Nul doute que les professionnels accueilleront avec intérêt l'avis par lequel le Comité économique et social européen, saisi en décembre dernier par la Commission européenne sur son livre vert relatif aux marchés publics, apporte sa contribution aux pistes de réflexion qui y sont proposées.
Certaines sont moins des nouveautés que des confirmations. Ainsi, le Comité économique et social estime qu'une politique européenne en matière de marchés publics de travaux devrait renforcer le concept du « mieux-disant ».
Autre confirmation : le comité se rallie à l'analyse désormais classique selon laquelle le faible nombre de marchés attribués à des entreprises originaires d'un autre Etat que celui du lieu du chantier s'explique moins par une mauvaise application des directives « marchés publics » que par des facteurs externes.
Par « facteurs externes », comme les appelle pudiquement le Comité européen, il faut entendre la méconnaissance des habitudes locales, les surcoûts liés à l'éloignement du chantier (qui ont vite fait d'annihiler une marge déjà très faible a priori...), le risque monétaire (dans l'attente de la monnaie unique), sans parler de la barrière de la langue. Bref, le réalisme conduit à dire que, pour remporter un appel d'offres, mieux vaut être le régional de l'étape.
Vers une directive « concessions »
Plus novatrice est l'évolution des milieux européens vers une attitude nettement favorable au développement du financement privé des ouvrages publics. Disette budgétaire fait loi... Encore faut-il que, tout en respectant l'obligation fondamentale de publicité préalable, soit « sauvegardé le caractère négocié de ces contrats ». La Commission de Bruxelles est même invitée à mettre à l'étude un outil juridique adapté concernant le régime d'exécution des concessions.
Mais nul doute que, de toutes les propositions, celles relatives aux offres anormalement basses retiendront le plus l'attention. Les milieux européens partagent le constat général : ces offres ont des conséquences désastreuses pour tous (mauvaise qualité des travaux, disparition d'entreprises et d'emplois, concurrence malsaine), et une politique européenne des marchés publics « ne saurait faire abstraction de ce problème ».
Mais alors que tous les systèmes proposés en France font reposer, d'une façon ou d'une autre, la solution du problème sur une action de « police » du maître d'ouvrage, les milieux communautaires sont plus dubitatifs sur l'efficacité d'un système fondé sur la décision d'une personne (le maître d'ouvrage public) à la fois juge et partie.
Aussi, s'inspirant d'un mécanisme qui a fait ses preuves aux Etats-Unis et ailleurs, proposent-ils un système obligatoire de « bonds » garantissant la bonne fin de l'offre. L'expérience montre, en effet, que la « tierce partie avertie » qu'est l'organisme financier chargé de délivrer ce type de garantie ne prend jamais le risque de couvrir une opération proposée à un prix déraisonnable.
Mais - et c'est là que le bât blesse - pour bien fonctionner, un tel système suppose l'existence d'un réseau financier très spécialisé dans l'analyse des comptes des entreprises de BTP et des risques liés à une opération de construction.
C'est ne faire injure à personne que de dire qu'une telle condition préalable n'est sans doute pas encore remplie en France.