux appels d'offres. Il peut, par exemple, utiliser le délai de 52 jours, procéder à l'insertion d'un avis au BOAMP en utilisant le formulaire spécifique aux appels d'offres, ou insérer des critères d'attribution pondérés pour le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse.

A la différence de ce qui prévalait jusqu'à ce jour, il peut le faire sans être obligé d'organiser un véritable appel d'offres. Toutefois, il ne peut pas, dans ce cas, désigner sa procédure par les termes « appel d'offres ». S'il le fait, il devra organiser un appel d'offres en bonne et due forme. Mais il peut reprendre tout ou partie de la procédure d'appel d'offres pour encadrer sa procédure adaptée.

On verra à l'usage comment cette faculté sera comprise et mise en œuvre. Il faut espérer qu'elle ne donnera pas lieu à trop de litiges, car il s'agit d'une disposition utile, qui permet d'organiser une procédure « à la carte », et donc de mieux adapter la procédure aux caractéristiques du marché et au niveau de concurrence entre les opérateurs économiques.

Les Mapa sans mise en concurrence

Le Code introduit enfin une disposition fort utile. Il prévoit, en effet, que « le pouvoir adjudicateur peut décider que le marché sera passé sans publicité ni mise en concurrence préalables si les circonstances le justifient, ou si son montant estimé est inférieur à 4 000 euros HT, ou dans les situations décrites au II de l'article 35 ».

Cette disposition nouvelle est intéressante, dans la mesure où elle étend aux procédures adaptées les cas de marchés négociés sans mise en concurrence qui sont prévus à l'article 35. Sous l'empire de la réglementation antérieure, on n'était pas certain, en effet, qu'il soit possible d'utiliser les cas prévus à l'article 35 dans le cadre des Mapa. L'intérêt de la formule est de combiner la souplesse des Mapa avec les cas de dérogation prévus à l'article 35. En d'autres termes, si un marché entre dans l'un de ces cas, ou si les circonstances le justifient, et s'il s'agit par ailleurs d'un Mapa, il est possible de le conclure sans passer par la commission d'appel d'offres, ni même par le contrôle de légalité.

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