Coup de théâtre dans la lutte contre la fraude au détachement. Le certificat de détachement s’impose aux autorités françaises, y compris s’il s’avère que les intéressés ne sont pas en réalité des travailleurs détachés. C’est ce qu’affirme la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt du 27 avril 2017.
Des salariés de la succursale suisse... d'une société allemande... détachés en France
Retour en arrière sur les faits du dossier. Cette affaire concernait une société allemande exploitant des bateaux qui naviguent uniquement sur les eaux intérieures françaises. Celle-ci détient également une succursale suisse, qui gère l’activité des navires et le personnel qui y est employé. Les salariés travaillant sur les bateaux disposent à cet égard de certificats de détachement dits « E1011 » -aujourd’hui « A1 »- (1) délivrés par la caisse d’assurance sociale suisse. Ils sont donc soumis au régime de sécurité sociale de ce pays. En effet, bien que la Suisse n’appartienne pas à l’Union européenne, les règles concernant le certificat de détachement lui sont malgré tout applicables.
En 2007, un contrôle des autorités françaises pointe des irrégularités portant sur la couverture sociale des travailleurs concernés. La société allemande se voit réclamer plus de deux millions d’euros pour arriérés de cotisations sociales au régime français de sécurité sociale. Les autorités françaises estiment en effet que l’activité des bateaux s’exerçant en permanence et exclusivement en France, les salariés recrutés spécifiquement pour être affectés à bord auraient dû être déclarés auprès des organismes de sécurité sociale français.
Le litige est alors porté devant la Cour de cassation. En novembre 2015, cette dernière s’en remet à la CJUE afin de savoir si, en présence de travailleurs qui ne sont, en fait, pas détachés, les autorités françaises demeurent cependant liées par les certificats délivrés par la Suisse.
Procédure spécifique à déclencher en cas de doute sur la réalité du détachement
La Cour de l’Union rappelle, dans son arrêt du 27 avril, que le certificat de détachement s’impose aux autorités de l’État membre dans lequel le salarié travaille, aussi longtemps qu’il n’est pas retiré ou déclaré invalide. Les autorités françaises n’étaient dés lors pas habilitées à vérifier la validité des certificats E 101 délivrés par la Suisse. Conséquence : elles ne pouvaient pas davantage soumettre le travailleur en question à leur propre régime de sécurité sociale. Il leur appartenait alors de mettre en oeuvre la procédure prévue par le droit de l’Union pour contester la validité du certificat de détachement.
Une précaution s’impose néanmoins à la lecture de l’arrêt. Cette affaire concernait en effet une simple erreur des autorités suisses, et non un cas de fraude avéré. Aussi, la solution retenue dans l’arrêt du 27 avril ne saurait préjuger de celle qui sera adoptée dans deux autres affaires, actuellement pendantes devant la CJUE, qui traitent précisément, elles, de la fraude.