Conseil aux acheteurs publics qui optent pour un marché de conception-réalisation : il faut bien démontrer que ce choix est justifié. Et le mieux est de le faire dans les documents de la consultation, au risque sinon d’être pris de court devant le juge des référés. C’est la leçon à tirer à la lecture d'une ordonnance rendue par le tribunal administratif (TA) de Grenoble fin 2023 (TA Grenoble, 25 octobre 2023, n°2306384).
Un moyen soulevé d’office
Le juge a retenu d’office un moyen non invoqué par le candidat évincé qui demandait l’annulation du marché de conception-réalisation passé pour la réalisation d’un pumptrack, d’un bike parc et d’un parking. A la lecture des documents du marché, il a estimé que celui-ci n’avait pas de base légale car il ne répondait pas aux conditions posées par l’article L. 2171-2 du Code de la commande publique (CCP) permettant de conclure un marché de conception-réalisation.
Car il s’agit d’un contrat d’exception, comme l’énonce le TA : « La passation d’un marché de conception-réalisation, qui déroge aux conditions d’exercice de la maîtrise d’œuvre, par principe distincte de celle d’entrepreneur, ne peut avoir lieu que dans des circonstances particulières d’interprétation stricte ». Rappelons en effet qu’un marché de conception-réalisation est « un marché de travaux permettant à l’acheteur de confier à un opérateur économique une mission portant à la fois sur l’établissement des études et l’exécution des travaux » (art. L. 2171-2 du CCP précité).
Des conditions d’interprétation stricte
Dérogeant donc à la fois à la loi MOP (aujourd'hui codifiée) et au principe de l’allotissement, il ne peut être conclu que si l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage est rendue nécessaire soit pour des motifs d’ordre technique, soit en raison d’un engagement contractuel portant sur l’amélioration de l’efficacité énergétique, soit si le marché a pour objet la construction d’un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur.
En réponse au juge administratif, la commune justifiait son recours au marché de conception-réalisation par des motifs d’ordre technique. Ceux-ci sont définis dans le CCP (art. R. 2171-1). Ils concernent des ouvrages « dont l’utilisation conditionne la conception, la réalisation et la mise en œuvre » ou des ouvrages ayant « des caractéristiques […] exigeant de faire appel aux moyens et à la technicité propres des opérateurs économiques ».
Le juge exige des éléments précis
La commune indiquait que « le pumptrack doit permettre aux utilisateurs d’avancer sans relancer leur engin quel qu’il soit, qu’elle souhaite se démarquer des parcours existants, bénéficier d’une bonne coordination entre conception et réalisation, disposer d’un produit sûr et pérenne avec la meilleure utilisation possible des deniers publics ». Mais pour le TA, ces justifications ne sont pas suffisamment précises et ne permettent pas de démontrer qu’il existait « une particulière complexité technique ». Le marché de conception-réalisation est donc annulé en référé.