Le Code de la commande publique (CCP) définit l'offre irrégulière comme celle « qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et en vironnementale » (article L. 2152-2).
En principe, en vertu de l'article R. 2152-1 du CCP, les offres irrégulières sont éliminées dans les procédures d'appel d'offres et les procédures adaptées sans négociation, alors qu'elles peuvent devenir régulières au cours de la négociation ou du dialogue dans les autres procédures. Toutefois, selon l'article R. 2152-2 du CCP, dans toutes les procédures, y compris en cas d'appel d'offres ou de procédure adaptée sans négociation, l'acheteur peut, sous certaines conditions, mettre en œuvre une procédure de régularisation des offres irrégulières.
L'identification des offres irrégulières
Il existe plusieurs catégories d'offres irrégulières :
- l'offre incomplète, qui ne contient pas l'ensemble des pièces et renseignements requis par les documents de la consultation (CE, 12 janvier 2011, n° 343324, mentionné dans les tables du Recueil). Est ainsi considérée comme incomplète l'offre qui ne renseigne pas un nombre important de prix dans le cadre du bordereau des prix unitaires (BPU) [TA Lille, 11 mars 2025, n° 2201660]. Ce n'est pas le cas si les informations manquantes sont en réalité inexistantes sur le marché (TA de Versailles, 2 janvier 2025, n° 2410810) ;
- l'offre qui ne respecte pas les exigences techniques imposées (CE, 18 octobre 2024, n° 474772). C'est, par exemple, l'hypothèse d'une offre prévoyant un prédécoupage approximatif des panneaux isolants et un découpage sur site interdit par le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) sans justifier de contraintes techniques avérées (CAA Toulouse, 1er avril 2025, n° 23TL01301) ou celle d'un candidat qui n'est pas titulaire du certificat de qualification technique exigé (TA Bastia, 31 janvier 2025, n° 2500002) ;
- l'offre qui ne respecte pas la législation au sens large, comme les obligations issues des conventions collectives applicables au personnel (CE, 23 novembre 2018, région Réunion, n° 422143).
Exigence dépourvue d'utilité pour l'analyse. L'offre ne saurait toutefois être écartée si l'irrégularité invoquée est « manifestement dépourvue de toute utilité pour l'examen des candidatures ou des offres » (CE, 22 mai 2019, société Corsica Ferries, n° 426763, Tables). Ainsi, bien que le règlement de la consultation ait imposé la signature du BPU, son absence ne remet pas en cause « le sens » ou « la validité de l'engagement du soumissionnaire » (TA Polynésie française, 18 novembre 2024, n° 2400452).
L'utilité des exigences imposées par l'acheteur doit par ailleurs être appréciée en fonction de l'objectif poursuivi par ce dernier. Ainsi, si une visite obligatoire du site est prévue pour assurer une connaissance égale des lieux entre les candidats, le fait de ne pas s'y plier rend l'offre irrégulière (TA Polynésie française, 7 août 2024, n° 2400314), sauf si le candidat est en mesure de démontrer qu'il connaissait déjà les lieux (CAA Bordeaux, 7 juillet 2016, n° 14BX02425).
La régularisation, une simple faculté pour l'acheteur
L'acheteur est, par principe, tenu d'écarter une offre irrégulière sans la noter ni l'évaluer, car il ne peut attribuer un marché à un candidat qui ne respecterait pas l'une des prescriptions imposées par le règlement de la consultation (CE, 20 septembre 2019, Société Vendasi, n° 421075, Tables). Il est en revanche prévu, dans le cadre des procédures négociées, qu'une offre initiale irrégulière puisse être régularisée en cours de négociation ou de dialogue (TA Châlons-en-Champagne, 14 novembre 2024, n° 2402597). L'offre demeurant irrégulière doit toutefois être éliminée lorsque la négociation ou le dialogue a pris fin (art. R. 2152-1 du CCP).
Par exception, le CCP permet à l'acheteur d'autoriser une régularisation quel que soit le type de procédure, mais il s'agit d'une simple faculté laissée à sa discrétion, et en aucun cas d'une obligation (CE, 26 avril 2018, société Inéo Provence et Côte d'Azur, n° 417072). La régularisation doit être effectuée dans le respect des principes d'égalité de traitement et de transparence (CAA Paris, 5 juillet 2024, n° 22PA00120) impliquant que tous les candidats puissent régulariser leurs offres dans les mêmes conditions (TA Montpellier, 30 mars 2023, n° 2301413).
