Un arrêt du Conseil d’Etat du 30 septembre 2019 détermine les conséquences de l’annulation d’un document d’urbanisme pour les projets de construction au sein des lotissements autorisés avant la loi Elan. L’illégalité remet en cause la poursuite du projet lorsque la norme antérieure empêche la délivrance des permis de construire. La commune en est responsable.
Inconstructibilité par retour au POS
La délibération d’un conseil municipal approuvant le plan local d’urbanisme (PLU) de la commune est annulée par un jugement devenu définitif. Avant cette annulation contentieuse, qui remet en vigueur rétroactivement le plan d’occupation des sols (POS) immédiatement antérieur en vertu de l’article L.121-8 du Code de l’urbanisme alors applicable, devenu l’article L. 600-12 du même code, un permis d’aménager un lotissement de vingt-cinq lots a été délivré par arrêté du maire. Or, par l’effet du retour au POS, les parcelles du projet de lotissement sont inconstructibles. L’aménageur introduit un recours indemnitaire contre la commune, en responsabilité pour faute. Il argue d’un préjudice résultant de la faute constituée par l'illégalité du PLU annulé et de l’impossibilité subséquente de réaliser le projet de construction.
Cinq ans de stabilité ?
Sur la base d’une interprétation extensive du principe de stabilisation des droits à construire, la cour administrative d’appel (CAA) de Bordeaux rejette la demande. En effet, l’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme en vigueur au moment des faits empêche de refuser un permis de construire ou de l’assortir de prescriptions sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues après le permis d’aménager. Le régime en vigueur lors de l’autorisation de lotir demeure donc applicable pour une durée de cinq ans. Ces dispositions garantissaient au constructeur, selon les juges du fond, la non-opposabilité des règles d’urbanisme résultant du rétablissement de l’ancien POS.
Opposabilité du POS antérieur
C’est à une interprétation restrictive de la loi que se range le Conseil d’Etat, confirmant à cet égard la lecture des cours administratives d’appel de Lyon et de Marseille (CAA Lyon, 18 juin 2015, n° 14LY00857, CAA Marseille, 20 oct. 2016, n° 15MA00172). Il censure l’arrêt d’appel pour erreur de droit. Ainsi, les dispositions de l’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme, telles que rédigées au moment des faits, ne sont-elles pas un « obstacle à un refus fondé sur les dispositions d’urbanisme antérieures remises en vigueur, par l’effet d’une annulation contentieuse intervenue postérieurement à l’autorisation du lotissement ». Le Conseil d’Etat écarte l’application du principe de stabilité quinquennale des droits à construire en vigueur lors de l’autorisation de lotir prévu par le Code de l’urbanisme, en cas de réactivation du document d'urbanisme antérieur à l'autorisation de lotir à la suite d'une annulation contentieuse. Par suite, il y a un lien de causalité direct entre l’illégalité du PLU ayant conduit à son annulation et l’impossibilité pour l’aménageur de réaliser le lotissement. L’affaire est renvoyée devant la CAA de Bordeaux.
Cristallisation pour les projets post 1er janvier 2019
Cet arrêt du Conseil d’Etat n’a toutefois qu’une portée relative, compte tenu du récent changement de la législation en la matière. La loi Elan du 23 novembre 2018, a en effet renforcé la protection des lotissements contre les conséquences liées à la disparition contentieuse du document d’urbanisme. Un alinéa a été ajouté à l’article L. 442-14 pour étendre la cristallisation des règles d’urbanisme applicables à un lotissement en cas d’« annulation, totale ou partielle, ou [de] déclaration d’illégalité d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme, d’un document d’urbanisme en tenant lieu ou d’une carte communale pour un motif étranger aux règles d’urbanisme ». Cette nouvelle règle est entrée en vigueur le 1er janvier 2019 mais le Conseil d’Etat refuse de l’appliquer aux projets autorisés avant cette date.
CE, 30 septembre 2019, n° 421889, mentionné dans les tables du recueil Lebon
► Pour lire nos derniers commentaires de jurisprudence (en marchés publics, marchés privés, urbanisme, environnement) ou rechercher des analyses de décisions par mots-clés ou par référence,consultez notre « Bar à jurisprudence »