Jurisprudence

MARCHÉS PUBLICS Baux emphytéotiques administratifs Quel mode de passation ?

Alors que l’étau de la concurrence se resserre progressivement sur la passation des contrats administratifs,il apparaît difficile de faire échapper les baux emphytéotiques administratifs à des obligations de publicité et de mise en concurrence. Il convient néanmoins d’éviter de leur appliquer des procédures de passation trop rigides.

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Marchés publics

Les contrats de partenariat font, depuis quelque temps, l’objet d’un encadrement textuel relativement précis, s’agissant notamment de leur passation (1). Mais tous les contrats de partenariat, ou assimilés, ne sont pas nécessairement logés à la même enseigne. Si la passation des baux emphytéotiques hospitaliers est réglementée par les articles L.6148-1 et suivants du Code de la santé publique, celle des baux emphytéotiques administratifs (BEA) ne fait l’objet d’aucun encadrement sur ce plan (2). Pourtant, alors que l’étau de la concurrence se resserre progressivement sur la passation des contrats administratifs, il apparaît difficile de faire échapper les BEA à des obligations de publicité et de mise en concurrence.

La nécessité de combler un vide juridique se fait d’autant plus ressentir que l’on assiste à une véritable redécouverte du procédé des BEA. Celui-ci se multiplie, en effet, dans différents secteurs d’activité des collectivités publiques : des abattoirs aux parkings publics, en passant par les groupes scolaires ou les centres sportifs.

1DROIT COMMUNAUTAIRE ET CODE DES MARCHES PUBLICS

Les articles L.1311-2 et suivants du Code général des collectivités territoriales ne prévoient aucune modalité particulière pour la passation des baux emphytéotiques administratifs par ces dernières. Mais on sait, depuis une jurisprudence du Conseil d’Etat désormais bien assise (3), que ces contrats sont, pour la plupart d’entre eux, susceptibles d’être qualifiés de marchés publics ou de concessions de travaux en droit communautaire. Ils doivent donc, pour le moins, être précédés d’une publicité au JOUE, dès lors que leur montant dépasse les seuils communautaires.

Une telle obligation est encore renforcée par la nécessité, pour la passation de ce type de contrat, de respecter les principes fondamentaux issus du traité de Rome (4). Cela revient à leur appliquer des formalités de publicité que l’on pourrait qualifier, à l’instar de celles imposées à d’autres contrats (5), d’adéquates.

Choix des collectivités. Pour cette raison, la plupart des collectivités mettant en place ce type de contrat choisissent, d’elles-mêmes, de respecter certaines formalités de publicité et de mise en concurrence. Celles-ci s’inspirent souvent de la procédure de dialogue compétitif relevant du Code des marchés publics ou de la procédure, au demeurant très proche de cette dernière, applicable aux contrats de partenariat souscrits sur le fondement du critère de la complexité.Un tel choix n’est d’ailleurs pas sans danger, une juridiction pouvant décider, en cas de contentieux, que la procédure ainsi retenue n’est pas conforme à celle instaurée par les directives communautaires applicables aux marchés publics.

Définition du futur CMP. Sur ce point, le projet de futur Code des marchés publics tend à se rapprocher de la conception communautaire. Il prévoit, en effet, une définition des marchés publics de travaux aussi large que celle contenue dans la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004, de tels marchés ayant pour objet « l’exécution, soit conjointement la conception et l’exécution, d’un ouvrage ou de travaux de bâtiment ou de génie civil répondant à des besoins précisés par le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice »(6).

Alors que la définition du Code, actuellement en vigueur, fait un lien entre les marchés publics de travaux et la maîtrise d’ouvrage publique, la future définition opère une déconnexion entre les deux. Elle permet d’y inclure les travaux réalisés sous maîtrise d’ouvrage privée, dès lors qu’ils répondent aux besoins d’une collectivité publique.

Dans cette optique, les baux emphytéotiques administratifs seraient automatiquement intégrés dans le champ du Code des marchés publics et leur passation devrait respecter les règles issues de ce dernier (7). Au vu du montant relativement élevé de ce type de contrats, la plupart d’entre eux devraient ainsi faire l’objet d’appels d’offres.

Un tel rapprochement avec la passation des marchés publics reviendrait non seulement à banaliser les baux emphytéotiques administratifs, mais leur enlèverait des souplesses de procédures inhérentes à leur nature et à leur complexité. Une solution serait, alors, d’appliquer à la passation des baux emphytéotiques administratifs la procédure de dialogue compétitif relevant de l’article 36 de l’actuel Code des marchés publics.