Les conditions de la régularisation
La régularisation est possible sous deux conditions : l'offre en question ne doit pas être anormalement basse (ci-après OAB) et la régularisation ne peut avoir pour effet d'en modifier les caractéristiques substantielles (art. R. 2152-2 du CCP).
Interdiction de régulariser les OAB. En cas de suspicion d'OAB, définie comme l'offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché (art. L. 2152-5 du CCP), l'acheteur devra suivre une procédure spécifique pour déterminer s'il est, ou non, en présence d'une OAB, avant de procéder, le cas échéant, à la régularisation.
Pas de modification des caractéristiques substantielles. S'agissant des modifications substantielles, la Direction des affaires juridiques du ministère de l'Economie évoque dans sa fiche technique sur l'examen des offres la situation dans laquelle « les irrégularités constatées sont manifestement trop importantes pour être régularisées sans entraîner une modification significative de l'offre, dépassant ainsi ce qui peut être raisonnablement accepté ». En l'absence de typologie arrêtée des modifications substantielles, l'acheteur doit se livrer à une appréciation casuistique pour chaque régularisation.
Il a ainsi récemment été jugé qu'était substantielle la modification conduisant à une augmentation de 10 % du montant initial de l'offre (CAA Paris, 5 juillet 2024, n° 22PA00120) ou celle consistant pour le candidat à ajouter à son offre une quantité de métrés de surface de cloisons courantes qu'il aurait oublié d'indiquer lors de la réalisation du devis (TA Nîmes, 28 janvier 2025, n° 2405036). De même, est substantielle la modification du tracé de l'ouvrage opérée par le candidat dans l'optique de répondre aux exigences du marché (TA Nice, 4 février 2025, n° 2202335).
N'est en revanche pas une modification substantielle, le fait pour l'opérateur d'expliquer les modalités de calcul conduisant à son offre financière (TA Montreuil, 10 janvier 2025, n° 2418107) ou le fait pour l'acheteur de choisir entre deux paires d'offres identiques, l'irrégularité tenant seulement à une double remise sans impact sur le contenu ou les caractéristiques essentielles (TA Strasbourg, 14 février 2025, n° 2500599).
L'utilité des exigences imposées par l'acheteur doit être appréciée en fonction de l'objectif poursuivi par ce dernier.
Le cas particulier de la rectification d'une erreur matérielle
Enfin, si l'offre d'un soumissionnaire ne peut être directement modifiée par l'acheteur ou par le candidat de sa propre initiative (art. R. 2152-2 du CCP), une exception est cependant admise en présence d'une « simple erreur matérielle » définie comme une erreur grossière au point que « nul ne pourrait s'en prévaloir de bonne foi » (CE, 21 septembre 2011, Société Parenge, n° 349149, publié au Recueil).
Le juge administratif a ainsi récemment validé la possibilité pour le pouvoir adjudicateur de rectifier le détail quantitatif estimatif (DQE) de l'un des candidats dès lors qu'il était évident que l'erreur commise s'apparentait à un simple oubli, l'offre étant elle-même régulière (TA Orléans, 27 août 2024, n° 2403196). De même, un candidat peut corriger l'erreur matérielle résidant dans le fait d'avoir indiqué par inadvertance un prix forfaitaire au lieu d'un prix au mètre carré pour deux lignes du BPU (TA Bastia, 23 février 2024, n° 2400123).
Ce qu'il faut retenir
- Le Code de la commande publique autorise, dans toutes les procédures, la régularisation des offres irrégulières, c'est-à-dire de celles qui ne respectent pas entièrement les exigences de la consultation, sans en altérer l'économie générale.
- La régularisation constitue une simple faculté pour l'acheteur, qui ne peut l'exercer qu'en respectant les principes d'égalité de traitement et de transparence. Exclue en cas d'offre anormalement basse, elle suppose de ne pas modifier les caractéristiques substantielles de l'offre, ce qui nécessite une appréciation au cas par cas de la part de l'acheteur.
- Peuvent en revanche être admises les rectifications directes, à l'initiative de l'acheteur ou du candidat, d'erreurs matérielles comprises comme des erreurs grossières dont nul ne pourrait se prévaloir de bonne foi.