Mais, il faudrait - pour les opérations supérieures à 5 900 000 euros€ H.T. - prouver que la personne publique n’est pas en mesure de définir les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins, ou d’établir le montage juridique ou financier d’un projet. Or, de tels éléments ne sont pas nécessairement les critères sur lesquels les collectivités se fondent pour souscrire des BEA.

Convention de délégation de service public. Le recours à ce type de contrat s’explique plutôt par des nécessités liées aux souplesses financières qu’il offre ; ou encore à la garantie de maintenance des équipements qu’il permet, ainsi qu’au transfert de responsabilité qu’il opère vers son titulaire. Cela est sensiblement distinct des critères prévus à l’.

2LA MISE EN PLACE D’UNE PROCEDURE « AD HOC » ?

Le risque serait donc que la passation des BEA relève des procédures relativement rigides, et donc peu adaptées, de l’appel d’offres ou de procédures répondant à des critères plutôt fermés comme celles applicables aux contrats de partenariat relevant de l’ordonnance du 17 juin 2004 et répondant au critère de la complexité.

Dans ce contexte, la meilleure solution serait peut-être, finalement, d’instaurer une procédure de passation spécifique pour les baux emphytéotiques administratifs. Plutôt que de s’inspirer de la procédure du dialogue compétitif, du fait notamment de la question des critères évoquée ci-dessus, sans doute serait-il plus opportun d’utiliser la même méthode que celle appliquée aux concessions d’aménagement, dont la passation a été soumise par la à des procédures similaires à celles applicables aux conventions de délégation de service public.

Au-delà de la question des critères de recours à la procédure du dialogue compétitif, on pourrait soutenir qu’elle s’apparente à celle applicable aux conventions de délégation de service public, dès lors que, après une publicité en bonne et due forme, elle permet une discussion et donc une négociation avec les candidats.

Dans ce sens, la procédure instaurée pour les baux emphytéotiques hospitaliers - par l’art. L.6148-5 du Code de la santé publique - n’est finalement pas très éloignée de celle prévue pour la passation des conventions de délégation de service public.

Mais la philosophie du dialogue compétitif - faire travailler les candidats sur les solutions possibles et, finalement, leur faire rédiger en grande partie le cahier des charges du futur contrat - est différente de celle des délégations de service public. Dans ce dernier cas, la procédure revient à permettre une négociation avec les candidats sur la base d’un projet déjà largement élaboré par la personne publique.

Plusieurs réserves. Un tel choix pourrait se voir opposer deux types de réserves:

- la première, relativement classique, serait liée à l’accroissement de l’éclatement de la réglementation applicable aux contrats publics, éclatement souvent dénoncé - à juste raison - comme une source d’insécurité juridique ;

- la seconde est d’ordre communautaire : à l’occasion d’un contentieux, un juge pourrait sanctionner une telle procédure de passation d’un BEA, dès lors qu’elle ne serait pas conforme aux procédures prévues par les directives Marchés publics.

On pourrait d’ailleurs rajouter une troisième réserve : si la passation des baux emphytéotiques administratifs était réglementée par un texte de loi spécifique, cela signifie qu’elle répondrait à une procédure dérogatoire de celle prévue par le Code des marchés publics. Or, s’il est saisi dans ce sens, le Conseil constitutionnel pourrait fort bien limiter le recours aux baux emphytéotiques administratifs et soumettre ces derniers aux mêmes critères - urgence ou complexité - que ceux qu’il a imposés aux contrats de partenariat, dans sa décision du 26 juin 2003. Une telle assimilation des baux emphytéotiques administratifs aux contrats de partenariat leur enlèverait un grand intérêt et reviendrait à limiter fortement leur utilisation par les collectivités publiques.

Débat ouvert. L’application au bail emphytéotique administratif de procédures de publicité et de mise en concurrence, similaires à celles des conventions de délégation de service public, aurait néanmoins pour avantage de concilier des impératifs de respect des principes fondamentaux - et en premier lieu, le traitement égalitaire des candidats - applicables à ce type de contrats et les nécessités de souplesse intrinsèquement attachées à ces derniers (8).

A une époque où les instances communautaires (9) réfléchissent, elles-mêmes, à la mise en place de textes applicables à la passation des contrats de partenariat, il s’agit là d’une piste susceptible de représenter un élément dans un débat dont la portée est particulièrement sensible pour les acteurs - et donc les praticiens - des baux emphytéotiques administratifs.

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